L'arrivée du président Barack Obama - Miracle ou mirage?

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Les festivités sont maintenant terminées et le parcours du combattant du nouveau président commence. De deux choses l'une. Barack Obama accomplira des miracles et sera à la Maison-Blanche jusqu'en 2017. À hauteur d'un Franklin Roosevelt, ou dans une bien moindre mesure d'un Ronald Reagan, il s'avérera un très grand président et changera le cours de l'Histoire -- en mieux. Ou alors, Barack Obama sera un mirage, perdant ses élections en 2012, tels les Jimmy Carter ou Herbert Hoover d'un seul mandat, n'ayant pu tenir la promesse du changement tant espéré et assistant, contribuant même, par ses décisions, au déclin des États-Unis -- pire encore que toutes les prédictions. Les paris sont ouverts, et on aura un début de réponse dans un ou deux ans.
La manière de gouverner d'Obama, en temps réel, nous révélera aussi les chances de succès de son administration. Comment l'«inspirateur en chef», l'idéaliste qu'est le 44e président de l'Histoire mettra-t-il à profit ses talents de leader pragmatique, doué au consensus et au compromis, pour accomplir ses objectifs? Dans quelle mesure, durant les temps forts de crises, économiques et internationales, le changement sera-t-il ainsi possible? Aura-t-il le dernier mot, vraiment, sur l'orientation des politiques, entouré comme il l'est d'une équipe de conseillers aguerris, certes, mais plutôt conservateurs, notamment dans les affaires étrangères? Obama se servira-t-il de cette équipe pour établir un fort consensus pour le changement, ou est-ce que celle-ci, à force d'influencer le nouveau président, diluera le sens et diminuera la portée de son message d'espoir?
Là se trouve à notre avis l'une des principales clés de succès, ou d'échec, de la présidence de Barack Obama. Ainsi ira la prise de décision à la Maison-Blanche, et les choix en ce domaine de son chef, ainsi ira l'avenir de la politique intérieure et celui de la politique extérieure américaine.
L'économie, la priorité
Que faire par rapport aux enjeux économiques et à l'endettement annoncé du gouvernement pour contrer la crise? Alors que 2,6 millions d'emplois ont été perdus en 2008 et que le taux de chômage a atteint son plus haut niveau en 16 ans (7,2 %), c'est sans surprise qu'Obama fera de la relance économique sa priorité. Son plan de relance, qui coûterait 825 milliards de dollars, prévoit deux remèdes: les baisses d'impôts (pour encourager la consommation) et la création d'emplois grâce à de grands travaux publics consistant principalement à réparer les ponts et les routes.
Plusieurs législateurs ont critiqué ces mesures et ont rappelé que le Congrès ne donnera pas toujours un blanc-seing à Obama. C'est notamment le cas de conservateurs fiscaux, qui, comme le leader républicain de la Chambre des représentants John Boehner (représentant de l'Ohio), accusent le nouveau locataire de la Maison-Blanche de proposer un plan de relance qui creusera le déficit budgétaire des États-Unis (lequel risque d'atteindre le chiffre record de 1000 milliards de dollars pour l'année 2009!). Mais l'urgence d'agir permettra sans doute à Obama de museler les critiques (du moins cette fois-ci) et de les inciter à accepter son plan.
Le problème pour la Maison-Blanche est que peu importe les solutions adoptées, il faudrait un miracle pour que la crise économique se termine en quelques semaines ou quelques mois. Elle pourrait en fait durer encore quelques années alors que les Américains souhaiteraient bien évidemment qu'on leur garantisse dès à présent le retour de la santé économique.
Les défis internationaux
En politique étrangère, là très souvent où le président des États-Unis fait véritablement sa marque, les décisions seront nombreuses et traduiront l'état d'esprit de l'équipe obamienne. Audace ou prudence? Innovation ou tradition? Sans doute ni miracle ni mirage, les décisions seront empreintes de nouveauté sans être trop risquées.
Dommage, diront les uns, rassurant, diront les autres. Par exemple, l'administration Obama fermera la prison de Guantánamo, mais maintiendra en partie certaines des mesures de Bush pour lutter contre le terrorisme (prions surtout pour qu'il n'y ait pas d'autres attentats). Une occasion de changement véritable qui pourrait s'offrir à la nouvelle administration serait de lever le blocus contre Cuba (Obama à La Havane!), même s'il y a peu de chances que cela se produise. L'administration entamera un dialogue sérieux avec l'Iran, mais risque fort de revenir sur ses positions si Téhéran ne fléchit pas sur sa volonté de poursuivre l'option militaire nucléaire. Et pourtant, osons rêver un moment: un sommet de type Camp David entre les leaders américain, israélien et iranien pour avaliser l'idée d'une zone entièrement dénucléarisée au Moyen-Orient -- Israël acceptant de démanteler son arsenal de bombes nucléaires «virtuelles», l'Iran renonçant à les acquérir.
Ensuite, l'administration mettra en oeuvre un énième accord de cessez-le-feu à Gaza, mais pourrait du même coup durcir sa position envers Israël pour obtenir des concessions qui feraient en sorte que les Palestiniens, de nouveau, puissent croire que la paix est possible, et ainsi rejeter massivement l'idéologie radicale du Hamas. On peut douter que Mme Clinton, messieurs Gates, Jones, Biden ou Obama puissent ou veuillent même remettre en question la relation privilégiée qu'entretiennent les États-Unis avec Israël.
Enfin, l'équipe Obama changera de théâtre de guerre: on délaissera l'Irak peu à peu, pour investir l'Afghanistan toujours plus. Mais cette militarisation annoncée mettra-t-elle fin à la guerre en Asie centrale comme, le croit-on, cela est le cas présentement en Mésopotamie? Tout un pari que plusieurs estiment voué à l'échec.
Aurait-il mieux valu envisager des changements plus radicaux? Fermeture de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, négociations avec les talibans, aide économique massive... Même plus souriante et plus multilatérale, la politique étrangère américaine aura de quoi surprendre ou décevoir.
Obama aura-t-il le droit de se tromper?
Les occasions de décevoir seront effectivement nombreuses, et c'est notamment pourquoi la lune de miel entre Obama et les Américains pourrait être plus courte que prévu. Le nouveau président réalisera très certainement sa part de bons coups: il contribuera, entre autres, à redorer l'image des États-Unis dans le monde et il représentera un véritable modèle pour des millions de jeunes Américains, ainsi que pour la population afro-américaine. Mais Obama ne pourra échapper au sort lié au difficile exercice de la présidence. Généralement populaires dans les semaines qui précèdent et qui suivent leur entrée en fonction, les présidents nouvellement élus se heurtent rapidement à des choix épineux et doivent prendre des décisions qui contredisent les promesses faites en campagne électorale.
Qui plus est, la complexité des enjeux ou encore l'inexpérience d'un nouveau président peuvent donner lieu à des échecs décisionnels quelques semaines à peine après l'investiture (Kennedy et la baie des Cochons, Clinton et la Somalie, etc.). C'est peut-être le genre de situation qui attend Obama, et ce, même si personne n'ose le dire -- sauf le vice-président Biden, qui croit qu'Obama fera face à une crise internationale d'envergure dans les six premiers mois de sa présidence.
Et le problème pour les démocrates est que la victoire d'Obama a suscité tant de frénésie et d'espoir que les Américains ont peut-être oublié qu'il n'est pas un surhomme et qu'il commettra des erreurs. Les données indiquent effectivement que les Américains ont une confiance démesurée en leur nouveau chef: 68 % d'entre eux estiment qu'Obama sera un bon président, alors qu'ils étaient seulement 43 % à penser la même chose de Bush en janvier 2001.
En somme, ces énormes attentes envers Obama représenteront peut-être le plus grand obstacle auquel celui-ci fera face d'ici l'élection de 2012. Le démocrate ne serait bien sûr pas le premier président à décevoir (après tout, Bush vient de quitter la Maison-Blanche avec le taux de désapprobation le plus élevé de l'Histoire pour un président sortant). Mais les Américains ont tellement cru au phénomène Obama -- ou ont tellement voulu y croire -- que le réveil sera brutal lorsque le 44e président des États-Unis connaîtra ses premières difficultés. En effet, il est vrai que plusieurs Américains plaisantent quand ils comparent Obama à un messie ou à un super héros. Or on sait que l'humour cache souvent un fond de vérité, et qu'ils sont nombreux ceux qui, hier, en regardant Obama poser la main sur la bible de Lincoln, se disaient qu'au fond tout est possible... même les miracles.
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Charles-Philippe David et Frédérick Gagnon
Les auteurs sont professeurs de science politique, et respectivement directeur et directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM


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