L'Allemagne prépare-t-elle Maastricht 2, le retour ?

L'Allemagne vs BCE


Régis Soubrouillard - Dans un Memo confidentiel obtenu par le Daily Telegraph, le Ministère des affaires étrangères allemand présente la stratégie de Berlin pour sortir l'Europe de la crise: toujours plus de fédéralisme, un accroissement des transferts de souveraineté des nations vers les institutions européennes, l'automatisation des sanctions pour les pays en difficulté et bien d'autres surprises. Le tout à vive allure.


La chancelière avait bien laissé des indices que quelque chose se tramait lorsqu’elle avait déclaré récemment que « la solution à la crise financière européenne ne signifiait pas moins d’Europe mais plus d’Europe ». Le résultat ne s’est pas fait attendre.
C’est une note confidentielle, un mémo de six pages entièrement consacré à la relance du projet européen tout droit sorti des brillants esprits du Ministère des affaires étrangères allemand. Obtenu par le journal anglais Daily Telegraph, le document détaille le « plan Merkel » destiné à renforcer la stabilité de l’Union.
Des airs de déjà vu : Maastricht, 20 ans après. Le plan prévoit la création d’un super-état européen avec la mise en place d’un fonds monétaire européen qui aurait le pouvoir de sanctionner les nations incapables de suivre la rigueur imposée par Bruxelles. Un système fortement intrusif, dans lequel Bruxelles pourrait décider des impôts et dépenses des pays en difficulté. Le système « requiert de réels droits d’interventions dans les budgets des états membres » précise le document. « Si un état membre accepte un programme de soutien du mécanisme européen de stabilité, cela se traduira immédiatement par une réduction de sa souveraineté budgétaire : le MES devra détenir un droit de veto sur le budget adopté par le parlement national lorsque celui-ci contredira les bases de la consolidation budgétaire ». Des mesures encore plus strictes sont prévues. Afin de réduire le fardeau des contribuables, une faillite ordonnée des états pourra être prononcée. L’éventualité d’une sortie de la zone euro pour les pays qui ne souhaiteraient pas se soumettre à ces nouvelles normes est évoquée, sans automaticité.
Vers un super état européen ?

Berlin poursuit ainsi l’intégration budgétaire et fiscale des pays de la zone euro : une grosse pincée de fédéralisme, l’accroissement des transferts de souveraineté des nations européennes vers les institutions européennes et l’automatisation des sanctions pour les pays qui affichent des déficits excessifs.
Paradoxalement, il est fort probable que la puissante cour constitutionnelle de Karlsruhe qui veille au grain sur le respect de la Loi Fondamentale allemande retoquerait nombre de ces projets qui mettent à bas la souveraineté du pays. Le rapport prend d’ailleurs quelques précautions. Ainsi la possibilité de nommer un « commissaire de stabilité » est évoquée avec prudence, notamment en raison des risques de non-conformité avec la constitution allemande et « l'autonomie budgétaire du Bundestag ».
La Finlande, l’Autriche et les Pays-Bas devraient également pouvoir protéger leur souveraineté budgétaire.
Qu’à cela ne tienne, le projet allemand ne vise pas prioritairement l’Allemagne et les pays nordiques. Bien plus les mauvais payeurs de zone euro, Grèce, Italie, Espagne, Portugal et pourquoi pas bientôt la France, comme cela est explicitement évoqué dans le document.
Un document qui renforce encore le sentiment d’emprise allemande sur le projet européen. Et le fantasme d’un super état européen qui lèverait ses propres impôts et gèrerait ses plans de dépense.
Ni consultation populaire, ni referendum
Tout cela paraît bien loin. Pas pour Miss Merkel qui s’inscrit clairement dans une accélération du calendrier. C’est dans les prochains jours et prochaines semaines que le nouveau chantier européen doit être mis sur les rails par la convocation « rapide » d'une Convention formée de représentants des parlements nationaux, des gouvernements, de la Commission et du parlement européen. Le rapport préconise une ratification limitée aux pays de la zone euro par voie parlementaire. Hors de question de s’encombrer de referendums, ou bien encore des Britanniques, et autres traîne-savates du genre qui avaient eu l’outrance d’en passer par la consultation du peuple.
On attend avec impatience les réactions de Nicolas Sarkozy et de Mario Monti : jusqu’à présent, la France comme l’Italie se sont opposés, entre autres, à l’automaticité des sanctions. Pour une raison compréhensible : personne ne sait ce que donnerait une politique économique pilotée par des robots. C’est bien pourtant ce qu’évoque la notion d’automaticité….
memo_avenir_de_l_union_.pdf Memo Avenir de l'union .pdf (181.6 Ko)


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