L'épée de Damoclès

PQ - XVIe congrès avril 2011



Six mois avant le congrès péquiste de juin 2005, Bernard Landry était convaincu que l'affaire était dans le sac. Il avait fait tous les compromis possibles pour s'assurer d'au moins 80 % des voix lors du vote de confiance auquel il devait se soumettre. Le PQ avait 20 points d'avance dans les sondages. La souveraineté était à 55 %. Et pourtant...
Il est vrai que M. Landry n'avait pas l'appui inconditionnel du caucus des députés. Pauline Marois avait réclamé publiquement une course au leadership, François Legault préparait sa propre candidature et Jean-Claude St-André fricotait avec les «purs et durs» qui voyaient dans le référendum une étape inutile et réclamaient des «gestes de rupture» illégaux.
Il y a actuellement des députés qui souhaitent une démarche vers la souveraineté plus musclée que celle proposée par Mme Marois, mais personne ne remet officiellement son leadership en question. Si des élections avaient lieu aujourd'hui, le PQ formerait vraisemblablement un gouvernement majoritaire, alors qu'un nouveau psychodrame pourrait tout compromettre. Et pourtant...
Au conseil national de la fin de semaine dernière, François Legault était comme l'éléphant dans la chambre à coucher. Et quand les délégués ont ovationné Bernard Drainville, à l'issue de son discours passionné sur l'indépendance énergétique comme tremplin vers l'indépendance tout court, on a cru voir se profiler un dauphin.
La chef du PQ connaît trop bien son parti pour ne pas être préoccupée par cette épée de Damoclès que constitue le congrès d'avril prochain. À peine un an après le référendum de 1995, qui l'avait élevé au rang de demi-dieu, Lucien Bouchard était venu à un cheveu de démissionner parce qu'il jugeait son vote de confiance insuffisant. Dix ans plus tard, Bernard Landry a conclu que lui-même devait partir et, après la défaite de 2007, André Boisclair n'aurait même pas osé se présenter devant un congrès.
Mme Marois a refusé de chiffrer l'appui qu'elle jugeait nécessaire, mais le score fatidique de 76 % poserait un sérieux problème. M. Bouchard a pu s'en contenter parce qu'il était premier ministre. M. Landry n'en finit plus de regretter d'être parti, mais on lui aurait rendu la vie impossible; 80 % demeure la limite de la zone de confort.
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M. Landry ne manque pas de culot pour donner des leçons d'empressement et réclamer un retour au programme de 2005, qui prévoyait la tenue d'un référendum «le plus tôt possible à l'intérieur du prochain mandat».
On ne peut pas dire qu'il ait lui-même brûlé les étapes pendant ses deux ans de règne. Sur le front constitutionnel, son plus grand fait d'armes a été la création de la commission Séguin sur le déséquilibre fiscal, qui s'inscrivait davantage dans une perspective de renouvellement du fédéralisme que de souveraineté.
Il avait aussi commandé une mise à jour des études réalisées au début des années 1990 par la commission Bélanger-Campeau, mais il n'avait manifestement aucune intention de s'en servir. Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Pierre Charbonneau, les avait déposées en vrac lors d'un point de presse sans faire le moindre commentaire. Il avait même avoué bien candidement qu'il n'avait pas lu une seule ligne de ces 3800 pages, qui avaient tout de même coûté 600 000 $.
La plate-forme que M. Landry avait fait adopter à la veille des élections d'avril 2003 était la plus attentiste qu'on puisse imaginer. «Un référendum ne sera tenu qu'en accord avec la population et lorsque la perspective d'une victoire apparaîtra clairement à l'horizon», pouvait-on y lire.
Ce n'était pas très contraignant, c'est le moins que l'on puisse dire. Ce n'est pas parce que lui-même s'est laissé imposer un échéancier totalement irresponsable en 2005 que Mme Marois devrait faire la même chose.
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En réalité, ce n'est pas tellement l'absence d'échéancier référendaire qui fait problème. Même le SPQ Libre accepte qu'un éventuel référendum soit déclenché au moment jugé opportun par le gouvernement. Le hic est que rien dans le nouveau «plan pour un Québec souverain» ne semble destiné à préparer ni à rapprocher la tenue d'un référendum.
Cela fait un bon demi-siècle que le Québec réclame en vain un nouveau partage des pouvoirs, ou simplement le respect de ceux que lui reconnaît la Constitution canadienne. En quoi un nouveau refus d'Ottawa rendrait-il la souveraineté plus attrayante à une population que ces querelles laissent largement indifférente? Il est également très possible d'élaborer une constitution québécoise et d'adopter une nouvelle loi 101 dans le cadre fédéral actuel.
Mme Marois a fait bon accueil à la proposition de Lisette Lapointe, dans laquelle tout le monde a évidemment vu la main de Jacques Parizeau. Mettre à jour le budget de l'an 1 et les études réalisées en prévision du référendum de 1995, ou encore voyager plus souvent en France pour préparer l'après-Sarkozy, n'engage cependant pas à grand-chose.
Au-delà du programme, c'est la réelle détermination de Mme Marois à réaliser la souveraineté coûte que coûte qui demeure suspecte. M. Parizeau disait jadis que le Québec devait recommencer à «bouger». Dimanche, Mme Marois a plutôt souhaité qu'il se remette à «rêver». Toute une différence.


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