Compte tenu du saccage de nos institutions et de notre richesse collective perpétré par le gouvernement Charest depuis son arrivée au pouvoir, qui vise à rapetisser le Québec tout en servant les intérêts des amis libéraux, on pouvait s’attendre à ce que ce gouvernement essaie de s’attaquer de la même façon à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le grand patron de la Caisse a rencontré les médias cette semaine pour faire valoir la nouvelle stratégie d’investissement de l’institution. Encore une fois, une présentation superficielle s’adressant à un public non spécialisé ou complaisant.
Encore une fois, on fait ressortir la mauvaise gestion du risque de l’administration précédente pour mieux affirmer qu’on gère de façon responsable. Pourtant, il n’y a rien de rassurant dans la nouvelle gestion de la Caisse. Monsieur Sabia prétend maintenant promouvoir la stabilité en misant sur l’économie réelle. Ce n’est pas tout à fait évident de définir ce qu’est un programme d’investissement lié à l’économie réelle mais on pourrait s’attendre à ce que son taux de rendement soit semblable à la croissance de l’économie réelle, soit autour de 5% dans les bonnes années pour l’économie mondiale.
Cependant, dans le domaine des placements privés, sous forme de participation dans les entreprises, dans les infrastructures ou dans l’immobilier, favorisé par la nouvelle stratégie, les taux de rendements recherchés sont élevés, plus que les rendements boursiers, parce que les risques y sont plus élevés. Les fluctuations quotidiennes des prix, à la base de la plupart des mesures de risque, y sont très faibles mais les pertes occasionnelles peuvent être très importantes, comme le démontrent la chute de la valeur de RIM et de celle de Nortel, par exemple. Ces placements sont peu liquides, leur risque est très difficile à quantifier et ils sont difficiles à vendre quand une crise survient, comme on l’a vu dans le cas du papier commercial adossé à des actifs. Ainsi, l’investissement d’un milliard de dollars de la Caisse qui permettrait à CGI de prendre le contrôle de Logica, une entreprise britannique aussi grosse que l’entreprise québécoise, apparaît assez risqué à première vue. Les institutions financières obéissent à des règles strictes pour encadrer la prise de risque. Est-ce que les règles de la Caisse ont dû être relâchées récemment pour accommoder une nouvelle stratégie?
Les gestionnaires de portefeuilles préfèrent les investissements risqués, qui offrent de hauts rendements et de bonnes primes au rendement parce qu’il n’existe pas de primes négatives de sorte que, quand les pertes surviennent, les gestionnaires n’ont pas à les assumer. Normalement ce sont les conseils d’administration qui protègent les détenteurs du capital contre les mauvaises décisions des gestionnaires, incluant celles qui ne sont pas prises dans l’intérêt des propriétaires. Le conseil d’administration de la Caisse semble avoir abandonné cette responsabilité depuis longtemps. Il a fermé les yeux sur la gestion irresponsable qui a mené aux pertes de 2008 et 2009, alors que les règles encadrant la prise de risque étaient souvent ignorées, et il a permis aux responsables du gâchis de préparer et de présenter en commission parlementaire un dossier superficiel leur permettant de se disculper complètement. En tant que directeur, j’ai moi-même signalé en septembre 2007 à l’équipe de vérification interne, qui relève du conseil d’administration, deux défaillances sérieuses dans les processus de gestion. Je m’attendais à être convoqué pour une discussion sur les problèmes soulevés mais la seule réaction est venue de la direction des ressources humaines m’indiquant qu’on faisait tout ce qui était possible pour me protéger.
Si le conseil précédant a fermé les yeux, on peut s’attendre à ce que le conseil actuel et son président, nommés par le gouvernement Charest, dorment au gaz. D’autant plus que plusieurs des membres du conseil sont issus des milieux d’affaires qui peuvent espérer profiter de la nouvelle orientation de la Caisse. En effet, cette nouvelle orientation ouvre la porte à des investissements plus importants dans les entreprises québécoises, ce qui a été réclamé depuis plusieurs années par différents intervenants. Les entreprises ont raison de d’y voir une manne providentielle. Cependant, les groupes intéressés par la création d’emplois et le développement économique devraient exiger de la Caisse une vraie politique d’investissement au Québec appuyée sur une stratégie industrielle crédible et ne pas accepter un saupoudrage de milliards de dollars qui pourrait facilement s’avérer être une opération de patronage à grande échelle.
Dans ce contexte inquiétant, le pantin Sabia se charge des relations avec les propriétaires : dormez tranquilles chers québécois, la Caisse s’est trouvé une nouvelle baloune.
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