Réponse à M. Kamal El-Batal

L’unité n’est pas l’union

PQ - XVIe congrès avril 2011

[ Monsieur El Batal->29716], l’union que vous appelez de vos voeux n’est pas l’union mais l’unité, soit le ralliement de tous les indépendantistes à un parti politique, nommément le Parti québécois. Vous récupérez le vocable d’union pour promouvoir son exact contraire. Seriez-vous en train de vous servir d’une idée qui fait son chemin afin d’en détourner le sens pour des fins électoralistes ? Vous m’étonnez !
Le Parti québécois s’est construit, au départ, sur une seule raison d’être : faire du Québec un État souverain. C’était donc, originellement, l’union de ceux qui voulaient d’abord et avant tout cela, peu importait leur tendance idéologique et leurs aspirations économiques ou sociales. Des créditistes, des socio-démocrates, des socialistes, des libéraux, des marxistes voire des réactionnaires et des traditionalistes avaient fait taire pour un temps leurs dissonances parce qu’ils avaient compris qu’une nation sans État indépendant n’existe pas, ne dispose pas de son agir par soi et pour soi, et que sa gouvernance soit alors de droite, de gauche, du centre ou de la tangente ne peut rien changer pour l’essentiel puisqu’elle est subordonnée à une souveraineté étrangère à laquelle elle a été annexée sans jamais donner son consentement, qu’on ne lui a d’ailleurs jamais demandé.
Le Parti québécois a déjà compté environ 300 000 membres ; il en compte maintenant moins de 70 000, soit 77% de moins, alors que la population québécoise, dans le même temps, est passée de 6 millions à 7 800 000 habitants, soit 30% de plus. Beaucoup de ces défections sont le fait de personnes qui y ont passé parfois 40 ans, 30 ans, 15 ans. Il doit tout de même y avoir quelques raisons, et elles ne peuvent certainement pas toutes être mauvaises. Beaucoup de ces ex-membres ne votent même plus, désabusés, désenchantés, découragés même, comme un nombre appréciable de citoyens qui ne croient pas davantage que le Parti québécois, laissé à lui-même, les mènera à la Terre promise.
D’aucuns ont voulu créer un nouveau parti, fondé exclusivement sur la poursuite de l’idée originelle et non sur ce qu’ils estimaient être devenu un mauvais succédané. D’autres encore ont fondé un parti à la fois idéologique et indépendantiste. Certains ont préféré une autre façon de militer, hors d’une structure partisane, afin de susciter un mouvement populaire qui exercerait une pression sur l’ensemble des partis indépendantistes, par exemple le Collectif du 5 mai — qui a lancé l’Appel citoyen du 20 ma, afin qu’ils forment une union, soit une coalition nationale des partis indépendantistes, appuyée sur le principe de l’autorité démocratique suprême du peuple souverain et nantie d’un programme d’État commun transcendant leurs programmes respectifs de gouvernance dans un premier temps — ou le RIN de Michel Laurence.
Vous exhortez tous ces ex-militants et tous les citoyens affranchis de leur attachement au PQ à l’unité péquiste au nom de l’indépendance à faire. Bref, vous leur demandez de donner un blanc-seing à un parti dont le projet de programme actuel tend à l’affirmation nationale à la pièce. À toutes fins utiles, il s’agit là d’un programme de gouvernance provinciale traditionnelle, ce qui, depuis 42 ans sans discontinuer, n’a pas fonctionné, et alors que la Constitution de 1982 interdit au fédéral de la modifier sans l’accord de pratiquement toutes les provinces.
Un projet de programme, cela peut toujours se transformer, croyez-vous ? Non, si l’incitation à le faire ne vient que de quelques voix de l’intérieur. Le Parti québécois, tel qu’il est en ce moment, est monolithique : on pousse, gentiment et diplomatiquement, ceux qui ne sont pas d’accord vers la sortie ou le silence. Il n’acceptera pas non plus une union et un programme d’État commun s’il ne sent pas une sérieuse pression populaire dans ce sens.
Il se croit un droit d’aînesse sur l’option indépendantiste, même s’il la traite un peu comme une idée commode à reprendre le pouvoir dans un contexte provincial et pense obtenir suffisamment de votes pour former le prochain gouvernement, fût-il minoritaire. Peut-être est-il malgré tout souverainiste en théorie, mais la boussole de sa pratique pointe vers l’attentisme, un attentisme qui commence à rancir dangereusement.
L’indépendance, cela se prépare soigneusement et se promeut clairement et publiquement. À force de vouloir rassurer tout le monde en tenant un langage que même les fédéralistes rénovateurs pourraient parler et en présentant un programme que même Jean Allaire, le fondateur de l’ADQ, aurait trouvé timoré voilà 20 ans, on n’annonce certainement pas la marche vers l’indépendance.
Lorsque ça ne goûte pas l’indépendance, que ça n’a pas la couleur de l’indépendance et que ça ne sent pas l’indépendance, il ne s’agit pas de l’indépendance.
Dans ce contexte, l’union : oui ! L’unité : non, merci !
Raymond Poulin


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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 août 2010

    @ Monsieur Poulin:
    Lorsque vous dites que le PQ tend à l'affirmation nationale à la pièce, l'interprétation que j'en fais, c'est qu'il s'adéquise. Et je ne suis pas la seule: en effet, même Marie Grégoire a dit qu'elle reconnaissait bien des propositions de l'ADQ dans celles du PQ.
    Ne soyez pas offusqué. Vous n'y êtes pour rien.

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    12 août 2010

    La réalité du PQ en ce 12 août 2010
    Le Parti Québécois appartient à ses membres. Nous sommes 110 000 membres, issus de toutes les régions.
    Les membres possèdent une entière liberté d’expression. Ce sont les membres qui élisent le chef du parti et les candidats qui les représentent à chaque élection. Et comme peut en témoigner le comité national des jeunes du Parti Québécois, chacun peut s’exprimer librement, sans barrière générationnelle.
    Promouvoir nos valeurs et préparer demain
    L’aile parlementaire du Parti Québécois se compose de 50 députés qui travaillent en équipe, au service des Québécois et en conformité avec nos valeurs. Dans leur rôle d’opposition officielle, leur devoir est de surveiller l’action du gouvernement afin de défendre, plus que jamais, les intérêts des citoyens.
    Le Parti voit plus loin que ses tâches au quotidien. Il réfléchit au projet souverainiste et prépare le terrain.
    Après une série de colloques, nous sommes en route vers le XVIe congrès national, qui aura lieu en avril 2011 et au cours duquel les membres adopteront un nouveau programme pour le Parti Québécois.
    Se tenir au courant, participer aux débats, parler de souveraineté, ou devenir bénévole, sont autant de possibilités offertes à tous pour contribuer à notre projet de pays !
    Pourquoi appuyer le Parti Québécois ?
    Le Parti Québécois a été fondé sur un principe bien simple : être le parti des Québécois. Pour nos membres, qui se rallient tous à la nécessité de faire du Québec un pays, cela signifie plusieurs choses.*
    -..-..-..-..-..-..-
    *. Information extraite du site officiel du Parti Québécois

  • Raymond Poulin Répondre

    12 août 2010

    @ Fleurdelys
    Vous affirmez que le PQ se serait adéquisé. Je ne vais pas jusque-là et je serais désolé que mon texte vous l'ait laissé croire.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 août 2010

    Je partage entièrement l'opinion de M. Poulin.
    Quand ça n'a pas l'odeur ni la couleur de l'indépendance, eh bien! c'est que ça n'en est pas. Tout comme la margarine peut parfois se rapprocher du beurre mais n'en est pas, ni à la couleur ni à l'odeur.
    Le PQ a décidé de s'adéquiser, c'est son droit, et il devrait s'assumer. Il ne faudrait surtout pas qu'il croit que les indépendantistes ne se sont pas aperçus de sa métamorphose.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 août 2010

    Bonjour monsieur Bousquet,
    Ma réaction est plutôt sur les mots union versus unité ceci si le message m'a été adressé et non pas à monsieur Poulin.
    Au plaisir
    Kamal El-Batal

  • Raymond Poulin Répondre

    12 août 2010

    @ Monsieur Bousquet
    Il ne s’agit pas de parler d’indépendance jour et nuit mais de s’y préparer réellement, de répondre clairement aux questions terre-à-terre des citoyens ordinaires (ce qu’avait compris Parizeau, entre autres) et de ne pas se restreindre à un programme strictement provincialiste, qui rassurera sans doute suffisamment de gens pour arriver plus facilement au pouvoir mais constituera, une fois ce but atteint, un frein à toute action d’envergure, à moins de changer de cap alors, ce qui serait fort mal reçu de beaucoup d'électeurs non carrément indépendantistes et serait loin d'en faire des alliés. Or je ne ferai pas aux dirigeants du Parti québécois l’injure de croire qu’ils sont tombés de la dernière pluie : ils savent certainement à quoi s’en tenir quant aux limites de leur programme et à ses conséquences pour la suite des choses, présomption qui éclaire mon point de vue. Par ailleurs, où voyez-vous que j’aie parlé de referendum dans mon texte? Où, également, aurais-je prétendu que le PQ est fédéraliste? Comme souvent, vous faites dire à ceux que vous voulez contredire ce qu’ils ne disent pas, et peut-être même ne le faites-vous pas exprès. Quant à prétendre que toute critique argumentée équivaut à tirer dans le dos, cela montre à quel point, par attachement au parti, vous vous comportez en croyant qui s’en remet benoîtement aux dogmes et aux encycliques comme s’ils sortaient automatiquement de la bouche du Saint-Esprit. Ce qui est déjà une attitude discutable et dangereuse sur le plan religieux l’est bien davantage sur le plan politique, mais cela vous regarde.

  • Gilles Bousquet Répondre

    12 août 2010

    Vous affirmez ici, par déduction, que le PQ est un parti fédéraliste. Ce n'est pas, à mon avis, le cas.
    L'idée des souverainistes de pousser le PQ à parler de souveraineté jour et nuit, comme devait le faire le PI, ne fabrique pas de souverainistes nouveaux. Faut en parler de façon positive et pour les bonnes raisons, quand l’occasion se présente, ce que fait correctement le PQ. La souveraineté du Québec ne se vend pas comme une paire de culotte...me semble quand nos fédéralistes ne sentent pas qu'ils ont les fesses à l'air.
    Actuellement, pour plusieurs raisons, il manque de souverainistes québécois pour réaliser la souveraineté du Québec. Est-ce que le PQ devrait promettre un référendum quand même sur LA question ? Est-ce qu'il devrait demeurer dans l'opposition pour ne pas tenter de gouverner le Québec province ? Est-ce qu'il devrait se saborder ? Sortir un projet de pays qui serait immédiatement démoli par les fédéralistes comme le budget de l'an 1 de M. Parizeau l'a été ?
    Écrire que le PQ est un parti fédéraliste est une erreur de ceux qui aiment bien être la mouche du coche à la place de pousser directement dans le parti en faisant confiance à son chef, à la place de tenter de le démolir...genre.
    Le PQ a un plan mais il ne réussira pas si ses soldats tirent dans le dos du général et de son quartier général.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 août 2010

    Correction du message antécédent:
    je veux dire union mais pas unité!
    je commence un peu à me mélanger!:))
    Kamal

  • Archives de Vigile Répondre

    11 août 2010

    Bonjour monsieur Poulin,
    En effet, vous avez entièrement raison. Il faudrait utiliser plutôt le mot unité et non pas union:)) Merci de cet ajustement lexical qui fait toute la différence.
    Mes salutations cordiales
    Kamal El-Batal