La Caisse: un débat de jésuites, dit Sabia

La moyenne entreprise passe avant les sièges sociaux, dit le nouveau patron

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Robert Dutrisac - Québec -- Le différend qui oppose libéraux et péquistes relativement au rôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans l'économie québécoise est «un débat de jésuites», juge son nouveau patron, Michael Sabia.
«Je suis catholique, mais je ne suis pas jésuite», a lancé, hier, Michael Sabia lors de sa comparution à l'étude des crédits du ministère des Finances. Le président et chef de la direction de la CDPQ venait d'assister à un échange entre le ministre des Finances, Raymond Bachand, et le porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances, François Legault. M. Bachand soutenait que le libellé de la loi, adoptée sous le bâillon en 2004, qui définit la mission de la Caisse -- «obtenir un rendement optimal tout en contribuant au développement économique» -- était adéquat tandis que le député de Rousseau insistait pour que l'expression «tout en contribuant» soit changée pour «et contribuer», ce qui, selon lui, placerait les deux missions sur un même pied.
Mais Michael Sabia voit là un débat de sémantique; il n'y a pas de contradiction entre obtenir un bon rendement et contribuer au développement économique, a-t-il affirmé. Il pose toutefois clairement comme premier principe que la Caisse est un investisseur, fiduciaire de ses déposants. Mais cet investisseur dispose d'un «avantage comparatif» quand il investit au Québec parce qu'il possède une connaissance du marché d'ici bien supérieure à celle qu'il a des marchés étrangers.
La Caisse ne doit pas mettre trop de ses oeufs au Québec, cependant, a-t-il prévenu, en citant un troisième principe de placement: la Caisse doit assurer la diversification sectorielle et géographique de ses placements. M. Sabia a ajouté un quatrième principe: au Québec, la Caisse est un «investisseur phare» qui peut avoir une grande influence sur les autres investisseurs.
Dans cette optique de rentabilité, Michael Sabia rejette la proposition de François Legault de constituer des positions de blocage au sein du capital des fleurons de l'économie québécoise afin d'empêcher les prises de contrôle de la part d'investisseurs étrangers et le départ de sièges sociaux. Il faudrait que la Caisse immobilise entre 25 et 30 milliards de dollars étant donné la taille de ces sociétés, selon les calculs de M. Sabia. «Ça coûte cher», estime le président de la Caisse, tant pour le risque associé à la concentration que pour la perte d'une souplesse qui permettrait de faire d'autres investissements plus rentables ici ou ailleurs.
Si les grands sièges sociaux demeurent au Québec, c'est en raison de tout «un écosystème», a-t-il dit: des ressources humaines de haut calibre, la qualité de l'éducation et des universités, la qualité des services de santé. Plutôt que d'investir dans les grandes entreprises québécoises, la Caisse doit soutenir les moyennes entreprises qui sont «les sièges sociaux importants pour l'avenir», a fait valoir M. Sabia.
À la fin de son intervention, le critique de l'opposition officielle en matière d'institutions, Jean-Martin Aussant, a piqué au vif le président de la Caisse en laissant entendre qu'à titre de président de BCE, M. Sabia n'avait pas défendu les intérêts du Québec quand il a tenté de vendre ce «fleuron de Montréal à Toronto». M. Sabia a répliqué en évoquant le souvenir de son grand-père italien qui, il y a presque 100 ans, est arrivé à Montréal sans le sou. «Il s'est établi, il a demeuré ici, il a travaillé. Il a demeuré, pourquoi? Parce qu'il était convaincu que le Québec est une société ouverte», a déclaré cet Ontarien d'origine qui vit au Québec depuis le début des années 90. «Comme un allophone, je considère avoir des racines profondes, ici, au Québec», a-t-il soutenu. M. Sabia a dit avoir choisi le Québec après avoir reçu des offres pour les États-Unis, l'Europe et l'Asie.
Bien qu'il ait cherché à ne pas éclabousser son prédécesseur, Henri-Paul Rousseau, et sa direction, Michael Sabia a reconnu que le niveau de risque assumé par la Caisse tout comme l'ampleur de l'effet de levier utilisé auparavant ne conviennent plus. Ainsi, le portefeuille de répartition de l'actif de la Caisse, responsable d'une perte de deux milliards en 2008, a été liquidé et son personnel, remercié.
Plus important encore, la Caisse va changer sa structure de rémunération pour tenir compte non seulement du rendement, mais du risque associé aux placements. «La gestion du risque est quelque chose qui existe dans la culture d'une organisation», a souligné M. Sabia. Elle ne peut pas être imposée par le conseil. «C'est pourquoi la rémunération est si importante», juge-t-il.
François Legault a plaidé pour que la loi sur la Caisse soit modifiée afin que le sous-ministre aux Finances puisse faire partie du conseil d'administration de l'institution et que des balises soient imposées visant le niveau de risque auquel elle s'expose. M. Legault estime que le conseil est mal équipé pour contrôler ce risque. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a rejeté ce qu'il considère comme une atteinte à l'indépendance de la Caisse, et le président du conseil de la Caisse, Robert Tessier, a fait de même.
M. Tessier doute que les fonctionnaires du ministère des Finances puissent assumer cette responsabilité parce qu'ils ne disposent pas d'instruments pour juger de la gestion du risque à la Caisse. Il a avancé aussi que les firmes de notation de crédit réagiraient mal à toute réduction de l'indépendance de la CDPQ.
Dans la semaine du 18 mai, la Commission des finances publiques tiendra des séances spéciales pour entendre les anciens dirigeants de la CDPQ, notamment Henri-Paul Rousseau et Richard Guay, pendant vingt heures, puis, pendant dix heures, les représentants des principaux déposants et enfin, pendant quatre heures, le ministre des Finances actuel, Raymond Bachand.


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