Mordecai Richler

Rue Saint-Urbain

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Richler, "l'amitié civique", connaît pas...


Adapté en une télésérie de quatre heures, un des chefs-d'oeuvre de la littérature nationale occupe l'antenne de la CBC, ce soir et demain. Il s'agit de St.Urbain's Horseman, de Mordecai Richler, roman qui a été publié en 1971 et a valu à son auteur plusieurs prix, dont celui du Gouverneur général du Canada.

L'histoire, qui débute en 1952, tourne autour d'une famille juive de classe moyenne du Mile End, comme on s'y attend de Richler, puis mène le principal protagoniste à Londres. Pour l'anecdote, le jeune Duddy Kravitz fait une apparition à l'écran.
Aux yeux de Richler, qui a peiné 10 ans sur le manuscrit, son Horseman devait être le Grand roman juif de Montréal, un contenant dans lequel il ambitionnait de déverser l'âme entière de sa communauté - plus précisément: la vision qu'il en avait et que l'on sait assez féroce. Pour la chaîne anglaise de la télévision d'État, le téléfilm est un des gros coups de l'automne, ambitieux et coûteux (7,5 millions), qu'on a mis quatre ans à tourner et qui tranche nettement sur l'ordinaire de la programmation.
Au Canada anglais, en somme, il s'agit de l'un des événements culturels importants de la saison - et les médias de Toronto y prêtent grande attention.
Au Québec (en particulier à Montréal, cette ville qui est pourtant un personnage central de l'oeuvre de Richler, comme chez Tremblay), l'affaire n'existe tout simplement pas: le silence des médias est assourdissant et la chaîne française de Radio-Canada fait savoir qu'elle ne diffusera pas la série.
Il ne sert à rien de ruminer encore une fois le thème des deux solitudes.
Car il y a autre chose.
Au jour d'aujourd'hui, celui de la commission Bouchard-Taylor et des serments solennels de totale ouverture à la culture de ces «autres» devenus des «nous», cet «autre» qu'est «lui», Mordecai Richler, n'est visiblement pas considéré comme un «nous», ni même comme un «autre» auquel il conviendrait de s'ouvrir, mais comme un « eux « provoquant au mieux l'indifférence, au pire l'hostilité!
Dans l'essai qu'elle lui consacrait il y a 12 ans ([«Qui a peur de Mordecai Richler?»->archives/01-2/nadeau-khouri.html]), Nadia Khouri parlait précisément de «l'étranger parmi nous».
Évidemment, Richler est ce personnage effronté qui a dénoncé avec excès nos excès, réels ou supposés, passés ou présents, dans des ouvrages et articles polémiques retentissants, même à l'extérieur du pays. Ainsi, puisqu'il découle de son oeuvre, le téléfilm de la CBC comporte fatalement une scène - que l'on apprécierait beaucoup dans nos chaumières - de pugilat entre juifs et Canadiens français catholiques violemment antisémites.
Bref, à Richler, on n'a pas pardonné. Même six ans après sa mort. Même s'il n'a pas été beaucoup plus tendre envers les siens. Même si nous avons aussi nos artistes et littérateurs qui, tout comme lui, sont effrontés et excessifs - ce qui, en général, leur rapporte d'ailleurs un juteux profit de notoriété et de considération.
Là où il se trouve aujourd'hui, Mordecai Richler s'en fiche, bien entendu: ce n'est pas lui qui y perd.
C'est peut-être nous, oui «nous», qui y perdons.
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