Le G20 de Séoul

Trois fois rien

G20 - Séoul novembre 2010



Au fond, le G20 de Séoul s'est avéré un cessez-le-feu dans la guerre à la fois commerciale et monétaire que poursuivaient depuis des mois l'Allemagne, la Chine et les États-Unis principalement. Après l'urgence qui avait caractérisé les sommets de 2008 et 2009, l'édition de cette année aura été celle de l'apaisement. Sans plus.
Oui, le protocole de Bâle III qui ordonne un renforcement des fonds propres et une consolidation des liquidités des banques a été entériné lors du G20. Oui, le principe d'une réforme du FMI a été accepté. Mais, pour le reste, l'essentiel, rien n'a été décidé. Autrement dit, la guerre des monnaies et l'énorme dispute dont les surplus commerciaux de la Chine et de l'Allemagne sont le sujet vont se poursuivre, peut-être de manière moins agressive, mais se poursuivre tout de même. Certes des mandats sur ces dossiers ont été accordés au FMI, mais ils sont si lâches qu'il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils réduisent les égoïsmes nationaux constatés à une peau de chagrin.
Pour s'en convaincre, il suffit de suivre à rebours les démarches effectuées à Séoul par la chancelière allemande, Angela Merkel. Dans un premier temps, elle a ordonné à ses ministres de l'Économie et des Finances de mener une charge à la hussarde contre la politique américaine d'assouplissement monétaire arrêtée deux semaines seulement avant la réunion. Le leitmotiv des Allemands? Le geste effectué par la Réserve fédérale (Fed) n'est rien de moins qu'une attaque conçue pour favoriser une appréciation de l'euro et donc contrer les exportations allemandes.
Pendant que ces ministres ferraillaient derrière les portes closes, Merkel jetait un pavé dans la mare. Devant un parterre de gens d'affaires, elle a martelé que toute offensive contre le Made in Germany était inconciliable avec la liberté de commerce que défendent depuis des lunes les administrations américaines. Et quand bien même cela se ferait, il faudrait alors examiner, a-t-elle exigé, les politiques macro-économiques, monétaires et... fiscales!
En affirmant son souhait d'harmonisation fiscale que les Allemands réclament depuis des lunes, Merkel avait certainement à l'esprit le cas irlandais. Le cas emblématique d'un pays anglo-saxon qui a toujours refusé l'harmonisation évoquée pour tirer profit à plein du dumping fiscal et de la déréglementation financière, avec comme résultat qu'aujourd'hui l'Irlande est dans la panade, comme la Grèce hier. Autrement dit, l'Irlande va implorer la Banque centrale européenne (BCE), l'Union européenne (UE), de lui fournir une aide financière.
Il faut savoir qu'entre la quasi-faillite de la Grèce et le laxisme monétaire des Américains, les citoyens allemands sont devenus très réticents à aider des nations qu'ils jugent indisciplinées. Dans le cas des États-Unis, Berlin a toujours frais à la mémoire un fait financier majeur des années 90: alors qu'il fallait investir des masses de capitaux pour remettre à niveau l'infrastructure de production de l'Allemagne de l'Est, les banques et établissement allemands étaient dans l'obligation de détourner des capitaux en direction d'une Amérique qui vivait à crédit, mais qu'aucun pays ne pouvait laisser tomber, car, si tel était le cas, il sombrerait à son tour.
Lorsque l'on s'attarde à la sortie de Merkel à Séoul ainsi qu'aux réticences chinoises, on comprend mieux pourquoi ce G20 a chargé le FMI d'élaborer des indicateurs particuliers. De quoi s'agit-il? D'indicateurs qui vont déterminer à partir de quel niveau de surplus commercial ou de dettes publiques tel pays devient dangereux pour les autres. Bref, on reste quelque peu dans l'expectative.
Car en agissant de la sorte on évite encore une fois de s'attaquer aux causes de la crise. S'il est vrai qu'aux États-Unis et en Europe des balises ont été imposées au monde des banquiers et des assureurs, celles-ci ne seront pas suffisantes pour éviter une autre crise majeure, assurent un nombre imposant d'économistes. En clair, ce que les membres du G20 s'étaient promis de faire en 2008 n'a pas été fait.
À preuve, ce scoop récent du Financial Times qui a publié la liste établie par les autorités concernées des 20 établissements financiers, dont la Banque Royale, qui, étant trop gros pour qu'on les laisse tomber (Too big to fail), présentent encore et toujours un risque systémique énorme. Au lieu de s'attaquer au coeur du défi, les dirigeants politiques jouent les fantômes d'Écosse, le pays qui inventa la gestion du risque.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->