Comment le ministre canadien de la Défense peut-il convaincre des alliés du Canada de s'engager davantage en Afghanistan quand lui-même suggère que nos soldats pourraient y rester plus longtemps que prévu ? Voilà un bel exemple d'incohérence diplomatique. Ce n'est pas ainsi que Gordon O'Connor exercera quelque pression que ce soit sur des gouvernements européens plus hésitants.
Il n'y a pas que Washington et Londres qui pressent certains alliés de déployer davantage de soldats et d'équipements sur le sol et dans le ciel afghans. Ottawa a le même objectif. Pas seulement parce que nos soldats paient un lourd tribut à cette guerre contre le terrorisme. Mais parce qu'un retour au pouvoir des talibans signifierait une nouvelle plongée dans l'obscurantisme, ainsi qu'un retentissant échec de la communauté internationale.
C'est tellement vrai que le monde aurait dû intervenir bien avant les attentats d'Al-Qaida contre New York et Washington pour secourir la population afghane. Nous l'avons souvent écrit, nous sommes restés trop longtemps les bras croisés. Dans le langage onusien, on parle aujourd'hui du "devoir de protéger". C'est cette même responsabilité qu'on invoque pour le Darfour - à juste titre.
Ces interventions sont périlleuses. Les Canadiens le savent malheureusement très bien. Ils voient régulièrement des images de cercueils rapatriés au pays.
Voilà pourquoi le premier ministre Stephen Harper avait sollicité un plus grand soutien des contingents allemand, français, italien et espagnol lors d'un sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, tenu à Riga en novembre. Il n'était pas revenu bredouille, mais presque.
Le Canada a des obligations à l'égard de l'Afghanistan. Il les a contractées devant la communauté internationale. Il ne saurait être question d'y tourner le dos. Ce serait irresponsable, dangereux et contre-productif.
Cette mission est nécessaire. Elle l'est plus que jamais, alors que des attentats viennent de frapper le Maroc et l'Algérie.
Mais il faut régulièrement voir comment rectifier le tir pour assurer son succès. Et pour éviter ce que nous craignons tous : l'enlisement. On peut malheureusement croire le premier ministre australien, John Howard, lorsqu'il souligne que ses services de renseignement font état d'un risque accru pour la sécurité en Afghanistan.
Il faut aussi voir comment soulager les soldats canadiens. Or, le seul outil de pression dont disposait le Canada auprès de ses alliés réticents à s'engager davantage est une résolution adoptée par la Chambre des communes en mai 2006. Cette motion fixe le retrait des troupes canadiennes à février 2009.
Le ministre O'Connor s'en est tenu à cette date, hier, alors qu'il annonçait le déploiement de chars d'assaut Léopard 2 sur le sol afghan. Ce nouvel équipement est le bienvenu, puisqu'il assurera une meilleure protection à nos soldats. Cela dit, M. O'Connor a trop souvent évoqué la prolongation de la mission ces derniers temps pour conserver quelque crédibilité que ce soit à ce chapitre. En parlant de février 2010, et en laissant tout ouvert à d'autres moments, il a bousillé le seul rapport de force qui restait au Canada pour contraindre certains alliés à faire leur part. Et pour lui permettre, à lui, non pas de se désengager entièrement de l'Afghanistan, mais de dépêcher nos soldats dans des zones moins risquées.
À la reprise des travaux parlementaires, la semaine prochaine à Ottawa, les partis d'opposition devront soulever le débat. Le gouvernement Harper devra donner l'heure juste aux Canadiens. Une éventuelle prolongation devra faire l'objet d'une véritable évaluation et d'un vote au Parlement.
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