L’éternel conflit entre les “so cool we” et les «si émotionnels nous»

Le "Nous" - stratégie canadian - la diversité comme enjeu, défi et tension

Sir Wilfrid Laurier aurait dit un jour: « Les Canadiens français n’ont pas d’intérêts, ils n’ont que des sentiments» Et nos Anglos eux ? Est-ce à dire qu’ils sont froids et insensibles? Il a suffi à la rentrée que Pauline Marois prononce un petit mot de quatre lettres pour que les médias rocquiens se déchaînent. Quelques titres des diatribes nous donnent le degré de surchauffe. The Gazette: [There is no “we” in Marois’s “nous”->8639]; dans le Globe sous la plume de Pit-bull Johnson: [Back to the “nous” in Parti Québécois land->8657]. Le Toronto Star : [Marois revives language of exclusion->8671]. Et d’y ajouter son grain de sel, l’ineffable André Presse de La Pratte: [«S’il y a un «nous», il y a forcément un «eux». »->8644]

Il a donc suffi à Pauline de lâcher son petit «nous», pour que les fantômes du référendum reviennent hanter nos Anglos et leur plus fidèle collabo. Il faut bien constater ici que le «eux» d’André Presse devient un “we” pour ses amis. Et, bien plus qu’avec le « nous » de Pauline, un “we” chargé de grande ethnicité.
Et d’émotivité. On se rappelle la fureur qui est apparue chez nos “we” quand en 1974 Robert Bourassa leur a présenté sa timide loi 22. Boubou avait osé décréter le français, langue officielle du Québec. Du jour au lendemain nos très unilingues “speak white” sont devenus les plus ardents défenseurs du bilinguisme. Bonne volonté qu’apparente: nombreux sont les “we” qui ont voté bleu en 1976 afin de donner une raclée au mangeur de hot-dogs. Mal leur en fit. Ils permirent à Ti-Poil de devenir Grand chef des « nous» et de s’amener avec une loi 101 beaucoup plus costaude que la 22.
Émotivité à son paroxysme. Pourtant cette loi 101 n’avait rien de si effarouchant pour les “we”, une minorité que notre René qualifiait d’«historique», ce qui le mettait en pleine rebuffade avec les têtes fortes de son parti qui, eux, considéraient que, [prenant prétexte des droits individuels->284], la minorité dite «historique» ne revendiquait rien de moins que de continuer à assimiler le plus grand nombre de Néos aux “we”. Les «purs et durs» prônèrent qu’il n’y ait qu’un seul système scolaire avec le français comme unique langue d’enseignement. René les a tassés. Il continuera à y avoir deux régimes scolaires. Et les enfants “we” pourront au moins continuer à s’instruire en anglais, pourvu que, dans sa prime jeunesse, un des deux parents ait reçu son enseignement en anglais au Québec.
Rien de révolutionnaire là dedans. Pourtant, stimulée par des démagogues de tout acabit, une forte majorité de “we” ont refusé cet accommodement raisonnable et ont commencé à sortir les gros mots. À leurs yeux, le PQ devenait une horde de nazis et le docteur Laurin un émule de Goebbels. Grande émotivité qui se continue encore aujourd’hui à la nouvelle que le gouvernement Charest ait décidé de porter en Cour suprême une loi 104 déboutée par la Cour d’appel.
En 1974, dès qu’ils ont compris que le terrain commençait à leur glisser sous les pieds, les “we” ont demandé à leur Grand chef d’exercer le Désaveu contre les lois linguistiques des «Nous». L’occasion était d’autant plus avantageuse que ce Grand chef issu des «nous» l’était devenu par sa férocité à s’opposer aux «abus identitaires» de ces congénères. Mais tout Grand chef qu’il fut, il a vite compris le péril de déterrer ladite clause du BNA Act, et de s’en servir contre les «nous». Haut risque de s’aliéner des électeurs restés fidèles aux Rouges depuis qu’en 1917, un Grand chef bleu et bien-né “we” avait cassé du sucre sur le dos de pauvres «Nous » ne voulant pas servir de chair à canon dans une guerre en lointaine contrée.
Autre élément à considérer par le Grand chef avant de faire plaisir aux “we” : depuis 1896, les Rouges ont toujours été en faveur de la sauvegarde de l’autonomie des provinces en ce qui concerne l’éducation. C’est en mettant ce principe bien haut que le Grand chef rouge de l’époque, également issu des «nous», n’a rien voulu faire contre un gouvernement manitobain pourtant en flagrante illégalité dans sa volonté d’abolir le français dans une province qui avait pourtant été statuée bilingue dès sa création un quart de siècle plus tôt.
Pour faire plaisir aux “we” du Québec, le Grand chef a donc dû faire preuve de machiavélisme. Il a menti aux «nous» en leur promettant qu’il y aurait du changement s’ils votaient non au référendum et, par la suite, n’a pas tenu sa promesse. Pire: il a imposé aux «nous» en 1982 une Charte des droits et liberté devant couper les ailes aux élus du seul parlement qu’ils contrôlent encore. Des juges nommés par le Grand chef des “we” auront dorénavant le dernier mot à savoir ce qui est bon ou mauvais pour les «nous». Cadenas plus gros encore dans un domaine archi-vital pour les «nous» : si leurs élus se permettaient un jour d’adopter une loi concernant la langue d’enseignement, ils ne pourront en aucun cas inclure à ladite loi le Nonobstant afin d’éviter d’aller se justifier devant les neuf membres de la Gente perruquée. Boni supplémentaire, une Clause Canada permettant aux “we” du ROC de venir affaiblir davantage les « nous». Première chape de plomb donc en 1982.
La seconde huit ans plus tard. Afin de ne plus vivre la frousse qu’ils avaient vécue en 1995, les “we” ont changé les règles du jeu. Ils ont cadenassé davantage les « nous» afin qu’ils ne puissent en aucun temps se dégager du contrôle des “we”. Et pourquoi ne pas dépecer leur territoire à l’avantage des “we”, si jamais ils leur venaient encore dans l’idée de prendre le large? Et c’est à un autre des « nous» tout aussi au service des “we” à qui on a confié la tâche de faire peur aux «siens». Bouh !
Malgré les deux chapes de plomb placées sur leur dos, les «nous» semblent être restés de glace. S’en accommoder. Dire qu’un Grand chef des “we” issu des «nous» a déjà dit que les «nous» étaient de grands émotifs. Et que les “we” étaient profondément rationnels!



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