La croix et la prière

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor


En matière d'accommodements, raisonnables ou non, il ne peut y avoir deux poids deux mesures. Il s'agit d'un principe de justice élémentaire, que le sondage SOM/La Presse publié dans nos pages, hier, éclaire sous un angle particulier. Si, dans une proportion variant entre 56% et 92%, les Québécois s'élèvent contre certaines manifestations religieuses non chrétiennes s'exerçant dans l'espace public, les mêmes Québécois refusent à hauteur de 52% à 68% de voir disparaître en ce même lieu des objets et rituels chrétiens!



L'Action démocratique du Québec a plus ou moins endossé, hier, cette ambivalence.
Le critique adéquiste en matière d'éducation, François Desrochers, a à la fois soutenu le principe de la laïcité et versé au compte du «patrimoine et de la culture» la présence de symboles catholiques dans des lieux publics. Le chef Mario Dumont est allé dans le même sens, parlant à la fois de la préservation d'une identité où le passé catholique a sa place et d'une «volonté de tirer un trait lorsque les accommodements viennent à l'encontre des valeurs communes».
Cette ambiguïté, celle du sondage et celle de l'ADQ, ne pourra pas durer éternellement. Décréter une forme ou une autre de laïcité (car il y en a plusieurs) ne peut s'accommoder de privilèges alloués à une confession particulière.
Or, le diable est dans les détails, comme on dit.
Ainsi, quid de la prière (chrétienne) prononcée lors d'assemblées publiques? Le problème s'est notamment posé lors de séances des conseils de villes de Saguenay et de Trois-Rivières. Quid des crucifix dans les espaces publics? Il y en a un, énorme, sur le mont Royal; un autre à l'Assemblée nationale; un certain nombre dans les écoles et hôtels de ville; une quantité industrielle au cou des adolescentes court vêtues et lâchées lousses dans les raves!
Deux questions doivent alors être posées.
Un, s'agit-il de symboles ou rituels dont la signification est vraiment religieuse? Pour ce qui est de la croix du mont Royal ou des bijoux à la mode, c'est clair que non: la référence se fait à l'Histoire pour la première, à Madonna pour les autres... En ce qui concerne la prière, c'est oui, évidemment. Au surplus, ce dernier cas amène la seconde question: la religion s'insère-t-elle ainsi dans la zone d'exercice des pouvoirs publics, par définition neutres? Une prière récitée dans le cadre d'une assemblée d'élus fait précisément cela: en fait, il s'agit certainement de l'occurrence la moins acceptable.
Il existe des zones grises, bien sûr, et le crucifix de l'Assemblée nationale est accroché dans l'une d'elles. Foi ou patrimoine? Objet de piété ou pièce de musée?
Dans le doute, c'est certainement la pompe religieuse qui doit être désamorcée. «La critique la plus douce qu'on puisse faire de la religion est aussi la plus radicale et dévastatrice: la religion est une fabrication de l'Homme», rappelle Christopher Hitchens dans son redoutable ouvrage (nous traduisons): Dieu n'est pas grand / Comment la religion empoisonne tout.
En vérité, ce que l'Homme a construit, il peut le rénover aussi.
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