Les conditions posées par le Canada pour que se poursuive son engagement militaire en Afghanistan ont été satisfaites. Il aura des hélicoptères pour le transport des troupes et 1000 soldats additionnels pour appuyer son contingent dans la province de Kandahar. Ces renforts viendront des États-Unis. Un pis-aller qu'il faut accepter, faute de mieux.
Le premier ministre Stephen Harper s'est dit satisfait du sommet de l'OTAN tenu ces deux derniers jours à Bucarest. Bien que ce soit à l'arraché, il a remporté son pari. Depuis le dépôt du rapport Manley, qui recommandait l'ajout de 1000 combattants dans le secteur sud, où se trouve le Canada, tous les efforts diplomatiques canadiens avaient convergé vers Paris. Le gouvernement français a dit oui à des troupes supplémentaires, mais ces militaires iront dans l'est, où 1500 de ses soldats se trouvent déjà. Cela dégagera un contingent américain pour appuyer le Canada dans le sud.
L'enjeu pour Stephen Harper portait sur une question d'image. Que le Canada et les États-Unis se retrouvent côte à côte sur le même champ de bataille ne pourra que renforcer la perception d'une trop grande proximité avec le président George W. Bush, que les Canadiens reprochent à leur premier ministre. Dans le climat préélectoral qui prévaut à Ottawa, travailler avec les Français aurait été préférable. De même, sur le terrain, l'arrivée des Américains annihilera les efforts faits par les Canadiens pour contrer la perception des Afghans de la province de Kandahar selon laquelle la guerre contre les talibans est une guerre américaine.
Il sera d'autant plus difficile de lutter contre cette perception que, sur le plan stratégique, l'arrivée des Américains changera beaucoup de choses. C'en sera fini de l'approche «Casques bleus» adoptée par les Canadiens dans la province de Kandahar. Engagés dans une mission de combat, ils ont néanmoins tenté de ne pas tout détruire sur leur passage et, lorsque c'était possible, ils ont cherché à pactiser avec la population locale. À l'opposé, les Américains privilégient les frappes aériennes qui, pour être efficaces, font aussi de nombreuses victimes innocentes et alimentent le ressentiment des Afghans envers une occupation étrangère.
À ce propos, on ne peut que se rappeler les critiques adressées en janvier aux alliés britannique, néerlandais et canadien par le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, qui leur avait reproché d'être insuffisamment préparés à combattre des insurgés. À l'entendre, on comprenait que seuls les soldats américains maîtrisaient la stratégie de la contre-insurrection. Il avait bien sûr prétendu avoir été mal cité, mais on peut prévoir que dans la province de Kandahar, Washington voudra imposer sa vision du combat au commandement canadien des opérations.
Les décisions prises à Bucarest mettent fin à un suspense politique qui aura montré avec quelles réticences les pays membres de l'OTAN vivent leur engagement en Afghanistan. À part George W. Bush et Stephen Harper, on ne trouve toujours pas d'enthousiasme pour cette guerre. Stephen Harper a lui-même dû avouer que l'OTAN avait cru à tort que ce serait facile. Ce n'est qu'en 2005 que la nature de la situation a été comprise. À son avis, l'OTAN peut parvenir à redonner le contrôle de la situation aux Afghans. C'est réalisable, a-t-il dit. Comprenons que, sous-entendu, il n'en est pas certain. Personne ne peut l'être.
La présence militaire de l'OTAN et de pays alliés en Afghanistan n'a pas cessé de croître. On dénombrait 5581 hommes en 2003. En mars dernier, on en comptait plus de 47 000. Avec les ajouts de troupes convenus à la rencontre de Bucarest, ce sont près de 52 000 militaires qui y seront bientôt déployés. Cela ressemble à une escalade dont on ne sait pas où elle s'arrêtera. Cela n'est en rien rassurant.
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