Les francophones et les non-francophones se déchirent sur la volonté du gouvernement québécois de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin d’y reconnaître la « nation » québécoise dont la langue « officielle » et « commune » est le français.
Pas moins de 79,5 % des francophones — mais à peine 25,2 % des non-francophones — sont « tout à fait » ou « plutôt » d’accord avec l’idée de voir le Québec se définir comme une nation dans la Constitution canadienne, indique un sondage Léger commandé par Quebec Community Groups Network (QCGN) et l’Association d’études canadiennes.
Le Rest of Canada (ROC) est largement opposé à l’offensive constitutionnelle lancée par le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette. Seulement 15 % des Canadiens hors Québec approuvent les modifications à la Loi constitutionnelle de 1867 prévues dans le projet de loi 96, tandis que 70 % les désapprouvent, selon le coup de sonde.
Le taux de désapprobation est nettement plus élevé en Alberta (82 %) qu’en Ontario (63 %), dans les provinces de l’Atlantique (61 %), en Colombie-Britannique (60 %) ou au Manitoba et en Saskatchewan (58 %). Le premier ministre albertain, Jason Kenney, a pourtant dit admirer la tentative du Québec de se déclarer comme une « nation » dans la Constitution du Canada.
« J’ai toujours dit que je pense que l’Alberta devrait imiter la manière dont le Québec a si efficacement défendu ses intérêts. […] Plutôt que de me battre contre le Québec sur l’exercice de ses pouvoirs, je le regarde avec une certaine admiration », a-t-il confié au Calgary Herald il y a une semaine.
Comprendre d’abord
Le sondage montre que les Canadiens — à l’exception des Québécois — voient d’un mauvais œil une province modifier unilatéralement la partie V de la Loi constitutionnelle de 1867, qui est coiffée du titre « Constitutions provinciales », comme le gouvernement Legault le propose. Moins d’un Canadien hors Québec sur cinq (17 %) partage les vues du premier ministre fédéral, Justin Trudeau, selon qui il serait « parfaitement légitime » pour le Parlement québécois d’amender seul le texte de la Constitution.
Cela dit, M. Trudeau ne s’entend pas avec l’auteur du projet de loi 96, Simon Jolin-Barrette, qui est persuadé que l’inscription de la « nation » québécoise dans la Loi constitutionnelle de 1867 aura une portée juridique considérable.
La présidente du QCGN, Marlene Jennings, souligne la nécessité « de bien comprendre les répercussions » des modifications constitutionnelles proposées par l’équipe de François Legault d’ici à ce que l’Assemblée nationale soit appelée à se prononcer sur le projet de loi 96. « Les Canadiens et les Québécois sont clairement divisés sur cette question. [Cette] question complexe doit être étudiée et débattue non seulement par nos politiciens à Québec et à Ottawa, mais aussi discutée et comprise par les Canadiens d’un océan à l’autre », soutient l’ex-membre de la Chambre des communes (1997-2011).
« Seuls la connaissance et le dialogue nous permettront de parvenir à une compréhension mutuelle de ce qui est réellement en jeu », insiste-t-elle.
Méthodologie
Le sondage a été mené en ligne entre le 21 et le 23 mai, auprès de 1623 répondants. Un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de 2,95 % dans 19 cas sur 20.