Reuters Zhou Xin et Annika Breidthardt - L'Allemagne a jugé vendredi que la politique monétaire de la Fed n'avait "pas de sens" et la Chine a écarté l'idée américaine d'imposer des limites chiffrées aux déséquilibres des balances commerciales, laissant prévoir un sommet du G20 agité la semaine prochaine.
La décision de la Réserve fédérale des Etats-Unis de relancer son programme d'assouplissement quantitatif (QE2) apparaît comme une initiative isolée destinée à répondre aux seules difficultés économiques des Etats-Unis. Elle est décriée par les puissances émergentes qui craignent son impact sur leurs monnaies.
"Avec tout le respect que je leur dois, la politique des Etats-Unis n'a pas de sens", a déclaré le ministre allemand de l'Economie, Wolfgang Schäuble.
Le problème "n'est pas un manque de liquidité. Ce n'est pas que les Américains n'ont pas injecté suffisamment de liquidités dans le marché, et dire maintenant qu'on va encore en injecter ne résoudra pas leurs problèmes", a-t-il ajouté.
Angela Merkel est d'accord avec cette critique, soulignait-on vendredi au sein du gouvernement allemand. La chancelière abordera la question de la politique monétaire américaine lors des discussions du G20 sur les changes, à Séoul les 11 et 12 novembre, a-t-on ajouté.
Un consensus est en train d'émerger, a indiqué de son côté le gouverneur de la banque centrale brésilienne, pour dire que la politique monétaire de la Fed, basée sur un excès de liquidités, risque de créer des bulles en dehors des Etats-Unis.
"Il est important que ceci soit traité" au sommet du G20, a ajouté Henrique Meirelles.
"PAS LE BON CHOIX"
Du côté chinois, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, s'il juge compréhensible l'action de la Fed pour résoudre des problèmes économiques internes, n'en souligne pas moins les risques internationaux.
Zhou Xiaochuan, qui avait l'an passé suggéré que les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI pourraient remplacer le dollar comme monnaie de réserve, y voit la justification d'une réforme du système monétaire international.
"Ce (le QE2) n'est peut-être pas le bon choix pour l'économie mondiale mais c'est une bonne option pour l'économie américaine", a-t-il dit.
Mais, a-t-il poursuivi, "si nous faisons objection à cette politique, il nous faut sans doute repenser les problèmes du système monétaire international, à savoir comment l'améliorer lorsque le rôle interne des USA et son rôle mondial entrent en conflit".
La France a fait état d'"une vraie convergence" de vue avec la Chine sur les objectifs du G20 et les moyens de les atteindre.
"ÉCONOMIES PLANIFIÉES"
La proposition américaine, soumise lors du G20 Finances le mois dernier, de plafonner à 4% du PIB les excédents ou déficits des comptes courants, soutenue par le Canada, a été rejetée encore plus sévèrement par Pékin.
"Bien sûr, nous espérons voir des comptes courants plus équilibrés", a dit Cui Tiankai, vice-ministre des Affaires étrangères, qui mènera les négociations pour la Chine lors du G20. "Mais nous pensons que distinguer cette question et focaliser toute l'attention dessus ne serait pas une bonne approche", a-t-il dit lors d'un point de presse.
"La fixation artificielle d'un objectif chiffré ne peut que nous rappeler l'époque des économies planifiées."
"Nous soutenons pleinement l'adoption d'un objectif en matière de comptes courants", a-t-on à l'inverse déclaré de source gouvernementale canadienne autorisée lors d'un point de presse.
Cui Tankai a aussi rejeté toute tentative de fixer des objectifs de fourchette d'appréciation du yuan. "Cela reviendrait en effet à nous demander de manipuler le taux de change. Nous n'en ferons rien évidemment", a-t-il dit.
Les 600 milliards de dollars que va injecter la Réserve fédérale dans l'économie par le biais de son nouvel assouplissement quantitatif poussent les puissances économiques émergents d'Asie et d'Amérique latine à envisager de nouvelles mesures pour en contrer les effets inflationnistes.
Les trois autres grandes banques centrales qui ont annoncé des décisions monétaires cette semaine, Banque d'Angleterre et Banque centrale européenne et Banque du Japon, n'ont pas imité la Fed et n'ont pas modifié leur propre dispositif de rachat d'actifs.
L'Asean, qui regroupe 10 nations du Sud-Est asiatique, a aussi l'intention d'exprimer son inquiétude vis-à-vis de la proposition américaine.
"Nous voudrions travailler avec le G20 pour corriger les déséquilibres", a dit le ministre thaïlandais des Finances Korn Chatikavanij, en marge de la réunion ministérielle de l'Apec à Kyoto. "Mais nous craignons que le projet américain ne conduise au protectionnisme."
Wilfrid Exbrayat, Grégory Schwartz et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Dominique Rodriguez
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