La charrue et les boeufs

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Le défi de PKP : Faire mentir Michel David

Le premier sondage tenu après la démission de Bernard Landry, en juin 2005, avait fait passer les péquistes de la stupeur à l’euphorie. Dans l’hypothèse où André Boisclair deviendrait chef, le CROP créditait le PQ de 55 % des intentions de vote, très loin devant les libéraux de Jean Charest qui n’en recueillaient que 27 %. On connaît la suite : à l’élection du 26 mars 2007, le PQ a fini troisième avec seulement 28,3 % des voix.

Moins d’un mois après avoir donné un mandat majoritaire à Philippe Couillard, les électeurs n’allaient évidemment pas changer d’idée. Peu importe qui dirigerait le PQ, il ne ferait pas vraiment mieux qu’à l’élection du 7 avril, indique le dernier sondage CROP-La Presse, mais ce serait quand même moins mal avec Gilles Duceppe qu’avec n’importe quel autre des candidats potentiels à la succession de Pauline Marois, y compris Pierre Karl Péladeau.

Malgré la vague qui a emporté le Bloc québécois en mai 2011, M. Duceppe a conservé l’estime d’une grande partie de la population et plusieurs trouvent bien ingrat le sort qui lui a été réservé. C’est un réflexe tout à fait naturel pour un parti politique de choisir pour chef celui qui semble le plus apte à le ramener au pouvoir, mais ce genre de calcul est nettement prématuré dans le cas du PQ.

Il est évident que la dernière campagne a été mal planifiée et mal menée. Faire rouler la tête des principaux responsables peut sans doute être soulageant après une pareille dégelée, et la chasse aux boucs émissaires est manifestement ouverte. Ce préalable à la réflexion qui s’impose ne réglera cependant pas le problème fondamental de la redéfinition de l’identité du PQ, qui est devenue très floue.

Il faudrait d’abord déterminer dans quel ordre procéder. La sagesse populaire enseigne de ne pas mettre la charrue devant les boeufs, de sorte que tout le monde semble d’avis qu’il n’y a aucune urgence à élire un nouveau chef. Certains parlent même d’attendre à 2016. Il est vrai que la présence d’un gouvernement majoritaire exclut le scénario d’une élection hâtive, dont l’éventualité avait forcé les libéraux à trouver rapidement un successeur à Charest, mais il y a tout de même des limites à redéfinir le PQ sans savoir qui incarnera ce renouveau aux yeux de la population.

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L’issue dramatique du congrès de 2005 a illustré de façon caricaturale l’inconvénient de dissocier le débat sur les orientations du choix du chef. Pour s’assurer que les délégués lui renouvelleraient leur confiance, Bernard Landry avait consenti à l’adoption du programme le plus radical de l’histoire du PQ. À tel point que les dirigeants du SPQ Libre avaient pu se vanter ouvertement d’avoir réussi à lui imposer l’ordre du jour des syndicats. M. Landry avait également accepté d’inscrire dans le programme l’obligation de tenir un référendum sur la souveraineté le plus rapidement possible dans un premier mandat.

Quand il a jugé que le vote de confiance était insuffisant pour lui permettre de demeurer en poste, les principaux candidats à sa succession se sont retrouvés dans l’obligation de se prosterner devant un programme auquel ils n’adhéraient pas. En élisant André Boisclair, les militants ont même choisi celui qui y croyait le moins.

Pour éviter d’être accusé de renier le sacro-saint programme, M. Boisclair avait même senti le besoin de s’engager à tenir un référendum, même s’il se retrouvait à la tête d’un gouvernement minoritaire. Les électeurs ont bien compris que tout cela n’était pas sérieux.

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Gilles Duceppe et Pierre Karl Péladeau incarnent très bien les choix idéologiques qu’auront à faire les militants péquistes. Le premier est clairement identifié à l’aile progressiste du mouvement souverainiste. Au lendemain de l’élection fédérale de 2006, un rapport interne du Bloc québécois avait même attribué ses résultats décevants en région à une « frénésie gauchiste » dont M. Duceppe était tenu largement pour responsable. L’ancien chef du Bloc est indéniablement souverainiste, mais il n’a rien d’un kamikaze et il a toujours été perçu comme un modéré sur les questions identitaires.

Inversement, le « roi des lock-out » ne réussira jamais à se faire passer pour un progressiste et son poing en l’air restera gravé dans les esprits. Il serait parfaitement ridicule de demander à M. Péladeau de défendre un programme social-démocrate ou encore de le présenter comme un défenseur des intérêts du Québec prêt à s’accommoder du cadre fédéral, en attendant que la population soit prête à rediscuter de son avenir politique. D’ailleurs, si elle souhaite une gestion plus conservatrice dans le confort des limbes constitutionnels, François Legault ferait parfaitement l’affaire.

En réalité, la charrue et les boeufs forment un attelage indissociable. La nouvelle « saison des idées », même si elle doit s’éterniser, sera simplement une course au leadership sans le nom.


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