L'anarchisme moderne et la Nation

Réflexion sur le passage de Normand Baillargeon à TLMEP

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Tribune libre

Comme beaucoup de québécois, c'est avec enthousiasme que j'ai regardé l'autre soir le passage marqué de Normand Baillargeon à TLMEP. Malgré l'ambiance peu propice à l'échange d'idées, typique de cette émission où se côtoient humoristes, chanteurs, inconnus et j'en passe, Baillargeon a pu s'afficher à la fois comme une personne de raison et comme un anarchiste (anarcho-syndicaliste pour être précis), brisant ainsi quelque peu les préjugés face à cette approche du politique.

L'anarchisme au 21e siècle qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que ça peut-être? Reconnaissons le mérite qui lui revient, Baillargeon a bien mentionné que l'anarchisme moderne devait concilier sa méfiance envers l'État et sa volonté de protéger les acquis sociaux. Peut-on pousser cette analyse ? Essayons !

Premier postulat
L'anarchisme est l'une des formes de contestation de l'ordre de domination établi. Au 19e siècle, à l'époque de Bakounine, de Kropotkine et de quelques autres, être anarchiste c'est s'opposer de manière libertaire à la dictature du marché. Or, ce marché s'appuyait alors sur l'État pour asseoir sa domination. Par conséquent, le combat anarchiste était un combat contre l'État, puisque contre le marché et le capitalisme.

Deuxième postulat
Le réel est une totalité dialectique; le monde change. Depuis l'émergence de l'anarchisme, le monde s'est incroyablement modifié, on s'accorde pour dire qu'il s'est mondialisé. Les marxistes disent que l'on est passé du capitalisme monopoliste d'État au capitalisme mondialisé et antiétatique. Je crois qu'ils n'ont pas tort. Les grandes multinationales, les banques et les compagnies pharmaceutiques par exemple n'ont de cesse de travailler au démantèlement de l'État providence. Dans leur langage savant, les économistes appellent ça les « nécessaires déréglementations ». Pourquoi? Parce que l'État est aujourd'hui le dernier frein à la domination totale du marché, c'est-à-dire à l'instauration du fantasme triptyque libéral de la libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes.

Conclusion
Être anarchiste aujourd'hui, ça ne peut plus passer par la volonté d'abolir l'État. Pour les raisons dialectiques mentionnées, combattre le marché c'est aujourd'hui se battre pour l'État. Bien sûr, on peut toujours s'obstiner sur la forme et la dimension qu'il doit prendre, mais il est clair que le seul cadre de protection valable des peuples contre la dictature de l'argent et du marché c'est la Nation. L'individu isolé, dépressif et consommateur en est incapable.

Dans le contexte du Québec, il me semble que les anarchistes et tous les opposants aux injonctions du «laissez-faire» libéral devraient mener cette réflexion. Peut-être ont-ils plus d'intérêt commun avec les nationalistes qu'ils ne le croient...


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3 commentaires

  • Yvon Lagacé Répondre

    21 novembre 2014

    C'est lucide, clair, et très vrai. Notre combat aujourd'hui est contre l'oligarchie, et nous devons nous battre pour l'État, Républicain, par et pour le Peuple.

  • François Fournier Répondre

    20 novembre 2014

    Je connais Onfray et je suis assez en phase avec lui là dessus.
    Content que vous appréciez.
    François

  • Pierre Cloutier Répondre

    20 novembre 2014

    Vous avez tout à fait raison. On appelle cela du post-anarchisme. Le philosophe Michel Onfray en est le plus ardent défenseur. Athée, hédoniste et libertaire.
    Lire en particulier son : "Politique du rebelle, traité de la résistance et de l'insoumission".
    Voir ici : http://mo.michelonfray.fr/
    Autrement dit, c'est un nietzschéen de gauche. Moi aussi. Bingo.
    Pierre Cloutier