L’Australie est incitée à entrer en guerre contre la Chine, par John Pilger

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Les petits jeux dangereux


Le gouvernement américain est si perturbé par l’érosion de sa domination sur un “monde unipolaire” qu’il entraîne des alliés comme l’Australie dans des conflits potentiellement dévastateurs, affirme John Pilger.


Par John Pilger


Tel un somnambule, l’Australie marche vers une confrontation avec la Chine, en ne réalisant pas que des guerres peuvent survenir subitement dans une atmosphère de manque de confiance et de provocation, notamment si une puissance mineure, comme l’Australie, abandonne son indépendance pour une “alliance” avec une superpuissance instable.


Le porte-avion USS Carl Vinson en Mer de Chine méridionale, le 8 avril 2017. (Photo Navy par Matt Brown, Officier de 3ème classe)


Les États-Unis se trouvent à un moment crucial de leur histoire. Ayant exporté sa base de production considérable, amaigri son industrie et réduit à la pauvreté des millions de personnes, la puissance américaine actuelle réside principalement dans la force brute. Lorsque Donald Trump a lancé une attaque de missiles sur la Syrie – faisant suite à son bombardement d’une mosquée et d’une école – il dînait en Floride avec le président Chinois, Xi Jinping.


L’attaque de Trump sur la Syrie avait peu de lien avec les armes chimiques. Il s’agissait, avant tout, de démontrer aux détracteurs et sceptiques au sein des institutions guerrières de Washington – le Pentagone, la CIA, le Congrès – sa force et de sa préparation au risque d’une guerre avec la Russie. Il a fait verser du sang en Syrie, un protectorat russe ; il fait indubitablement partie de l’équipe maintenant. L’attaque avait également pour but de signifier directement au président Xi, son hôte d’un soir, que c’est ainsi que nous agissons avec ceux qui défient le grand manitou.


La Chine a bien reçu le message. Dans son accession en tant que puissance commerciale et industrielle la plus importante au monde, la Chine a été encerclée par 400 bases militaires américaines – une provocation décrite par un ancien stratège du Pentagone comme un “parfait nœud coulant”.


Ce n’est pas la manière de faire de Trump. En 2011, le président Barack Obama s’est déplacé en Australie pour déclarer, dans un discours au parlement, ce qui est désormais connu comme le “pivot américain vers l’Asie” : la plus importante concentration de forces navales et aériennes américaines dans la région Asie-Pacifique depuis la Seconde Guerre mondiale. La cible était la Chine. L’Amérique avait un nouvel ennemi absolument inutile. Aujourd’hui, des navires de guerre, des missiles, des bombardiers, des drones opèrent aux portes de la Chine.


En juillet, l’un des plus importants exercices militaires dirigés par les États-Unis, l’exercice biennal Operation Talisman Sabre, simulera un blocus des couloirs maritimes qui alimentent les activités commerciales chinoises. Ce “jeu de guerre”, basé sur un plan d’entrée en guerre contre la Chine par voie aérienne et maritime qui prescrit une attaque préventive d’aveuglement, sera joué par l’Australie.


Ce ne sont pas des nouvelles urgentes. Mais, la nouvelle, c’est la “menace” que la Chine pose à la “liberté de navigation” en Mer de Chine méridionale en construisant des pistes d’atterrissage sur des îlots et des coraux dont la souveraineté est contestée. La raison de ceci – le “nœud coulant” – n’est jamais mentionnée.


S’inventer des ennemis


L’Australie du 21e siècle n’a aucun ennemi. Aucune imagination coloniale mélancolique n’a fait apparaître l’effondrement de l’Asie sur nous comme si elle pouvait inventer un seul ennemi contemporain par la force de gravité. Personne ne veut bombarder ou occuper l’Australie ou du moins, pas encore.


Des îles au cœur d’un contentieux territorial entre la Chine et le Japon. (Crédit Jackopoid)


Tandis que les forces australiennes politiques, militaires et les services de renseignement sont intégrés aux plans de guerre d’une obsession américaine croissante – le basculement du commerce, de la finance et du développement vers l’est – l’Australie se construit un ennemi avec lequel elle n’a jamais eu à faire. Une ligne de front a déjà été précisée à Pine Gap, la base secrète de la CIA implantée près d’Alice Springs dans les années 1960, qui cible les ennemis de l’Amérique, ce qui invite bien entendu à des représailles massives.


En octobre dernier, un porte-parole de l’opposition au Labor Party, Richard Marles, a enchanté les amiraux et généraux américains lors d’une conférence à Hawaï en demandant à ce que les commandants de la force navale australienne disposent de l’autorité suffisante à provoquer la puissance nucléaire chinoise dans le secteur contesté de la Mer de Chine méridionale. Qu’arrive-t-il à ces quelques politiques australiens dont la servilité prend le contrôle de leurs raisons ?


Même si la coalition gouvernementale de Malcolm Turnbull résiste, du moins jusqu’à présent, à ce danger manifeste et imminent, elle a formé un arsenal militaire de 195 milliards de dollars, l’un des plus importants sur Terre – dont plus de 15 milliards de dollars ont été dépensés pour acquérir des chasseurs F-35 américains déjà considérés comme des “pièges” de haute technologie. Il est clair que tout ceci vise la Chine.


Cette vision de la région australienne est mise sous silence. Les dissidents sont peu nombreux, ou effrayés et les persécutions anti-Chine ne sont pas rares. En effet, qui, à part l’ancien Premier ministre Paul Keating, nous met clairement en garde ? Qui explique aux Australiens que, en réponse au nœud coulant autour d’elle, la Chine a déjà probablement consolidé sa position nucléaire, en élevant son niveau d’alerte de faible à haut ?


Et qui ose proférer l’hérésie que les Australiens ne devraient pas avoir à choisir entre l’Amérique et la Chine ? Qui nous dit que nous devrions, pour la première fois dans notre histoire, être réellement modernes et indépendants de toute grande puissance, que nous devrions jouer un rôle diplomatique, respectueux, imaginatif et réfléchi, pour prévenir une catastrophe et ainsi protéger “nos intérêts”, qui sont les vies de nos concitoyens ?


John Pilger est un journaliste australo-britannique basé à Londres.


Source : Consortium News, John Pilger, le 12/04/2017


Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.





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