Patrice Bélanger
LA PRESSE CANADIENNE
QUÉBEC
L'industrie des gaz de schiste ne répond plus. Une consigne du silence règne désormais, après les premières escarmouches avec le nouveau gouvernement Marois, hostile à cette forme d'énergie.
Le malaise est palpable. Les interlocuteurs de l'industrie se réfugient derrière le même mot d'ordre: ils préfèrent attendre la publication de l'Évaluation environnementale stratégique (ÉES) commandée par le précédent gouvernement libéral.
Tout le monde marche sur des oeufs, l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), l'Association canadienne des produits pétroliers (CAPP), ainsi que l'entreprise mandatée pour gérer le forum de discussions sur les gaz de schiste.
Conformément à son programme, le nouveau gouvernement péquiste veut imposer un moratoire sur les activités de l'industrie au Québec, autant l'exploration que l'exploitation. Sur la question de la durée du moratoire, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a même indiqué qu'elle ne voyait pas le jour où l'exploitation des gaz de schiste allait devenir sécuritaire.
L'APGQ avait d'abord protesté, par la voix de son président, Lucien Bouchard. Mais l'heure est maintenant à la discrétion. C'est un silence surprenant pour une industrie qui avait déjà fait son mea culpa pour avoir mal communiqué avec la population, après une tournée d'information houleuse, et qui se targuait de reprendre contact avec les citoyens.
Le grand manitou qui s'occupe du forum de discussions des gaz de schiste n'a pas donné suite à des demandes d'entrevue. Paul Allard, de l'entreprise Parta Dialogue, gère le site Forumschiste pour le compte de la CAPP, et il était d'ordinaire prompt à intervenir, mais ne veut plus commenter.
L'APGQ se fait prudente aussi. Son directeur, Stéphane Gosselin, a répété dans une entrevue qu'il attend les résultats de l'ÉES. Il souhaite tout simplement qu'on laisse le comité en charge poursuivre son travail, même si le parti maintenant au pouvoir a soulevé des doutes sur l'impartialité de sa composition.
M. Gosselin a ajouté du même souffle qu'il est «confiant», néanmoins, parce que les réponses aux questions que les gens se posent existent.
Il a ajouté que la démarche du forum de discussions a «donné les fruits escomptés» jusqu'à maintenant et qu'elle a permis de nombreux échanges.
«Ça a eu son efficacité, a-t-il dit dans une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne. Je ne dis pas que ça a convaincu des millions de personnes, mais cela a permis à des gens de se parler calmement.»
Il a par ailleurs démenti l'information selon laquelle l'industrie songeait à poursuivre le gouvernement pour des millions de dollars.
La CAPP, qui parraine le site Forumschiste, renvoie les questions sur l'impasse au Québec à l'APGQ. Cependant, un de ses porte-parole, Markus Ermisch, reste optimiste et refuse de voir de l'hostilité dans la dernière prise de position du gouvernement.
«Nous avons hâte que le rapport de l'ÉES soit rendu public, bien sûr», a-t-il fait savoir en entrevue téléphonique depuis Calgary.
Il estime que l'expérience du forum de discussions vaut la peine d'être poursuivie et fait avancer le débat.
«Cela peut toucher un public très large, auquel les médias traditionnels n'ont pas accès», a-t-il déclaré. Selon lui, à long terme, ce genre de démarche peut même créer une perception plus positive, voire un enthousiasme envers l'industrie.
«Nous voulons que la discussion se déroule sur un ton plus positif, au moins sur des fondements qui sont plus proches des faits», a-t-il ajouté.
Pas plus tard que lundi, un sondage suggérait que le gaz de schiste est la source d'énergie la plus mal aimée des Québécois. L'enquête Léger Marketing a été commandée par l'Association québécoise des fournisseurs de services pétroliers et gaziers (AFSPG).
En même temps, pratiquement les trois quarts des répondants se disent mal informés sur les gaz de schiste.
Tout le monde marche sur des oeufs
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