La «bombe» de Bernard Kouchner

La France, dont les antennes arabes sont historiquement sensibles, ne fait pas le jeu de Bush: elle est tout simplement bien placée pour sentir ce danger.

Kouchner va-t-en-guerre



Il y a quatre jours, le nouveau patron du Quai d'Orsay, Bernard Kouchner, a déclenché une tempête en évoquant la possibilité de représailles militaires si Téhéran ne stoppe pas sa course vers l'arme nucléaire. Hier, il a nuancé ses propos. Mais il n'a pas reculé sur l'essentiel: la perspective de la bombe iranienne ne peut être envisagée. C'est exactement ce qu'avait dit Nicolas Sarkozy, le 27 août, lorsqu'il livrait, notamment au profit des ambassadeurs de la République française, les grandes lignes de sa politique étrangère.


L'Iran a réagi en menaçant, ce qui est dans l'ordre des choses.
Les forces militaires du pays des ayatollahs, a-t-on prévenu, sont en mesure de frapper d'innombrables cibles, parmi lesquelles figurent diverses installations américaines au Moyen-Orient. Ainsi qu'Israël, bien entendu... La menace est fondée: l'Iran dispose de missiles, les Shahab-3, capables de voler sur 2000 km.
Autour, plusieurs ont appelé au calme, dont Moscou, Berlin et Washington, ce qui ne manque pas de sel! L'heure est encore à la négociation, a ainsi rappelé le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates.
Sous la présidence de Sarkozy, la diplomatie française change de cap, c'est un fait.
De façon désespérément prévisible, on le lui reproche déjà, en arguant que cette nouvelle approche fait le jeu de George W. Bush. Soit dit en passant, c'est une accusation bien connue au Canada, utilisée ici contre Stephen Harper, et dont la logique implique que, le président universellement honni dut-il affirmer que la terre est ronde, il faudrait de toute urgence, pour ne pas faire son jeu, proclamer qu'elle est plate!
Or, personne au monde ne considère la bombe perse comme une affaire bénigne.
La terre n'est pas plate.
Alors que cette bombe n'existe pas encore (les centrifugeuses iraniennes pourraient produire la matière fissile nécessaire d'ici un à trois ans), l'équilibre de la région est déjà bousculé. Des bombardiers israéliens ont récemment survolé la Syrie, en une opération pouvant être interprétée comme un coup de semonce. Et les monarchies arabes, qui se sentent aussi menacées, deviennent à leur tour tentées par l'atome: en décembre dernier, le Conseil de coopération du Golfe annonçait le lancement d'un programme de recherches nucléaires
La France, dont les antennes arabes sont historiquement sensibles, ne fait pas le jeu de Bush: elle est tout simplement bien placée pour sentir ce danger.
Au total, il est exact que l'heure est encore à la négociation, parce qu'un conflit armé est aussi peu envisageable que la bombe. Or, demain, les six (les permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) se réunissent à Washington pour tenter de mettre sur les rails un troisième train de sanctions contre le régime iranien. On sait à quel point l'unanimité est difficile à faire à ce sujet. Et on ignore si ces sanctions sont réellement efficaces.
Mais, dans cette négociation, c'est le seul rapport de force actuellement disponible face à Téhéran.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé