Gaz de schiste

L'industrie pourrait poursuivre Québec

«Il y a quelque chose de fondamentalement inéquitable [dans un moratoire] et ça ne peut pas rester comme ça», dit André Caillé

Gaz de schiste


Alexandre Shields - André Caillé a beau avoir été conspué à chacune des trois soirées d'information organisées par l'Association pétrolière et gazière du Québec, il ne juge pas que l'exercice a été un échec. Selon lui, «les réponses ont été fournies» à ceux qui ont posé des questions. Et sa réplique aux nombreuses demandes de moratoire sur l'exploration gazière sonne comme une mise en garde: ce serait une grave erreur qui pourrait engendrer des poursuites.
Bien qu'une telle mesure soit de plus en plus réclamée en raison des multiples incertitudes quant aux impacts de cette filière énergétique, elle serait selon lui «inéquitable» et se ferait «aux dépens des petites entreprises québécoises, qui détiennent actuellement une majorité des permis».
«C'est totalement inéquitable pour ceux qui ont mis de l'argent là-dedans depuis tant d'années», a-t-il affirmé hier au Devoir, en citant l'exemple de l'entreprise Junex, dont il est administrateur. «On fait des pieds et des mains pour préserver la propriété des permis de Junex. Si on fait un moratoire et que les actions diminuent, ce n'est pas ça qui va nous aider.» Pire, l'entreprise pourrait être rachetée «pour une bouchée de pain» par «un gros producteur». «On se plaint déjà qu'il y a trop de propriété étrangère dans les gaz de schiste. Un moratoire ferait en sorte qu'il y en ait encore plus», a prévenu M. Caillé.
Le président de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) a d'ailleurs affirmé que certaines entreprises pourraient alors intenter des poursuites contre le gouvernement pour obtenir un «dédommagement». «Si on fait un moratoire, la valeur de ces entreprises va être très considérablement affectée à la baisse. Ça fait quoi? Ça prive des actionnaires de la valeur de leurs investissements et de la valeur qu'ils ont créée. Il y a quelque chose de fondamentalement inéquitable et ça ne peut pas rester comme ça.»
Mais l'industrie peut compter sur l'appui du gouvernement Charest, qui a fermé la porte à un moratoire à plusieurs reprises. «Est-ce qu'on peut, au Québec, arrêter de gouverner et de développer à coup de moratoires?» lançait récemment la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau. «Quel pourcentage de profit on retire d'un moratoire? On reçoit quoi des moratoires?» demandait pour sa part le premier ministre Jean Charest.
Quant à la possibilité de nationaliser la ressource, André Caillé a répété qu'il ne le souhaitait pas, mais que l'Assemblée nationale était «souveraine» en cette matière. Lors de la troisième et dernière soirée d'«information» organisée par l'Association, le président de Gastem, Raymond Savoie, a toutefois prévenu qu'une telle démarche aurait un coût élevé pour l'État. Dans ce cas, a-t-il souligné, le gouvernement devra leur rembourser «la valeur de la ressource. Au Québec, on n'est pas une république de banane. On fait les choses en bonne et due forme».
Soirées difficiles
Même s'il juge que «les réponses ont été fournies» aux questions posées lors des soirées d'informations tenues par l'industrie, André Caillé n'a visiblement pas apprécié l'expérience. «Le chahut et le désordre n'aident pas à la compréhension des explications que l'industrie pouvait apporter aux questions des gens, a-t-il expliqué hier. Ça aurait été préférable que ceux qui posent les questions écoutent les réponses.» L'APGQ ne prétend pas pour autant détenir toute la vérité sur le sujet. «Nous ne sommes pas des experts indépendants. Nous donnons les réponses de l'industrie.»
Si l'exercice ne se répétera pas sous cette formule, M. Caillé n'en estime pas moins que le jeu en valait la chandelle. «J'en avais assez qu'on nous dise que l'industrie se cache. Là, l'industrie ne se cache plus. C'est un objectif atteint, parce que tout le monde nous dit qu'on a le courage de faire face à la musique.»
«L'acceptabilité sociale, ça passe par là. C'est pour ça qu'on ne parle pas de dollars et d'impacts économiques. C'est une autre chose qu'on a réussie [dans le cadre des rencontres d'information]. On a évité de se faire dire "vous voulez nous acheter l'environnement avec des retombées économiques".» Une affirmation pour le moins étonnante, compte tenu du fait que l'industrie répète jour après jour que l'exploitation du gaz de schiste créerait des milliers d'emplois et générerait des millions de dollars en retombées et en redevances pour l'État. La ministre Normandeau est même allée jusqu'à établir un parallèle entre l'exploitation commerciale de cette ressource et le financement des garderies à 7 $.
À Québec, la ministre a dit hier avoir «compris le message» lancé par les 1500 citoyens qui ont participé aux rencontres de l'APGQ. «Je ne crois pas que les gens soient contre. Ils ont juste besoin qu'on les rassure et qu'on leur donne des réponses impartiales, objectives et scientifiques.» Elle ne devrait toutefois pas aller à la rencontre des citoyens et des élus locaux avant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ait remis son rapport, en février 2011.
«Évidemment, on aurait souhaité que ça se passe différemment, c'est sûr, qu'il y ait plus de respect dans les échanges, a admis Mme Normandeau. Moi, je crois que l'industrie était de bonne foi dans les démarches qu'elle a faites.»


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