La diversité culturelle, le Québec et les Amériques

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INM - Institut du Nouveau Monde

La Convention sur la protection et la
promotion de la diversité des expressions
culturelles, adoptée par la Conférence
générale de l’Unesco le 20 octobre 2005,
s’inscrit dans la panoplie des instruments
internationaux voués à la protection des
expressions et manifestations culturelles
sous toutes leurs formes matérielles et immatérielles.
Or, si plusieurs des objectifs de
la convention s’inscrivent dans le droit fil
d’objectifs déjà définis dans des instruments
antérieurs, il en est un, celui de «reconnaître
la nature spécifique des activités,
biens et services culturels en tant que porteurs
d’identité, de valeurs et de sens» qui
revêt une portée originale. Cette reconnaissance
entraîne une conséquence déterminante
que l’on retrouve parmi les huit
«Principes directeurs» dont un, le «Principe
de la complémentarité des aspects économiques
et culturels du développement», qui
établit que: «La culture étant un des ressorts
fondamentaux du développement, les
aspects culturels du développement sont
aussi importants que ses aspects économiques,
et les individus et les peuples ont
le droit fondamental d’y participer et d’en
jouir.» Plus avant, à l’article consacré aux
«Définitions», toute l’étendue du principe
de la complémentarité des biens et services
culturels apparaît en pleine lumière,
puisque la notion de «diversité culturelle»
renvoie successivement à celles de «contenu
culturel», «d’expressions culturelles»,
«d’activités, biens et services culturels»,
pour s’étendre ensuite aux «industries culturelles
» et aux «politiques et mesures culturelles
» (art. 4).
Ainsi, contrairement aux autres instruments
adoptés ces dernières années par
l’Unesco, qui touchaient surtout à la sauvegarde
des dimensions patrimoniales de la
culture, la convention, en voulant protéger et
promouvoir «la diversité des expressions culturelles
» et en étendant sa couverture aux biens
et services culturels ainsi qu’aux industries
culturelles elles-mêmes, étend sa juridiction
dans un domaine déjà revendiqué par l’Organisation
mondiale du commerce (OMC).
La double question qui se pose alors est
celle de savoir comment l’Unesco saura relever
les défis posés par la diversité culturelle
dans le sens le plus large de l’expression, et
comment les signataires de la convention
pourront réconcilier le principe du traitement
national promu et défendu à l’OMC avec les
dispositions de l’article 6 de la convention. En
vertu de ce principe, un gouvernement ne
peut adopter de mesure susceptible d’introduire
une discrimination à l’encontre d’un investisseur
ou d’un producteur étranger. Pourtant
l’article 6 de la convention établit que
«chaque Partie peut adopter des mesures destinées
à protéger et promouvoir la diversité des
expressions culturelles sur son territoire [et, en
particulier] des mesures qui visent à fournir
aux industries culturelles nationales indépendantes
et aux activités du secteur informel un
accès véritable aux moyens de production, de
diffusion et de distribution d’activités, biens et
services culturels».
Mais on peut sans doute aller
plus loin et s’interroger sur
la finalité d’une approche qui,
loin de renforcer la complémentarité
entre les grands
marqueurs de la culture que
sont la langue et les valeurs de
base, les traditions et les coutumes,
le droit et les institutions,
concentre surtout l’attention
sur les mesures aptes
à assurer la défense et la promotion
des expressions culturelles.
Et même si cet objectif
est tout à fait louable, il n’en
reste pas moins que la défense
et la promotion des expressions
culturelles ne sont sans
doute pas les seuls ni les
meilleurs moyens d’assurer
l’épanouissement de la diversité
culturelle, surtout celle des
peuples minoritaires et celle
des peuples autochtones.
En effet, malgré le virage effectué par le
gouvernement conservateur et la reconnaissance
récente de l’existence d’une nation
québécoise dans un Canada
uni, il n’en demeure pas
moins que cette défense et
cette promotion se font toujours
attendre, comme le
montre avec éloquence le
sort réservé par le gouvernement
Harper à la Déclaration
des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones,
qui a été adoptée par le
Conseil des droits de l’homme
de l’ONU le 29 juin 2006
par 30 voix pour et deux
contre, la Russie et le Canada.
L’opposition de ce dernier reposait
sur l’article 3 de la déclaration,
qui reconnaissait le
droit à l’autodétermination
des peuples autochtones que
l’on ne voulait pas voir brandi
par les souverainistes du
Québec.
De plus, l’appui du gouvernement
fédéral à la convention
de l’Unesco apparaît dans une tout
autre lumière quand on le met en perspective
avec le désintérêt quasi total que le gouvernement
manifeste par rapport à la question
de la diversité culturelle à l’intérieur du
système interaméricain.
Pourtant, le Québec et les Québécois
n’ont jamais été aussi présents dans le
concert interaméricain des nations et des
peuples, une appartenance qui repose sur
un ensemble d’initiatives et d’organisations
comme la Confédération des parlementaires
des Amériques (COPA), l’Organisation
universitaire interaméricaine (OUI) et
le Collège des Amériques (COLAM), pour
ne nommer que celles-là, ainsi que sur l’implication
de nombreux experts et spécialistes
des questions interaméricaines dont
les travaux et les recherches rayonnent à la
grandeur du continent.
Dorval Brunelle

Directeur, Observatoire des Amériques,
Centre d’études internationales
et mondialisation, Université du Québec
à Montréal


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