Afin de raviver une économie et un marché de l'emploi dont la reprise est plus faible que prévu, la Réserve fédérale américaine a annoncé hier son intention d'acheter plusieurs centaines de milliards en obligations gouvernementales, ce qui mettra des liquidités à la disposition des institutions financières encore hésitantes à prêter. Les experts sont sceptiques.
La Fed, qui n'a plus le loisir d'abaisser son taux directeur davantage, car il se situe déjà à un plancher historique, a décidé à l'issue de sa réunion de deux jours qu'elle n'a d'autre choix que de consacrer environ 75 milliards par mois à cet exercice, pour un total de 600 milliards.
Cette méthode, qui consiste à acheter des titres auprès des banques et autres prêteurs, se nomme, dans le jargon, l'«assouplissement quantitatif». Jusqu'ici, la Fed a acquis pour environ 1700 milliards en obligations, notamment pour compenser le fait de ne plus pouvoir utiliser son taux directeur pour stimuler l'économie et éviter la désinflation.
La cadence des achats et le montant final pourraient toutefois évoluer à la lumière des données économiques, a dit la Fed dans son communiqué, tout en précisant que cette flexibilité visera à «trouver la meilleure façon de promouvoir le plein emploi et la stabilité des prix».
L'annonce a eu un effet vivifiant sur les marchés, mais sans plus. À Wall Street, où l'on anticipait depuis longtemps le geste, les Bourses ont terminé en hausse de quelques dixièmes de points de pourcentage. Le dollar américain s'est affaibli. À Toronto, le parquet a perdu un cheveu, soit 0,08 %, à 12 671,12 points.
«Il y a des limites considérables à l'efficacité de l'assouplissement quantitatif pour accroître la croissance économique, a écrit la Banque TD dans une analyse immédiate transmise à ses clients. Le crédit continuera d'être menotté par le désendettement des ménages et par l'incertitude sur le marché immobilier, et on a peu de raisons de croire que des milliards en réserves additionnelles vont modifier ce paradigme de manière significative.»
L'économie américaine a crû au rythme annuel de 2 % au cours du troisième trimestre, a estimé le gouvernement américain la semaine dernière dans un rapport prévisionnel. Au deuxième trimestre, la croissance s'est chiffrée à 1,7 %. Le taux de chômage, en septembre, se situait à 9,6 %.
En septembre, l'inflation de base — qui exclut des éléments volatils comme l'énergie et l'alimentation — se situait à seulement 1,2 % par rapport au même mois en 2009, son plus bas niveau en près de dix ans. La Fed a pour objectif une fourchette de 1,7 % à 2 %.
Congrès paralysé
D'autres, comme la Banque Nationale, ont indiqué que le geste aurait peut-être plus d'impact s'il était accompagné d'un plan de relance mis en avant par le gouvernement ou d'un environnement réglementaire «moins incertain». «Malheureusement, les résultats des élections de mi-mandat empêchent d'être optimiste à ce chapitre.»
De son côté, Paul Krugman, Prix Nobel de l'économie en 2008, a lui aussi fait preuve d'un certain scepticisme. «Alors maintenant, la Fed achète des titres à plus longue échéance, soit du cinq ans, dont le taux d'intérêt est légèrement supérieur à 1 %. Comment cela va-t-il être plus efficace? Six cents milliards, ce n'est pas tant que ça s'il s'agit d'influencer une économie de 15 000 milliards, a-t-il écrit sur son blogue au New York Times. En bref, bof.»
Dans son communiqué, la Fed a dit que son geste vise à «promouvoir un rythme de relance économique plus soutenu et à assurer que l'inflation, à terme, s'approche de l'objectif fixé».
Les experts s'attendaient tous à ce que la Fed dévoile une stratégie d'achats d'obligations, mais ils ne s'entendaient pas sur l'ampleur du programme. L'annonce de la Fed était maintenant chose du passé, Wall Street va se tourner vers les données du chômage qui seront publiées demain matin.
La Fed sort la planche à billets
La Réserve fédérale américaine rachètera 600 milliards US$ d'obligations gouvernementales
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