Les libéraux de Paul Martin ont sorti l'artillerie lourde, en lançant une série de publicités à la radio et à la télé, extrêmement agressives envers Stephen Harper, visant à le dépeindre comme un dangereux réactionnaire.
La stratégie de peur avait bien fonctionné en 2004, assez pour casser les conservateurs. On pouvait donc se demander, quand les pubs ont été rendues publiques, mardi, si elles auraient un impact cette fois-ci. La réponse, on l'a déjà. Oui, ces messages publicitaires ont un impact. Mais c'est aux libéraux qu'elles sont en train de faire un tort énorme, victimes d'un des pires fléaux qui peut frapper un parti politique en campagne électorale, l'effet boomerang.
Le premier indice, c'est la réaction presque spontanée des médias, qui n'ont pourtant pas d'atomes crochus avec Stephen Harper, mais qui sont tombés à bras raccourcis sur les messages libéraux, et qui se sont mis à les décortiquer et à les confronter aux faits. Et c'est ainsi que M. Martin, forcé depuis le début de la campagne de gérer des " affaires " qui lui tombent dessus, fuites au ministère des Finances, révélations sur Option Canada, a manifestement réussi le tour de force de créer lui-même, de toutes pièces, une affaire qui le met sur la défensive et le force à s'expliquer.
Que s'est-il passé? Pourquoi le boomerang est-il revenu aussi vite dans le front de celui qui l'avait lancé? Ou plus précisément, pourquoi le projectile assassin que croyaient lancer les libéraux s'est-il transformé en boomerang?
Au premier niveau, c'est d'abord parce que les stratèges libéraux ont charrié, qu'ils sont allés trop loin dans la déformation des faits. S'il est vrai que Stephen Harper est un homme de droite, en faveur de la guerre en Irak et contre le mariage gai, proche de la culture politique républicaine, on sombre dans l'exagération, la déformation et les demi-vérités, quand ce n'est pas dans le mensonge, lorsqu'on affirme, par exemple, qu'il s'opposerait au droit à l'avortement, qu'il enverrait l'armée dans les villes, ou qu'il nous replongerait dans les déficits. En allant trop loin, les libéraux ont envoyé des messages qui se sont retournés contre eux.
Le scandale des commandites nous a appris que les gens n'aiment pas que les politiciens les prennent pour des imbéciles. C'est là unfacteur qui avait tellement choqué les Québécois dans l'affaire des commandites, le fait que les politiciens croient qu'ils pouvaient les acheter et les influencer à coups de stratégies promotionnelles. La seule façon de combler le gouffre qui sépare maintenant les électeurs du monde politique passe par la transparence et la franchise. Les citoyens, pas naïfs, acceptent sans doute que l'exagération et la mauvaise foi partisane font partie de l'arsenal d'un parti en campagne. Mais il y a une limite, que ces messages libéraux ont allègrement franchie.
Les messages des libéraux se sont également retournés contre eux parce qu'ils ont mal lu un environnement politique qui a changé. Leur adversaire s'est raffiné et adouci, il a gommé les éléments les plus inacceptables de son programme. Les électeurs, eux aussi, ont changé, notamment parce qu'ils connaissent mieux Stephen Harper. Pour marquer des points, les libéraux auraient dû déployer plus de doigté, parce que la caricature grossière ne colle plus autant. Tant et si bien que les publicités ont atteint l'effet contraire. Les caricatures sont tellement grosses que le vrai Stephen Harper, celui que les gens ont vu au débat des chefs, semble remarquablement modéré. Et c'est ainsi que cette campagne agressive contribue paradoxalement à établir la respectabilité du chef conservateur.
Par ailleurs, cette campagne publicitaire est clairement une stratégie du désespoir où, dans les faits, les libéraux admettent qu'ils sont en train de perdre pied. Le monde politique est cruel et devient impitoyable face à une bête blessée. Cela s'accompagne d'un autre processus, complémentaire, et c'est l'invulnérabilité des vainqueurs, et de ce que l'on pourrait appeler la " teflonisation " de Stephen Harper. Son nouveau statut d'étoile montante, sa respectabilité nouvelle font en sorte que les observateurs, tout comme les électeurs, semblent moins impitoyables à son égard.
Mais l'échec de ces messages brutaux tient surtout à la culture politique qui est derrière, celle du cynisme, celle de stratèges manifestement prêts à tout pour conserver le pouvoir. C'est très exactement cette culture qui a hérissé les électeurs, tant au Canada anglais qu'au Québec, et qui a mené à l'impopularité et à la vulnérabilité des libéraux. Au lieu d'écouter le message des publicités, les électeurs regardent plutôt ce qui est derrière, et ce qu'ils voient, c'est la même philosophie qui a mené au scandale des commandites, celle où la fin justifie les moyens.
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