Ce fut l'élection des grands rejets. Un rejet historique des deux principales formations politiques québécoises qui doivent, aujourd'hui, se poser de très sérieuses questions et pour lesquelles il n'y a pas toujours de réponses évidentes.
Le Parti libéral du Québec, même s'il formera un gouvernement minoritaire, a obtenu en termes de vote populaire le pire résultat de son histoire. Jamais depuis la Confédération, les libéraux n'avaient obtenu moins de voix qu'hier soir.
Cela signifie que, chez les francophones, les libéraux se retrouvent au troisième rang, ce qui les obligera à un effort de reconstruction majeur. Depuis Robert Bourassa, ce parti n'a jamais été capable d'obtenir une majorité des voix des francophones, même quand il a pris le pouvoir. C'est une situation qui mine la légitimité du PLQ même s'il formera le gouvernement.
Le bilan du gouvernement Charest était pour le moins médiocre et il est incroyable que les libéraux aient tenté de faire campagne sur leur bilan. Pourtant les sondages montraient clairement que le taux de satisfaction envers le gouvernement était de moins de 40 pour cent, sous le niveau qui puisse permettre à un parti de se faire réélire.
L'erreur de M. Jean Charest de consacrer ses 750 millions de dollars de péréquation à une baisse d'impôts aura été la goutte qui a fait déborder le vase. On n'aura sans doute jamais vu un sondage donnant 83 pour cent de citoyens qui s'opposaient à recevoir une baisse d'impôts.
Encore une fois, le gouvernement Charest aura mal lu l'opinion publique qui croyait que la solution du problème du déséquilibre fiscal devait aller aux services gouvernementaux comme la santé ou l'éducation. En allant à l'encontre d'un tel consensus en toute fin de campagne, les libéraux se sont retrouvés à mécontenter doublement les électeurs en leur rappelant aussi les promesses brisées des libéraux sur les baisses d'impôt.
À l'heure où ces lignes sont écrites, Jean Charest semblait en voie d'être battu dans son comté de Sherbrooke et n'avait pas annoncé ses intentions. Mais il est clair que les questions que le PLQ devra se poser dépassent largement la question de son leadershsip.
Le PQ doit aussi se poser de sérieuses questions avec son pire résultat en termes de voix depuis l'élection de 1973.
Le PQ a perdu sa coalition. Les péquistes avaient toujours pu compter sur le vote des souverainistes. On votait PQ parce qu'on avait l'intention de voter Oui à un référendum. Tel n'est plus le cas. On peut être souverainiste et voter ailleurs et ne plus se sentir obligé de voter pour le parti qui se dit souverainiste.
En fait, le PQ était devenu de plus en plus un parti qui parlait plus souvent du référendum sur la souveraineté que de la souveraineté elle-même.
Voir André Boisclair parler de la possibilité de tenir un référendum en ayant formé un gouvernement minoritaire, au cours du dernier week-end de la campagne, était proprement surréaliste, surtout qu'on avait vu Bernard Landry et Jacques Parizeau dire que cela n'était ni souhaitable, ni possible.
Au-delà des difficultés de leadership d'André Boisclair, il faut convenir que les difficultés du PQ avaient commencé il y a quatre ans et que le parti n'a pas passé ses quatre années dans l'Opposition à revoir ses positions et ses stratégies. Quoi qu'on en dise, la "saison des idées" n'avait pas vraiment trouvé d'idées neuves pour le PQ.
Maintenant qu'il est le troisième parti au Québec, le PQ ne pourra plus éviter de se poser de véritables questions, autant sur son obsession référendaire que sur l'ensemble de son programme.
Enfin, les deux grands partis doivent apprendre qu'il n'est plus possible de redonner vie à la polarisation du référendum de 1995 juste en reprenant les vieux discours. Que ce soit M. Charest qui parlait de partition ou M. Boisclair qui parlait du rapport du juge Grenier, on l'a vu, cela a fait fuir les électeurs vers l'ADQ plutôt que vers les vieux partis.
C'est sans doute le rejet le plus important que les Québécois ont manifesté hier soir.
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