L'obsession du bilinguisme

Bilinguisme au Québec

Si l’on en croit moult commentateurs patentés, le bilinguisme anglais-français au Québec serait la panacée devant laquelle il faut s’incliner si l’on ne veut pas mourir idiot. À les entendre, la maîtrise de l’anglais est incontournable pour tous, voire transcende les autres apprentissages. Il est alors de bon ton que toute la société se rattrape et devienne en criant ciseau full bilingue. Hors du bilinguisme… vous connaissez la suite.

Afin d’arriver à cet état de sérénité suprême, les jeunes Libéraux ont échafaudé quelques plans, comme d’imposer le bilinguisme intégral à tous les enfants du primaire, de la première à la sixième année, ou, à tout le moins, obliger tous les enfants de sixième à passer la moitié de leur année scolaire en immersion anglaise totale. John James Charest a tenu, sans doute pour décanter ses idées et pour faire oublier le laxisme de son gouvernement en ce qui a trait au français, à modérer leurs ardeurs. En gros, Patapouf a conseillé aux jeunes turcs de ne pas monter sur leurs grands chevaux en administrant un remède de cheval aux écoliers qui parlent… joual (utilisé ici, vous l’aurez compris, sans connotation péjorative). Mon petit doigt me dit que ces propositions ne resteront pas lettre morte et qu’elles reviendront betôt. Considérons cela comme un ballon d’essai, puisqu’il n’est pas dans la nature des renégats d’abandonner si près du but.
Mais cet emballement excessif pour le bilinguisme est contagieux et n’épargne pas non plus le camp souverainiste. Loin s’en faut. J’en veux pour preuve Pauline Marois, qui se faisait un sang d’encre au printemps dernier parce que les enfants – pensez donc! – ne sortaient pas de l’école bilingues. La Castafiore, catastrophée par l’ignorance crasse des siens, et pour prêcher par l’exemple, se fit tout de go le chantre de l’Institut linguistique provincial et autres méthodes Assimil. L’aspirante au poste de première ministre n’a rien trouvé de mieux ensuite que de faire étalage de ses connaissances dans la langue de Noah et Mordecai Richler, pour que tout le monde en parle, devant un Guy A. Lepage aussi impressionné que les fois où il a reçu sur son plateau radio-canadien Simple Plan et Pascale Picard Band (et le bêta se flatte après ça d’avoir connu Pierre Bourgault!).
Quant à Justin Trudeau, alias Tit-PET, il y est allé d’une déclaration dingue, digne donc de son illustre paternel, devenu depuis un aéroport, comme quoi étaient paresseux « les ceuses » (excusez mon lousy French) qui ne devenaient pas bilingues. Certes, il a lancé ce pavé dans la mare quelque part en Alberta, là où l’on se moque du bilinguisme comme de sa première chemise à carreaux, mais c’est le Québec qu’il visait avec son subtil message. Et du coup il s’en est justement trouvés au Québec pour se sentir coupables de ne rien faire pour mériter leurs Rocheuses. Vite, sortez les kleenex, je sens qu’à mon tour je vais brailler comme une Madeleine.
Qu’on me comprenne bien ici, je ne reproche à personne d’apprendre l’anglais, pas plus que le macramé ou la danse en ligne d’ailleurs, et je n’ai rien contre le bilinguisme individuel, le trilinguisme, le quadrilinguisme et, même, de posséder quinze langues vivantes et une langue morte si votre but dans la vie est de postuler pour devenir pape (puisque la fonction exige d’être polyglotte tout autant que croyant). Je n’en ai pas contre la compétence linguistique, non plus que contre Grégory Charles, j’en ai contre cette lubie collective qui charrie l’idée que tout le monde doit être bilingue, que ce soit pour traire ses vaches, arroser son gazon ou transporter des meubles. Faut pas pousser!
Pour nous convaincre, on nous brandit des arguments massue comme la mondialisation. Elle a bon dos la mondialisation, comme si nous avions tous demain à négocier un contrat d’hélicoptères avec les îles Fidji ou, encore, comme si nous étions tous des militants altermondialistes (qui, allô la Terre? pour dénoncer l’hégémonisme américain, n’hésiteront pas à déployer une bannière unilingue anglaise en plein cœur de Paris).
J’ai un ami très haut placé – le seul que je connaisse, d’où ma propension à le souligner! – qui est dans l’industrie papetière. Il s’est rendu au Japon pour négocier un contrat très lucratif. Il s’attendait à ce que les échanges se passent en anglais. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que tous ses interlocuteurs ne faisaient affaire qu’en japonais et que, par conséquent, un interprète devenait indispensable. C’est là qu’il comprit qu’au pays du soleil levant l’anglais était nippon ni mauvais (je sais, cette blague a de la barbe). Tout cela m’amène à penser que, plutôt que de mettre tous nos œufs dans le même sac recyclable, il vaudrait sans doute mieux diversifier l’offre linguistique dans nos institutions d’enseignement et proposer, en plus de l’anglais, l’espagnol, l’allemand, le russe, le japonais… et, pourquoi pas, un chausson avec cela.
Mais pour nos partisans du bilinguisme sur toute la ligne, rien n’arrêtera leur croisade pour la propagation de la foi (sûrement celle du charbonnier). Leur obsession est telle que si on ne les arrête pas, ils réussiront à convaincre les CPE de proposer des activités en anglais aux tout-petits. Et les employés des pouponnières seront invités à fredonner des berceuses en anglais, des lullabies, afin d’habituer les jeunes oreilles aux sons mélodieux de la langue de Winnie-the-Pooh. Que ceux qui pensent qu’on s’arrêtera là se détrompent. Quand on en aura fini avec les humains, on pensera aux bêtes. Adieu le temps où les canards qui, en sortant de la mare, se secouaient le bas des reins et faisaient coin-coin… désormais, ils devront faire cwak cwak ou fermer leurs gueules. Mais, trêve de plaisanterie, revenons à nos moutons et parlons maintenant du loup dans la bergerie.
Ne soyons pas dupes, cette promotion tous azimuts pour le bilinguisme – le « bilinguisme colonial », comme l’appelait judicieusement Albert Memmi – cette surestimation maladive de la nécessité absolue du bilinguisme, favorise en bout de piste l’anglicisation. Alors que dans un État normal, c’est le français qui devrait être promu et valorisé, ici, au Québec, c’est l’anglais qui bénéficie plutôt d’un traitement de faveur, alors qu’il profite, pour ne pas dire surprofite déjà d’innombrables relais pour se faire entendre et diffuser (chanson, cinéma, télévision, Internet…). L’anglais est une langue hégémonique, voire prédatrice (qui dévore les autres). Il ne s’agit pas de la faire disparaître (on n’y arriverait pas de toute façon), mais de ne pas lui dérouler le tapis rouge et de se comporter comme des carpettes devant son usage. Un peu de fierté d’être francophones ne nous étoufferait pas tant que cela à ce que je sache. Il n’y a pas que le bilinguisme qui soit vertueux, après tout, ou que l’anglais qui doive être mis sur un piédestal ou pour qui l’on doive se fendre en quatre. Sinon on en arrivera avant longtemps à ériger en modèle un tarla ou une tarlaise pourvu qu’il ou elle soit bilingue.
Si on accorde une si grande plus-value au fait d’être bilingue, c’est que certaines de nos élites nous assènent que l’anglais est essentiel au Québec, autant sinon davantage que le français. Qu’à force de nous le répéter, on finit par le répéter à notre tour. Ainsi, pour nous le prouver, au lieu de franciser les milieux de travail, le gouvernement paye des cours d’anglais aux néo-Québécois! Un ami me racontait qu’un organisme sans but lucratif dont il a la charge avait, il y a quelques années, embauché comme réceptionniste une jeune femme récemment arrivée de Russie. La jeune immigrante, après avoir suivi des cours de français, arrivait à se débrouiller, mais elle avait un accent à trancher au couteau, ce qui occasionnait parfois certains problèmes et pouvait être dissuasif, bien malgré elle, pour les gens tentés de contacter l’organisme. Mais bon, à ce moment-là, l’OSBL n’avait plus les sous pour garder la jeune dame et dut se passer des services d’une réceptionniste. Un an plus tard, les moyens financiers reviennent et l’on rappelle la jeune dame, qui est libre, pour la réembaucher. Son français laisse toujours à désirer. Elle leur apprend que le gouvernement québécois lui a payé entre-temps des cours pour apprendre l’anglais. Mon ami s’enquiert alors auprès du gouvernement s’il est possible d’obtenir des cours de perfectionnement en français. Nenni. C’est donc au frais d’un organisme qui ne roule déjà pas sur l’or qu’on pourra lui procurer de tels cours. Charest s'en lave les mains.
Allons faire un tour maintenant dans le quartier chinois de Montréal. Le nom du resto est en français, mais, une fois à l’intérieur, l’anglais règne en maître (et le mandarin ou le cantonais, je ne sais trop, arrive bon second). Il n’y a pas de menu, c’est un buffet, mais la carte des vins est en anglais, la carte d’affaires à la sortie est en anglais et en chinois, la serveuse qui verse de l’eau à tout bout de champ et qui demande, avec ce magnifique sourire dont les gens d’origine chinoise ont le secret, si vous voulez de l’alcool ne s’exprime qu’en anglais. Celui qui dessert les tables vous indique où sont les toilettes, mais en anglais lui itou. Pourtant, la clientèle est majoritairement francophone… mais personne ne semble s’offusquer de la chose. Et si je m’avise d’exiger du français, mettra-t-on plus de glutamate de sodium dans mon eau? En sortant du restaurant, sur différents poteaux de lampadaires, je vois une annonce rédigée en anglais et en caractères chinois : English tutor at competitive prices. Une offre, une de plus, pour apprendre l’anglais. La plupart des numéros de téléphone ont été découpés de l’annonce.
Il ne faut pas reprocher (ou alors gentiment) aux nouveaux arrivants qui s’installent ici d’apprendre l’anglais plutôt que le français, puisqu’on le leur propose avec tant d’insistance et de facilité, puisqu’ils peuvent tout aussi bien vivre en anglais seulement et qu’ils seraient bien fous de ne pas s’en prévaloir ou de choisir le français que pour nos beaux yeux, puisque l’anglais leur ouvre tout le continent et que, de toute façon, certains d’entre eux sont en transit, n’étant pas fixés encore s’ils s’installeront à Toronto, Vancouver ou aux États-Unis. Car, à Toronto, Vancouver ou aux États-Unis, l’ambiguïté est levée. La question ne se pose pas, c’est en anglais que cela se passe. Voilà l’apanage des pays normaux.
L’État québécois contribue grandement, par son laxisme, à la minorisation du français, qui dans le contexte nord-américain pave à son tour la voie à sa disparition pure et simple . À Montréal, les dégâts sont considérables et ne laissent augurer rien de bon à moyen terme. S’il y a une urgence présentement, c’est bien de battre en brèche la vague déferlante de l’anglais (qui passe par le bilinguisme). Le Mouvement Montréal français, Impératif français, la SSJB, le RRQ, certains députés du PQ, du Bloc québécois (cette liste n’est pas exhaustive) en font leur cheval de bataille, en même temps que l’indépendance qui, selon moi, pourra seule garantir la pérennité du français. Camille Laurin disait en 1977 : « Nous vivons en Amérique, sur un continent où l’anglais est de loin la langue la plus répandue. N’en point convenir relèverait de la folie. » Madame Marois, qui ne se mouille pas assez pour la langue à mon goût, connaît-elle bien ses classiques ? Il m’arrive de plus en plus d’en douter et cela ne me dit rien qu’y vaille. Maintenant que madame Marois a suivi des cours d’anglais, serait-ce trop lui demander de s’inscrire à des cours d’histoire… en français, of course !


Laissez un commentaire



8 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 août 2008

    Monsieur Durand,
    Comme vous observez l’évolution de votre article, vous avez remarqué un commentateur jaloux de la règle de ne pas argumenter entre nous. Il a sans doute oublié qu’on peut référer aux messages qui s’ajoutent, si on maintient le cap sur le sujet de l’article. Il a oublié aussi la règle de la signature. Il nous permettra donc de poursuivre la discussion en s’inspirant de ses objections.
    Alors une bonne fois pour toutes, rappelons que les spécialistes de l’enseignement d’une langue seconde ont établi que le meilleur moment pour commencer n’est pas le plus tôt possible, comme le répètent les anglicisateurs. Le locuteur doit d’abord bien comprendre la structure de sa langue maternelle sans quoi la deuxième langue souffrira de contaminants autant que la première. À l’adolescence avancée, quand la personne ressent l’intérêt d’une deuxième langue, après que la langue maternelle soit bien assimilée, l’apprentissage sera plus efficace et plus rationnel.
    Maintenant, pour ce qui est de l’interférence du Canada dans l’enseignement supérieur, rappelons que ce « plusss meilleur pays du monde » commandite maintenant des chaires d’enseignement universitaire et(comme pour le Q400)s’implique dans le programme d’enseignement. Ces intrusions peuvent plaire aux candidats rêvant « d’une grande entreprise fondée et toujours basée à Québec » mais comme elle fait construire en Asie, refuse de travailler en français au Québec. Ses « grands contrats internationaux, à structurer et négocier » elle se ferait un point d’honneur de les faire dans la langue officielle d’un Québec libre(majorité des postes de décision en anglais ?). Comme le font les Japonais. Car il ne faut pas l’oublier, si le concert se joue en anglais, c’est que les francophones s’écrasent. Le français est une des 7 langues officielles à la CEE et une des 2 obligatoires à l’ONU à New-York.
    Ainsi, nul besoin d’être un grand clerc de la sociologie pour dire que l’enseignement d’une ou deux langues additionnelles sont souhaitables pour savoir lire le menu en voyage. Pour la nécessité d’un emploi spécialisé, le monsieur l’a bien compris, des cours de perfectionnement individuel sont disponibles : 254-60 ??
    Comme dans bien des domaines au Québec, la mollesse du français, de l’anglais ou de la tenue, le manque de fierté, en somme, peuvent être liés au fait que nous n’avons pas de modèle de nos semblables dans la conduite de notre identité française en Amérique. Tous les pas que nous franchissons sont sujet à caution par l’autre nation, essentiellement francophobe. Peuple supervisé par les cours de justice canadiennes, par les budgets partiels, les transports aériens, maritimes, la défense/agression, les sports professionnels, etc… La langue du conquérant n’est jamais attrayante. La langue maternelle apprise dans un pays lbre s’ouvre beaucoup plus aux invités étrangers qui ont compris au départ à quel peuple ils viennent se joindre.
    Ou(h)go Le h interposé,pour marquer la pause de prononciation.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 août 2008

    (Note à l'administrateur: les règles indiquent qu'on ne doit pas répondre à un commentaire, mais le dernier commentaire à cet article est carrément une réponse au précédent. Le commentaire ci-dessous est une réponse à ce commentaire. Je vous prierais de bien vouloir soit publier ce commentaire malgré le fait qu'il déroge aux règles, soit de supprimer le commentaire de M. Ougho. )
    À titre d'auteur du panégyrique que vous commentez, je me permets de vous répondre.
    Sur la question de l'apprentissage de l'anglais par les enfants, je ne m'inquiéterais pas d'un simple accent, mais nos finissants du secondaire ne sont pas capables de tenir une simple conversation en anglais, encore moins de travailler dans cette langue. Quand vous affirmez qu'il n'est pas nécessaire que toute la population soit bilingue, vous admettez qu'il est nécessaire qu'une partie le soit. Alors à qui devrions-nous enseigner l'anglais? ou, si vous préférez, à qui devrions-nous refuser l'apprentissage de l'anglais? C'est une décision qui doit se prendre au primaire, le meilleur stade pour l'apprentissage d'une langue, alors comment préconisez-vous d'identifier ceux qui devraient apprendre l'anglais à ce moment de ceux qui ne devraient pas? Cette logique mènerait tout droit à la création de deux classes de citoyens: les bilingues, bénéficiant d'opportunités professionnelles élargies, et les non-bilingues, confinés aux frontières du Québec. Ça ne tient pas debout! La seule solution est de faire apprendre l'anglais à tout le monde.
    Finalement, si nos "de souche" ne peuvent occuper les postes nécessitant la maîtrise de l'anglais, et c'est le cas de la majorité des postes de décision, qui va le faire? Les anglos, bien sûr, ce qui nous ramènerait à la belle époque du Golden Square Mile à Montréal quand l'économie du Québec était contrôlée par les anglos. D'ailleurs, il y a déjà beaucoup trop d'anglos à mon goût dans les tours du centre-ville...
    Vous me parlez d'assimilation méprisante, je vous parle de prendre le contrôle de nos entreprises internationales et d'outiller nos enfants afin de leur donner les moyens de le faire.
    Finalement, vous affirmez que dans un Québec souverain, tout le monde serait bilingue et que c'est la faute du fédéral si nous ne le sommes pas aujourd'hui. Franchement, je veux bien croire que le fédéral a le dos large, mais on ne peut quand même pas lui reprocher de ne pas faire d'efforts pour imposer l'anglais aux Québécois!

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    27 août 2008

    M. Durand,
    Vous avez remarqué le panégyrique de:
    Le bilinguisme : une simple question de survie économique
    20 août 2008
    Le seul "de souche" de son groupe à "l'internationale" ! Parce que nous, minus! "Prenez exemple sur les PAYS nordiques".
    Aurait-il négligé le mot: PAYS ?
    Pourquoi le Canada nous empêche-t-il de devenir PAYS? Comment le fait-il? En intervenant constamment dans nos moyens de nous développer en éducation comme en économie. Si nous nous étions libérés en 1980 il y a longtemps que nous aurions perdu notre frilosité langagière et réglé notre problème de bilinguisme par nos propres règles non perturbées par Big Brother.
    Aussi, pour ses enfants, pourquoi s'inquiéter d'un accent résiduel?... Ne seront peut-être pas tous appelés à remplir ces tâches select dans l'import/export. La population du Pays n'a pas à transiger à l'étranger chaque jour.
    Il y a là une petite odeur d'assimilation méprisante et aveuglée par la dénationalisation.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 août 2008

    Justement, le fait que la plupart des Québécois ne sont pas capables de communiquer efficacement dans un contexte de mondialisation est davantage une conséquence de l'unilinguisme isolationiste que vous préconisez plutôt qu'une justification pour l'encourager.
    Qu'on le veuille ou non, notre économie, et donc notre niveau de vie et nos services publics de luxe, est complètement dépendante des fruits que nous récoltons de la mondialisation et, plus spécifiquement, de notre commerce avec les États-Unis où aboutissent 80% de nos exportations. Les Américains n'apprendront évidemment pas le Français. À titre de clients, ils aiment bien se faire servir dans leur langue (tout comme nous). Dans ce contexte, la maîtrise de l'anglais par le plus grand nombre de Québécois est une simple question de survie économique.
    Les pays nordiques d'Europe (Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Islande) l'ont bien compris et l'anglais y est enseigné intensivement dès le début du primaire, et une troisième langue est enseignée à partir du milieu du primaire. Malgré cela, leurs langues uniques qui ne sont parlées nulle part en dehors de leurs pays respectifs et qu'on pourrait penser menacées sont parfaitement vivantes et aucunement déplacées par l'anglais. Allez en Norvège ou en Suède et vous constaterez que le norvégien et le suédois se portent à merveille, mais vous serez aussi servi dans un anglais impeccable partout. Dommage que la plupart des Québécois hors des grandes villes, ne parlant qu'un français douteux, ne sachent rendre la même courtoisie à ces gens lorsqu'ils nous visitent chez nous.
    Grâce à un séjour de quelques années hors du Québec, j'ai la chance d'être devenu parfaitement bilingue et de parler anglais sans accent discernable. À mon retour au Québec, ce simple fait m'a ouvert beaucoup de portes au niveau professionnel. Pour servir de contre-exemple à votre article, il se trouve que mon travail aujourd'hui consiste à structurer et négocier de grands contrats internationaux pour une grande entreprise fondée et toujours basée au Québec. Francophone de naissance, ce poste m'aurait été inaccessible si je n'avais pas été bilingue. Et tous mes proches collègues sont anglophones de naissance; aucun autre Québécois "pure laine" ne travaille dans le groupe de commerce international où je travaille. Ce n'est pas par manque de qualifications, loin de là, simplement parce qu'ils ne sont pas capables de faire valoir leurs qualifications dans la langue de Shakespeare. Dommage pour eux.
    À cause des lacunes du système d'éducation québécois, mes propres enfants sont loin d'être fonctionnels en Anglais malgré les cours qu'ils reçoivent à l'école. Ça me dérange beaucoup parce que j'ai l'impression qu'ils ne sont pas outillés pour saisir toutes les opportunités personnelles, culturelles et professionnelles que la vie pourra leur offrir. Je devrai donc remédier à ça moi-même en dehors du système d'éducation public et leur imposer un apprentissage supplémentaire qu'ils devraient normalement pouvoir recevoir à l'école.
    Et juste en passant, l'idée que de maîtriser l'anglais mettrait en péril le français n'est pas fondée. L'expérience des pays nordiques le confirme. Par contre, le français est mort dans les relations commerciales internationales et c'est l'anglais qui est la norme, qu'on le veuille ou non. Même les pilotes français d'Air France s'adressent en anglais aux contrôleurs aériens montréalais parce qu'ils se comprennent mieux ainsi entre eux qu'en français.
    Pour employer l'expression consacrée, le Québec aspire peut-être à se joindre au concert des nations, mais il faut savoir que ce concert se joue en anglais.
    Je suis d'accord avec les jeunes libéraux sur ce point: le bilinguisme doit être grandement renforcé au Québec, et dans les deux sens.

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    19 août 2008

    Ça me fait penser, hélas, à cette répartie de Bonaparte (à lui attribuée par Sacha Guitry dans "Si Paris m`était conté..." )
    à un de ses ministre qui, après avoir provoqué une émeute en cherchant à taxer la fréquentation des églises, se défendait d`être malhonnête : "Et c`est bien dommage, car si la malhonnêteté a des limites, la bêtise, elle, n`en a pas ! "

  • Archives de Vigile Répondre

    19 août 2008

    Je ne pense pas que j'accepterais de me faire servir en anglais si jamais je sortais de ma campagne et que je j'allais à Môrial.
    Mais récemment je suis allé aux États. Avec ma blonde et mon petit fils. Premier arrêt obligé à la douane naturellement. I don't speak french m'a péremptoirement annoncé le douanier. Quesse tu fais dans ce cas, tu plie...
    Au retour, j'ai pris connaissance de la nouvelle politique linguistique de Desjardins. La Caisse évidemment pas Richard. Je me suis demandé quand est-ce qu'enfin je pourrai choisir la langue dans mon guichet automatique de fond de campagne.... Évidemment Jean-Pierre, j'ironise. Pour ne pas hurler.
    Pendant cette semaine passée aux États, mon petit fils m'a demandé mais pourquoi grand papa tu leur (aux américains) parle toujours en français ? Tu sais bien qu'ils ne comprennent pas. Je sais qu'ils ne comprennent pas lui ai-je dit. Mais je veux qu'ils sachent qui je suis. Et ensuite je leur montre que moi, je peux leur parler et que moi, je peux comprendre ce qu'ils disent. Et j'imagine que certains vont comprendre que les handicapés c'est eux.
    Parler anglais aux États, même à certains franco américains c'est pratiquement normal. Mais en ce qui a trait à notre propre situation sur notre territoire, je ne pense pas que nous pourrons éviter une radicalisation de nos attitudes, si l'on veut être respectés. Nonobstant ce qu'en pense tante Pauline. Avez vous déjà entendu parler d'une honte quelconque exprimée par l'un ou l'autre des premiers ministres provinciaux unilingues, ou par l'un ou l'une des ministres fédéraux, du fait de ne pas pouvoir parler français ?
    Qu'est-ce que c'est que ces histoires de culpabilité des Québécois qui dans leur propre maison sont mal à l'aise de ne pas connaître l'anglais ? Dany Williams n'est même pas capable de dire oui non bonjour bonsoir merci. Alors quoi?!
    Avez vous déjà lu l'article de Charles Xavier Durant dans le numéro de septembre 2006 de l'Action Nationale sur le français scientifique ? Allez lire ça vous allez en avoir pour votre effort. C'est disponible en ligne à la BNQ si je ne m'abuse.
    Avez vous déjà pris connaissance de l'excellente proposition concrète formulée par Marie-Hélène Caillol au sujet de l’apprentissage des langues dans la Communauté Européenne ? Allez lire ça. Vous verrez que nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes. Mais vous verrez aussi qu’il n’y a pas que la seule génuflexion comme solution au problème de l’Hégémonie anglo saxonne :
    http://www.europe2020.org/spip.php?article542&lang=fr
    Allez voir ça, «ceusses» qui sont pognés dans le cercle vicieux du bilinguisme anglais français, et qui finiront par y mourir, entraînés dans le maëlstrom de leur impuissance.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 août 2008

    Monsieur Durand,
    Votre article me paraît malheureusement être tout ce qu'il y a de plus réaliste. Dommage qu'il reste encore des irréductibles comme le premier à vous répondre ci-dessus qui continuent à regarder votre doigt plutôt que de voir l'astre que vous pointez si clairement tout au long d'un article qui mériterait une plus large diffusion.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 août 2008

    Vous écrivez : «j’en ai contre cette lubie collective qui charrie l’idée que tout le monde doit être bilingue».
    Où ça cette lubie collective. Il n'y a pas de lubie collective, il me semble.
    Ce n'est pas parce que l'école enseignerait correctement l'anglais que l'on serait obligé de l'apprendre. Que ceux qui ne veulent rien savoir de la langue anglaise, ne l'apprenne pas...point. Faudrait pas que ce soit une matière à couler ses études, simplement.
    Il est dit et écrit qu'il est préférable de se débrouiller correctement en français et en anglais, pas l'obligation d'être bilingue.
    Mme Marois a pleinement raison d'insister sur le besoin d'amélioration de l'enseignement de l'anglais. On comprend ça quand on l'entend parler dans cette langue et elle n'est pas seule à être pas trop "fluente" en anglais au Québec.
    Une autre occasion pour un indépendantiste ? de "basher" Mme Marois et le PQ par association.