L'équation magique de Charest et Dumont

Chronique de Bernard Desgagné

Asservissement + dépendance - référendum = prospérité + bonheur. Voilà l'équation magique des opposants du mouvement indépendantiste québécois. La litanie revient sans cesse: le PQ veut faire un référendum au lieu de s'occuper «des vraies affaires». Qu'il soit adéquiste ou libéral, tout l'argumentaire fédéraliste se résume à cette idée.
Cet argumentaire aurait peut-être un petit fond de vérité si le PQ proposait, au lendemain des élections, de consacrer une partie importante des ressources de l'État à la préparation d'un référendum. Mais en fait, loin de monopoliser toutes les ressources de l'État, l'organisation d'un référendum n'en exige qu'une petite partie. En étant très généreux et en englobant le coût des consultations et des études qui seront faites, on pourrait estimer les dépenses référendaires à environ 0,2 % du budget d'une seule année de l'État québécois. En outre, il s'agit de dépenses non récurrentes, et le PQ a une solide plateforme où il est question de beaucoup d'autres choses que du référendum. L'État québécois est capable de marcher et de mâcher de la gomme en même temps.
En réduisant le projet de fonder le pays du Québec à une espèce d'obsession référendaire, les défenseurs inconditionnels du fédéralisme que sont Charest et Dumont s'évitent de devoir expliquer à la population pourquoi le Québec a intérêt à dépendre du pouvoir fédéral et à quémander constamment de l'argent à Ottawa. Pourquoi l'asservissement et la dépendance sont-ils préférables à la responsabilité et l'indépendance? Une telle position n'est-elle pas tout à fait incompatible avec les idées de droite auxquelles adhèrent libéraux et adéquistes?
En effet, il n'y a rien de plus efficace pour inciter les gens à se prendre en main et à moins dépendre des largesses de l'État que de leur donner la pleine responsabilité de leurs affaires. Tant que les Québécois pourront blâmer Ottawa, invoquer le déséquilibre fiscal et rêver de généreux paiements de péréquation, il est peu probable que la dynamique change au Québec. À l'inverse, dès que les Québécois n'auront qu'un seul État et qu'ils devront compter sur leur propre énergie et leur propre savoir-faire pour améliorer leur sort, on verra ressurgir parmi eux les mêmes qualités qui ont permis à leurs prédécesseurs d'apprivoiser leur terre inhospitalière.
Le PQ n'a pas d'équation magique à proposer. L'indépendance du Québec n'est pas une panacée. Mais, c'est une étape fondamentale pour transformer la dynamique au Québec. Charest et Dumont continuent de nous proposer le même cercle vicieux de la domination qui date de 1763 et les mêmes institutions qui datent de 1867. Ce sont les défenseurs des vieilles idées. Boisclair et le PQ nous proposent, eux, de nous en sortir. Ce sont les défenseurs du progrès.
Bernard Desgagné

Gatineau


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1 commentaire

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    21 mars 2007

    La réflexion de M.Desgagné autour de l'indépendance individuelle ou nationale est intéressante.
    Partout dans la civilisation occidentale, l'initiative personnelle est valorisée, un ensemble de libertés sont encouragées à travers l'équilibre classique entre droits et responsabilités. En référant au libéralisme politique classique qui a définie la république en tant que souveraineté du peuple par l'élection de ses représentants et qui par extension a établie la souveraineté nationale sur cette base. L'État Nation s'est fondé dans la république parce que entre autres la philosophie des lumières s'est déterminée par sa lutte contre la tyrannie d'une noblesse héréditaire et ses monarques.
    Dans le contexte de la civilisation contemporaine. Certains philosophes post modernes français dans les vingt dernières années théoriquement ont tout au moins essayé d'établir de bien meilleures conditions d'une liberté vécue par les individus et par extension des sociétés en osant s'en prendre au caractère intouchable des (hôpitaux, écoles, prisons) institutions existantes. Voilà une tentative philosophique par défaut appelée déconstruction qui n'est pas sans grandes difficultés mais qui a tenté d'ouvrir un espace de liberté tangible.
    Par rapport à tout cela au Québec. La révolution tranquille s'est mise en marche pour combler le retard d'une société colonisée par les britanniques et endormie dans la torpeur de paroisses catholiques. Aujourd'hui, la logique politique de civilisation occidentale dont le Québec est partie prenante n'incite pas les Québécois par exemple à un retour au religieux mais bien plutôt à la capacité de mettre en relation la similitude dans la différence de l'indépendance individuelle ou nationale. M.Dumont l'a fait pendant la campagne électorale mais en substituant l'autonomie à la place de la souveraineté.
    La question qu'on peut se poser: pourquoi au Québec le lien entre indépendance individuelle et indépendance nationale se fait t'il si peu? Pourquoi ici selon l'approche individuelle, la liberté va de soi et qu'il en est autrement sur le plan national? Pourquoi Dumont amalgame t'il liberté individuelle avec une dépendance nationale "aménagée"?
    Les réponses à cette situation sont incertaines mais peuvent exister en tant qu'hypothèses.
    Ces explications pêle mêle plus ou moins liées consistent à dire que le colonialisme a pénétré notre mentalité profonde, que l'inconscient collectif québécois est marqué par le poids de la double défaite dont la dernière celle des patriotes a été cruellement ressentie. Que le désir des grands espaces de nos ancêtres s'est écrasé pour très longtemps à ce moment. L'autre explication met l'emphase aussi sur les mentalités en rappelant la marque d'un catholicisme séculaire à peu près inerte qui a appelé au respect de toutes les autorités et à l'entretien en soi d'un certain mutisme fait de fatalité. Autour de ces deux réponses possibles, plusieurs ont directement fait l'hypothèse d'une psychologie collective marqué en bonne proportion par l'absence ou l'effacement du père dans les familles des dernières générations dites canadiennes françaises-québécoises depuis plus de cent ans. Ces explications sont les trois principales qui peuvent tenter de cerner tout à la fois d'une certaine manière des phénomènes comme le décrochage scolaire, le taux de suicide dans notre société et la tiédeur collective devant le caractère naturel d'une liberté nationale acquise par la souveraineté.
    Pas d'idées originale ici mais des explications choquantes contraires à l'idée de notre "progrès national" depuis 1960 qu'on tente à part Pierre Falardeau et quelques autres de balayer sous le tapis. Avec la maintenance d'un électorat québécois francophone en moyenne au fil des élections autour de 34% pour les libéraux, la nouvelle émergence actuelle d'un électorat adéquiste qui devrait faire dans les mêmes (36-37% chiffres. Il faut tenter de comprendre plus que jamais d'autant qu'un néo-traditionalisme se pointe le nez avec le parti de Dumont. G.Courtemanche, il y a peu de temps malgré mes réserves à son égard a fait l'hypothèse de deux Québec. Un Québec inspiré par le modèle de R.Lévesque et de la révolution tranquille et un autre Québec resté traditionnel à sa façon qui emprunte à la voie "disons" de Lionel Groulx.
    Le "mystère de Québec" dont on parle ressemble davantage à un mystère du Québec qui en fait en tant que société ne s'est jamais sortie d'une réelle confusion et mal être identitaire dont nous payons le prix fort aujourd'hui.
    L'identité québécoise est mal en point et jamais la révolution tranquille il est vrai incomplète n'a su y remédier dans les faits. Plus qu'entre Canadiens et Québécois, la division absurde entre deux Québec semble se dessiner.
    Personnellement, je me sens concerné par cette question de l'identité nationale faite d'ambiguïté qui comme bien d'autres Québécois m'a fait et me fait toujours souffrir.
    Je suis pour la souveraineté et présentement en espérant mieux du PQ parce qu'il en va fondamentalement de l'inspiration collective d'un peuple. C'est la première motivation que devrait mettre de l'avant le Parti Québécois. C'est par une culture de fierté et de force mise de l'avant qu'une société peut sortir de son auto révisionnisme, le déséquilibre fiscal est une raison parmi d'autres mais pas une motivation, une vibration affective qui seule procure le souffle pour l'indépendance nationale à même par la suite de mieux dynamiser les personnes.