La culture comme moteur de l'unité canadienne ?

Entrevue à la revue La Scena. La gouverneure générale Michaëlle Jean et son mari se prononcent en faveur d'une politique culturelle fédérale

Le grand cirque ordinaire des illusions « Canadian »



Le couple vice-royal du Canada souhaite l'adoption d'une politique culturelle fédérale pour stimuler les échanges et cimenter l'unité nationale. Le bureau de la gouverneure générale intervient d'ailleurs en ce sens depuis deux ans avec son initiative Point des arts, qui rassemble les artistes du pays et les encourage à dialoguer entre eux.
«[...] Je pense qu'une société n'est mûre, culturellement parlant, que lorsqu'elle est capable de se réunir autour d'un projet culturel cohérent», dit Jean-Daniel Lafond dans une entrevue accordée avec sa femme, la gouverneure générale Michaëlle Jean, à La Scena (été 2008), un nouveau magazine sur les arts et la culture qui inclut le dernier numéro de La Scena musicale, spécialisée depuis des années en musique classique. «Au Canada, chaque province établit sa propre politique culturelle, mais au niveau fédéral, la question d'une véritable politique culturelle commune se pose toujours.»
Le Canada n'a pas de politique culturelle globale, mais plusieurs lois sectorielles balisant notamment le statut de l'artiste, le droit d'auteur ou les télécommunications. La proposition d'en adopter une s'arrime à une conception bien précise de la culture comme ciment national. Pour le couple Jean-Lafond, les arts, la création culturelle et même les médias peuvent stimuler les échanges et servir finalement à unifier le pays.
«Ouvrir le regard les uns sur les autres, c'est le rôle normal d'une culture et cela fonctionne bien au Canada, dit Mme Jean en entrevue à La Scena. Mais connaître et rassembler les créations artistiques, cela reste à faire. Le problème, c'est la communication entre ces différents regards artistiques, parce qu'il est très difficile de mettre les gens ensemble, les artistes ensemble et surtout, les publics ensemble.»
Son époux enchaîne alors avec un parallèle pointant vers le rôle de l'éducation et des médias dans le processus d'édification d'une nation. «On revient à l'éducation, dit-il. Or, quand vous avez un pays où l'on n'enseigne ni l'histoire ni l'histoire de l'art de la même façon au Québec et en Saskatchewan, eh bien il manque quelque chose! Il faudrait avoir une vision globale de ce qui se produit aujourd'hui en art, art visuel, théâtre, danse, littérature... dans l'ensemble du Canada. Ce qui revient à dire que les journaux devraient être capables de nous parler d'autre chose que de ce qui se passe à notre coin de rue! Il faut une bonne presse culturelle pour apporter une vision globale et du bon sens. C'est aussi pourquoi il serait nécessaire qu'il y ait dans ce pays une politique culturelle.»
Des forums
Le bureau de la gouverneure générale multiplie les débats sur «les défis de la culture» au Canada depuis la nomination de Mme Jean. «En 2006, Leurs Excellences ont souhaité ajouter un espace de réflexion et de dialogue aux cérémonies qui ont pour but d'honorer et de récompenser le talent des artistes canadiens», explique Marie-Êve Létourneau, du bureau de presse de Rideau Hall, la résidence officielle de la «presque reine» du Canada. «À l'initiative de M. Lafond, ces forums intitulés le Point des arts offrent des occasions exceptionnelles de rassembler les lauréats, des artistes, des universitaires et des gestionnaires pour discuter des défis auxquels fait face la culture dans notre société.»
Jusqu'à maintenant, plus de 600 personnes ont participé aux 27 forums du Point des arts, dont l'écrivain Dany Laferrière et la chanteuse Louise Forestier. Le dernier Forum a été organisé le 13 juin à Rideau Hall à l'occasion de la remise des prix Michener honorant l'excellence journalistique. Il portait sur la façon dont les médias «reflètent la société canadienne». Plusieurs de ces forums ont eu lieu à Rideau Hall et dans toutes les provinces et territoires à l'occasion des visites officielles. Ces forums ont aussi été tenus à l'étranger, plus précisément au Brésil en juillet 2007 et en France en mai 2008. Le 4 juin dernier, à l'occasion d'un Point des arts à Québec, les participants venus du Sénégal, de France, d'Haïti, de la Martinique et du Canada ont discuté de la création en français.
La gouverneure générale est confinée à un rôle honorifique et symbolique, comme la reine qu'elle représente dans la monarchie constitutionnelle britannique. D'où l'accent mis sur la culture, jugée politiquement neutre. «C'est tout à fait ça, commente Sébastien Barangé, du bureau de la gouverneure générale. On n'est pas là pour discuter ni de politique politicienne, ni de financement. On est là pour parler de la création. Les artistes voient dans ces rencontres une occasion de réseautage et de mentorat. Et nous, quand on invite des gens, on ne leur demande pas leurs allégeances politiques.»
Le site Internet du Forum recevrait entre 600 et 1200 visites par jour. Les dialogues en ligne restent cependant très peu courus, avec quelques commentaires à peine pour chacun des sujets. Une question sur la diversité canadienne dans les médias n'a suscité aucun commentaire. Une seule personne a répondu à la question sur l'art au temps du boum économique. Deux blogueurs ont répondu à la question: «Que devient la culture québécoise et que voulez-vous qu'elle devienne?» Plus étonnant encore, le bloc de discussions ad lib s'ouvre sur un débat en anglais au sujet de la disparition du français au Canada.


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