L’analphabétisme québécois: «incroyable en Occident»? Non!

JD Lafond - profondeur abyssale d'un génie méconnu, mais parvenu


Nous interrompons, comme chaque vendredi, le lancinant commentaire anti-modèle québécois des plumes locales pour vous transmettre ce bref message d’intérêt public.

C’est l’époux de la Gouverneure Générale, le Prince consort M. Jean-Daniel Lafond, qui nous procure notre sujet cette semaine. Dans un entretien fort divertissant au magazine français L’Express, Son Excellence Lafond dit, entre autres, ce qui suit :

J’ai vu, au fil des années, comme professeur, la déperdition de l’enseignement de la langue française au Québec. Et ce n’est pas le gouvernement fédéral qui organise cette dégradation! Le pourcentage d’individus qui ne peuvent pas lire correctement un journal en français au Québec est énorme. C’est incroyable dans une société occidentale.

Le Prince Lafond trouvera chez moi un ardent allié dans le combat pour faire reculer l’analphabétisme, total ou fonctionnel, qui appauvrit la vie de centaines de milliers d’individus chez nous, et ailleurs. On peut lire ce que j’en pense ici. Mais la question posée par Son Excellence est comparative. Les carences dans la littératie québécoise, toutes navrantes soient-elles, peuvent-elles être déclarées « incroyables » en Occident.
La réponse est non. Selon les seules données comparatives disponibles, les Américains et les Italiens démontrent davantage de carence en littératie que les Québécois. L’enquête ne couvrait malheureusement qu’un petit nombre de pays, et non la France. Mais la Norvège était du nombre et, donc, triomphe.
Face aux autres Canadiens, les Québécois sont sous la moyenne globale, dopée par les très bons scores de la Saskatchewan dont je tiens ici à saluer les succès. Mais les Québécois sont statistiquement aussi bons (ou aussi nuls) que les Ontariens, les Néo-Brunswickois et les Suisses (oui, les Suisses !).
On pourrait donc affirmer sans crainte d’être contredit que : « Le pourcentage d’individus qui ne peuvent pas lire correctement un journal en anglais en Ontario est énorme ». Cependant on ne pourrait pas ajouter : « C’est incroyable dans une société occidentale », car c’est pire aux États-Unis. A moins bien sûr, qu’on soit mal informé, ou alors méprisant envers l’Ontario, ce dont je me garde bien.
Notre français s’améliore ou s’empironne ?
Dans sa brève mais percutante déclaration, Son Excellence le Prince consort n’est pas seulement comparatiste mais également soucieux de l’évolution de nos carences linguistiques dans le temps. Son expérience personnelle le porte à conclure que les Québécois d’aujourd’hui maîtrisent moins bien le français qu’à son arrivée, en 1974, lorsqu’il fréquentait les felquistes et les séparatistes aux lectures solides mais aux opinions desquels il n’a jamais été sympathique, précise-t-il.

(Au point que certains mots le fâchent désormais : « Québec, Canada français, ces mots m’agacent un peu car la force du mot Canada est plus grande que celle du mot Québec », explique-t-il à L’Express. Cependant le mot Canada pourrait lui sembler aussi un peu étroit, car dans les armoiries — magnifiques — qu’il a adoptées pour son règne, il a choisi comme devise L’humanité pour patrie. Fin de la parenthèse.)
Nous nous attachons aujourd’hui à savoir si la capacité des Québécois de lire le français se dégrade. La réponse est encore non, selon l’Institut de la statistique du Québec, qui annonçait en 2006:
Les compétences de la population québécoise de 16 à 65 ans en compréhension de textes suivis se sont accrues, en moyenne, de façon significative depuis 1994, année de la dernière enquête internationale sur la littératie des adultes. Ce résultat témoigne d’une tendance au rehaussement des compétences des Québécoises et des Québécois en compréhension de textes, même si les moyennes québécoises demeurent inférieures à celles du Canada dans son ensemble. Cette tendance coïncide avec de bonnes performances chez les jeunes Québécois de 16 à 25 ans qui constituent l’une des premières cohortes dont les parents ont bénéficié d’une éducation postsecondaire largement accessible.

Nous retournons maintenant à notre programme régulier.

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Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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