Tout le monde reconnaît l'extrême sérieux de la crise financière actuelle et de ses effets prévisibles sur l'économie, de même que la nécessité de tout mettre en oeuvre pour les atténuer.
Même si on acceptait l'argument fallacieux du premier ministre Charest, qui soutient ne pas avoir toute la latitude nécessaire, il ne faudrait quand même pas laisser la crise occulter tout le reste durant la prochaine campagne.
Certes, les partis ont le devoir de faire connaître les solutions qu'ils préconisent pour y faire face, même si les moyens dont dispose un gouvernement pour parer à une crise d'envergure planétaire sont forcément limités.
Il est toutefois permis de croire que d'ici un an le pire sera derrière nous, alors que la durée normale d'un mandat, du moins celui d'un gouvernement majoritaire, est de quatre ans. Les électeurs sont donc en droit de savoir aussi ce qu'on leur réserve pour l'après-crise.
Selon Mario Dumont, les événements qui ont entouré l'élection du nouveau président de l'Assemblée nationale, François Gendron, ont fait réapparaître le vrai Jean Charest, hargneux et arrogant.
Le plus grand reproche qu'on lui adressait durant le premier mandat était de ne pas être à l'écoute de la population. Depuis le début de la semaine, sa détermination à déclencher des élections coûte que coûte, sans se soucier le moindrement de l'opinion publique, semble traduire la même indifférence.
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Il est vrai que, depuis un an et demi, le premier ministre s'est transformé du tout au tout, au point d'en être méconnaissable, mais le passé atteste qu'il n'est pas à l'abri d'une rechute.
Après la quasi-défaite de mars 2007, M. Charest a lancé un SOS aux anciens conseillers de Robert Bourassa qui, reconnaissons-le, ont fait un excellent travail, aussi bien dans la reconfiguration du personnage que dans la réorientation de son discours, mais rien n'assure que cette métamorphose deviendra permanente.
Il faut se souvenir que M. Charest avait déjà fait appel aux lieutenants de M. Bourassa en 2000, quand son cas semblait presque désespéré. Ils avaient réussi à opérer une première transformation. Même Claude Ryan avait mis la main à la pâte. Après s'être présenté comme un disciple de Mike Harris en 1998, le chef du PLQ s'était soudainement converti aux «valeurs libérales».
Au lendemain de la victoire de 2003, le nouveau premier ministre s'est toutefois empressé de congédier ceux qui avaient fait office de Pygmalion, pour se lancer dans une entreprise de «réingénierie» de l'État qui rompait brutalement avec la tradition libérale.
Si le PLQ fait élire une majorité de députés à l'Assemblée nationale le 8 décembre prochain, quel Jean Charest dirigera le Québec au cours des quatre prochaines années, l'ancien ou le nouveau? Les impératifs de la «cohabitation» ont forcé le gouvernement à laisser ses projets de réingénierie dans les cartons, mais rien n'assure qu'il y a renoncé.
Si, dans son budget du printemps 2007, Monique Jérôme-Forget avait annoncé la formation d'un groupe de travail présidé par Claude Castonguay, était-ce simplement dans le but de mettre son rapport au rancart? L'autorisation pour les médecins de pratiquer à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé a-t-elle été définitivement exclue ou simplement retardée? Les objections que pouvait avoir Philippe Couillard tiennent-elles toujours? Sur ce sujet comme sur le reste, on ne sait pas grand-chose de ce que pense son successeur, Yves Bolduc.
Les mêmes questions se posent à propos du rapport du groupe de travail sur la tarification des services publics présidé par l'économiste Claude Montmarquette, qui, en avril dernier, avait recommandé de mettre fin à la «culture de la gratuité» en abandonnant la politique de bas tarifs pour des services comme l'électricité, les garderies ou encore l'éducation universitaire. Le rapport préconisait également l'installation systématique de compteurs d'eau et l'introduction de péages pour contenir l'accès à l'île de Montréal.
Mme Jérôme-Forget, qui avait pourtant commandé cet autre rapport, en avait écarté les recommandations du revers de la main. Les hausses proposées «ne sont pas sur l'écran radar du gouvernement», avait-elle assuré. Pourraient-elles réapparaître s'il redevient majoritaire?
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Sur toutes ces questions, on connaît assez bien les positions de l'ADQ. La mixité de la pratique médicale fait partie du «nouveau modèle québécois autonomiste» que Mario Dumont proposait en fin de semaine dernière en guise de «sortie de crise».
Quant au rapport Montmarquette, c'est précisément l'absence d'une nouvelle politique de tarification que l'ADQ avait prétextée au printemps 2007 pour voter contre le premier budget de Mme Jérôme-Forget.
Les choses sont moins claires dans le cas du PQ. Pauline Marois s'était dite «estomaquée» de voir la ministre des Finances mettre au rancart le rapport. «Je trouve ça intéressant, ce qui est proposé. Je crois qu'on doit faire le débat», avait-elle ajouté.
Une campagne électorale me semble être un cadre tout à fait approprié pour en discuter. On a une assez bonne idée de ce que serait la «gouvernance nationale» d'un gouvernement Marois. On sait également qu'elle veut étendre la loi 101 aux entreprises de moins de cinquante employés, mais la façon dont se traduirait concrètement la «modernisation» de la social-démocratie que Mme Marois évoquait quand elle a pris la direction du PQ demeure passablement nébuleuse.
Dans un tout autre ordre d'idées, que ferait un gouvernement péquiste avec le CHUM? Même si on est encore très loin de la première pelletée de terre,
Mme Marois estime-t-elle que le dossier a atteint un point de non-retour? À l'époque, elle favorisait l'emplacement d'Outremont: déciderait-elle d'y revenir? La formule du partenariat public-privé, à l'égard de laquelle le PQ a toujours été très critique, serait-elle abandonnée? Certes, il y a la crise, mais ce n'est pas tout.
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mdavid@ledevoir.com
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