Il avait clairement dépassé les bornes en octobre dernier lorsqu’il avait proposé que nous prenions «nos guns comme les Américains» pour «tirer des écureuils», tout en affirmant qu’il aurait «aimé pouvoir chasser les séparatistes». Aucun excès d’indignation n’est nécessaire ici: Luc Lavoie n’est ni le caporal Lortie ni Richard Henry Bain, et il s’est excusé le soir même. Mais ça n’en était pas moins une plaisanterie fort douteuse, à peine trois jours après le référendum catalan, marqué par des répressions brutales exercées par l’État espagnol contre les indépendantistes. M. Lavoie aurait certainement pu envoyer son CV à la Guardia Civil espagnole, et aurait pu se livrer à son loisir tant fantasmé.
Il a cependant préféré continuer à commenter la politique, et il le fait, en général, assez bien. Par contre, quand il est question des souverainistes, nous avons toujours droit à une explosion de mépris, que l’analyste ne tente même pas de camoufler.
Je précise que je comprends parfaitement qu’un personnage médiatique ait besoin d’avoir sa couleur bien à lui et qu’il tente de faire un bon show. Je ne suis pas du genre à m’offusquer facilement quand on lève le ton. La politique est un sport extrême pour adultes avertis, il va donc de soi que ceux et celles qui la commentent ne s’encombrent pas de gants blancs. Rien ne m’énerve plus, au Québec, que la peur de la chicane et l’obsession de la recherche du consensus qui ne vient jamais. La démocratie passe nécessairement par des moments de tension où des propositions divergentes se confrontent.
Cependant, tout est affaire de mesure. Dans le cas de Luc Lavoie, on sent qu’il prend un malin plaisir à tourner en dérision ses adversaires politiques, et cela peut parfois ressembler à de l’acharnement. Nous savons parfaitement que les militants et dirigeants souverainistes sont dans de beaux draps; est-il nécessaire pour le commentateur de tourner continuellement et cruellement le couteau dans la plaie, et de chercher à ridiculiser ceux pour qui il n’a visiblement aucun respect?
La vie politique est d’une intensité sans nom, usant et épuisant ceux qui y font carrière, qui se trouvent constamment jugés par des gérants d’estrade de tous acabits. Les analystes politiques ont une grande responsabilité, ayant le pouvoir d’orienter des perceptions populaires. M. Lavoie qui a déjà travaillé pour Brian Mulroney devrait être au courant de cette donne.
Bien entendu, le principe de la liberté de presse est sacré. Luc Lavoie a parfaitement le droit de se livrer à ses commentaires irritants tant qu’il n’y a pas de diffamation ou d’appel à la haine. Cependant, c’est aussi mon droit plein et entier de le critiquer fermement pour ses comportements inadéquats.