Chronique du jeudi - René Boulanger

L’indépendance et le cimetière

Pacte électoral - gauche et souverainiste



Mon ami Patrick Bourgeois vient à nouveau de me mettre un sac sur les épaules. Une chronique à toutes les semaines, mais heureusement qui permettra grâce aux autres collaborateurs du journal Le Québécois d’assurer une présence quotidienne sur la toile internet. Dimanche dernier, je suis allé me recueillir sur la tombe de Pierre Falardeau au cimetière Notre-Dame des Neiges. Le sculpteur Armand Vaillancourt y a installé un monument d’une émouvante sobriété mais qui en même temps produit une impression violente et passionnelle. Je garderai pour moi tout l’éventail de réflexions que cette visite a su produire mais j’en livrerai au moins une. C’est une question. Qu’est-ce que Falardeau penserait de tout ça?
Tout ça, étant une histoire incroyable de remise en question du mouvement indépendantiste consécutif à une banale histoire d’amphithéâtre opposant les très chauds partisans d’un retour des Nordiques à Québec et les tenants du respect des lois et procédures étatiques. Comme une sorte de veine souterraine enfermée dans le roc, la question nationale est soudain ressortie par cette fissure inusitée dans le consensus péquiste. Il faut croire qu’elle n’attendait qu’à exploser parce que cela ressemble de plus en plus à une éruption volcanique. Si bien qu’à la fin de cet incroyable été, personne ne peut dire où s’en va le mouvement indépendantiste ni quelle forme il prendra dans les temps à venir. Souvent, ça joue dur. D’une situation, où le gouvernement libéral se voyait enfin acculé dans ses derniers retranchements, secoué de toutes parts par une opinion publique écoeurée par son degré de corruption, nous sommes plutôt arrivés au procès féroce du Parti Québécois dont l’issue déterminera sa renaissance ou sa disparition. Étrange procès toutefois où les lapalissades tiennent lieu de chef d’accusation. On l’accuse en effet de ne pas être « assez » indépendantiste et de promouvoir un programme autonomiste. C’est en effet fort vrai mais qu’y a-t-il là que nous ne savions depuis 5 ans, depuis 15 ans même, c'est-à-dire depuis l’arrivée de Lucien Bouchard à la tête de ce parti? La distance abyssale entre le programme et l’action date de cette époque. Il fallait un redressement et l’effort semble avoir été fait lors du dernier congrès du Parti Québécois. Dans le contexte de mai 2011, j’ai approuvé et salué les résultats de ce Congrès. J’en profite ici pour lever ce qui pourrait apparaître une ambiguïté. Sincèrement, je ne peux pas dire que ce programme répond aux besoins historiques de la lutte des Québécois pour leur indépendance. Par contre, il est parfait, non pas pour le destin national, mais pour ce parti électoraliste qu’est le Parti Québécois. Contrairement à ceux qui viennent de découvrir, que le PQ « pas assez indépendantiste » ne fera pas l’indépendance, mes attentes face au PQ étaient celle-ci : Garder le fort.
Cela veut dire qu’on sait que le PQ seul ne peut réaliser l’indépendance. Cela demandera la formation d’un vaste mouvement populaire qui reste à construire. En attendant, nous assistons à la déstabilisation et le musèlement de l’état québécois. Nous assistons à l’accaparement de toutes les ressources du territoire par une clique de prédateurs logés au Parti Libéral. Et surtout, l’anglicisation grandissante de Montréal en précipitant les Québécois dans un processus de minorisation tel que l’ont connu les minorités francophones hors Québec, vient mettre en péril la réalisation démocratique de tout projet national pour les Québécois. Alors, je le dis haut et fort, je n’attends rien du Parti Québécois en ce qui regarde la réalisation de l’indépendance. Je lui demande seulement une chose : être à la hauteur ne serait-ce que de 1/10 de ce qu’il a déjà été. Et je dois dire que le Congrès de 2011 est allé au-delà de ce que j’espérais de lui. Je sais que cette position d’un pur et dur ne mettra pas fin au procès. Comme les lignes et les pages me manquent, le plus simple est de distribuer directement mes critiques aux accusateurs. À tous, je dirai d’abord ceci : Cessez de demander la tête de Madame Marois. C’est une revendication complètement inutile. Contrairement à M.Parizeau qui avait beaucoup plus de hauteur que son propre parti et n’avait donc pas l’instrument pour concrétiser ses politiques, mme Marois est le parfait miroir de son parti. Elle va exactement où ses troupes peuvent aller. Elle ne dirige pas la grande armée de Bonaparte, elle dirige un parti de bénévoles le plus souvent impliqués dans leur communauté, souvent de petites madames mais aussi de simples passionnés de politique qui tous ont certainement le pays au fond du cœur mais se résignent à faire ce qu’on appelle la politique du quotidien tout en rêvant du grand soir. Sincères, loyaux et quelques uns carriéristes il faut le dire, ils appartiennent pour la plupart à ce qu’on appelle l’aile modérée du mouvement indépendantiste. Mme Marois est le concentré parfait de ce parti. On peut y greffer un meilleur chef pour les nécessités de l’heure mais parfois un pire. Et comme ce pire peut encore survenir, vaut mieux garder Mme Marois là où elle est, quitte et c’est ce qu’il faudra faire, à construire notre force nationale à l’intérieur de structures beaucoup plus militantes tout en laissant le Parti Québécois faire ce qu’il fait le mieux : garder le fort. Pour terminer sur la question Marois, je dirais que madame ne le sait pas encore mais elle a surtout besoin d’aide. Il faudrait d’abord qu’elle s’aide elle-même. Nul ne le sait mieux que Pierre Curzi j’imagine. Si elle consentait à lever le stupide embargo qu’elle a mis sur le financement du journal Le Québécois, elle verrait que ses ennemis ne sont pas ceux qu’elle croit.
Il reste que dans ce procès, tous les torts ne sont pas à l’accusation. Les jeunes de « un nouveau mouvement » ont raison de dire qu’il y a impasse et qu’il faut en sortir. Ils ne se rendent compte pas toutefois qu’il n’y a pas plus péquiste que leur démarche lorsqu’ils disent que l’indépendance ne se fera pas contre le Canada. Elle aura beau être pour « Nous », pour la réalisation du plus beau projet collectif, la réalité historique fait que ce projet se heurtera à l’impérialisme anglo-saxon le plus sale. Cette indépendance qu’elle soit faite par des petits anges roses ou par des guerriers représente la mort de la Confédération Canadienne, et pour le Canada Anglais c’est un acte éminemment hostile envers ce qu’ils conçoivent être leur nation. Alors ne critiquons pas le PQ en étant plus péquiste que les péquistes.
J’en arrive au cas Jean-Martin Aussant. Au début de cette crise, je croyais que nous avions affaire à un nouveau Pierre Bourgault, convaincu, décidé, éminemment ferré en toutes matières. Plus il intervient, plus je m’aperçois qu’il est tout sauf stratégique. Sa démarche essentielle consiste en ceci : expliquer à nouveau les avantages de l’indépendance. S’il devient chef du nouveau parti qu’il entend fonder, l’appui à la souveraineté ne peut selon lui que grimper car il n’a jamais trouvé dit-il d’argument contre la souveraineté qu’il ne puisse défaire. Bref, tout est une question de vente. Qu’on ait devant soi la collusion du monde des affaires, de la bourgeoisie anglophone, du gouvernement canadien, de l’ensemble des medias de masse, ne semble pas faire de différence. Pas un mot non plus sur le déclin du français, et surtout une évidente allergie à parler de l’immigration qui représente désormais l’équivalent de un comté par année et qui est soumise à son arrivée à la terrible loi de l’anglicisation. Bref, rien dans son armature intellectuelle qui soit propice à livrer une guerre, car c’en est une que la bataille de l’indépendance. En résumé, rien de plus péquiste encore que Jean-Martin Aussant.
Désolé si je semble sévère. Parfois je peux l’être envers tout le monde et je continuerai à l’être d’ailleurs envers le PQ s’il réussit à survivre à cette crise. Il reste que je n’ai pas évoqué Pierre Curzi qui bien qu’ayant déclenché presque malgré lui cette crise a réussi à maintenir une position qui préserve l’avenir et même le présent. J’attends la position de M.Parizeau qui risque certainement d’être salutaire et dont le tort n’a jamais été que de ne pas savoir se faire écouter. Pour ma conclusion, il me reste à dire que Falardeau même s’il ne livre plus ses grands coups de gueule continue certainement à me parler. En disant que je ne savais pas ce qu’il penserait de tout ça, j’ai probablement atténué l’étonnante impression de sa présence.
René Boulanger


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