L’adhésion forcenée de la Gauche à l’Union Européenne présage des plus grandes victoires pour Marine Le Pen

Élection présidentielle française


Par Pierre Delvaux • La poussée du Front National semble avoir été pour le monde politico-médiatique aussi surprenante que le tremblement de terre au Japon. Les avertissements n’ont pourtant pas manqué, le moindre d’entre eux n’ayant pas été le NON au TCE en 2005. Voilà trente ans que la fracture n’a cessé de s’élargir entre le peuple français et ses représentants politiques, phénomène partagé par les autres pays européens pour les raisons que nous analysons depuis longtemps sur ce site. Il s’agit en substance de la soumission des Etats-nations au capitalisme mondialisé, aux intérêts des oligarques transnationaux à travers leurs relais politiques : banques centrales, FMI, OMC, Union Européenne, etc…

Une complicité historique
Comme nous l’avons souvent évoqué avec d’autres, la destruction des Etats-nations est devenue aujourd’hui indispensable aux capitalistes pour continuer à dégager des dividendes. Depuis le milieu du vingtième siècle ils n’ont plus de nouveaux marchés à conquérir. Leurs principales sources de profit résident dans l’abaissement généralisé du coût du travail et dans des produits financiers dont le caractère hautement virtuel induit inexorablement des crises destructrices. Depuis la dernière de ces crises nul ne peut prétendre ignorer le caractère suicidaire de ce système. Et pourtant, dans toute l’Europe, gouvernements et oppositions, quels qu’ils soient, règlent leurs politiques précisément sur l’application de ce système, dans une méthodique marche à l’abîme. Chacun est libre de jouer au casino mais à une condition me semble-t-il : que ce soit avec son propre argent. En vérité, les peuples travailleurs ne sont-ils pas aujourd’hui les otages de parieurs fous dont les Etats sont les croupiers complaisants ?

De la fracture sociale à la fracture politique
Au moment de sa mise en place (Acte Unique et traité de Maastricht) cette politique fit momentanément illusion, l’Union Européenne injectant massivement des fonds pour faire passer la pilule. La publicité autour de la « movida » espagnole ou du « tigre celtique » irlandais suscita l’euro-enthousiasme des bobos. Mais le mini-krach (terme employé à l’époque) de 1993 doucha cette béatitude, Chirac ramassant deux ans plus tard la mise électorale avec sa « fracture sociale ». Le désarroi des Français que ce dernier avait détecté grâce à Emmanuel Todd constituait déjà un signal fort. Mais au lieu d’y répondre, le président l’aggrava en entérinant avec Jospin la stratégie de Lisbonne, ce qui entraîna le 21 avril 2002. Réélu, Chirac eut un sursaut démocratique en soumettant le TCE à référendum. Cela scandalisa l’UMP et le PS qui prirent leur revanche sur le peuple en adoptant deux ans plus tard le traité de Lisbonne.

L’arbre qui cache la forêt
Incapables de s’opposer à l’ordre capitaliste mondialisé, UMP et PS se sont retrouvés en France sur un simulacre de débat politique axé sur les questions
sociétales dans lesquelles ils ont englobé la question de l’immigration exploitée depuis toujours par Jean-Marie Le Pen. A droite, Marine Le Pen l’a instrumentalisée sans vergogne pour amener les vieux militants de son père à la porter à la présidence du parti. Inspiré par de brillants conseillers tels que Patrick Buisson, Nicolas Sarkozy a surenchéri en greffant sur ce thème une « menace islamiste ». A gauche, sur cette question des flux migratoires, le PS et ses alliés sont incapables de dépasser les dogmes hérités des années Mitterrand, gravés dans le marbre par SOS Racisme. Se contenter de répondre qu’il faut laisser faire car cela correspond à la logique naturelle des choses selon lesquelles les peuples du monde entier sont appelés à se fondre dans une communauté universelle ne relève-t-il pas du scoutisme ? Et là encore la responsabilité de l’Union Européenne est première qui a favorisé une circulation totalement incontrôlée pour mettre en concurrence les travailleurs européens et éroder les spécificités nationales (sociales, politiques, culturelles…) dans son absurde projet fédéral (voire impérial…). Dans ce domaine, Dominique de Villepin me semble avoir indiqué la juste voie en prônant une approche dépassionnée sur le terrain, au jour le jour et sans publicité tapageuse comme celle orchestrée par Nicolas Sarkozy (et qui, d’ailleurs, est en train de se retourner contre lui).

Le véritable enjeu
Au plan économique et social, quelles sont les réponses des partis de gauche à tous les ouvriers jetés sur le pavé par les délocalisations ? A tous les employés et fonctionnaires sombrant dans la dépression et la maladie suite à la libéralisation des services publics ? Aux paysans et pêcheurs ruinés par la concurrence libre et non faussée entre producteurs et groupes de grande distribution européens ? Le « care » de Martine Aubry ? Le SMIC européen de Jean-Luc Mélenchon ? La sécurité sociale professionnelle de Bernard Thibault ? Voilà leur programme : une société d’assistance et de partage de l’emploi précaire. Les Français qui ont voté NON en 2005 ont bien compris qu’aucun de ces dirigeants n’était prêt à revenir sur le traité de Lisbonne, condition indispensable pour envisager une relance en Europe (JLM est loin d’être clair sur la question). Alors, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers celle qui leur dit sans ambages qu’elle le fera. L’économiste Jacques Sapir a rédigé une très intéressante critique des propositions du Front National visant à rendre à la France sa souveraineté économique. La principale faiblesse qu’il pointe dans ces propositions réside dans une vision de la monnaie encore bien trop libérale, ce qui s’explique par l’héritage reaganien de l’ancien programme du FN. Pour autant, l’intention est bien là et, semaine après semaine, le message recueille l’oreille attentive de nos concitoyens qui n’en peuvent plus de la mondialisation.

Qui représente qui ?
Politiques et commentateurs se lamentent sur les scores du Front National aux cantonales et dans les sondages. Ils dissertent pendant des heures sur les subterfuges politiciens qui permettraient de l’endiguer. L’urgence ne serait-elle pas plutôt à comprendre et à répondre politiquement aux demandes réitérées par un électorat grandissant qu’il serait aussi stupide qu’irresponsable de réduire à une horde xénophobe et fascisante ? Le PS et ses alliés auraient dû être les premiers à le faire depuis longtemps. Hélas, ils ne le peuvent car fossilisés dans un carcan idéologique déconnecté du monde présent. Coincés entre une posture « antifasciste » ridicule aujourd’hui et un entêtement européiste battu en brèche par le référendum de 2005, ces partis se caractérisent par un déni du réel qui laisse toute latitude au Front National. La constance et la morgue avec lesquelles les dirigeants de droite et de gauche rejettent depuis tant d’années l’expression populaire ne pouvait rester sans conséquences. Ignorer avec un mépris hautain l’aspiration des peuples à la démocratie, à la souveraineté et à la justice sociale, prétendre maintenir perpétuellement ces peuples dans une sorte de vassalisation-infantilisation est un exercice aussi explosif que de leur vendre des dettes toxiques. A ce titre, les révolutions arabes (et iranienne) constituent aussi un signal à méditer.

Alors, quelle alternative ? Les partis de gauche vont-ils se décider à l’agiornamento sur leur politique européenne ? Je crains que confortés par leurs résultats aux cantonales ils se persuadent qu’ils ne peuvent perdre en 2012 et, donc, qu’ils ne changent pas de programme. Et je crains, donc, que l’alternative ne se situe dans l’après 2012 et dans l’après PS, dans la prise en main citoyenne de notre propre destin et en nous dotant d’autres représentations politiques.

Cependant, essayons une dernière fois de pousser les partis en présence à franchir le rubicon qui les ramènerait de la rive euro-fédéraliste au bercail républicain. Je finirai donc en rappelant quelques propositions programmatiques d’urgence mises en discussion depuis longtemps sur notre site.

Quelques points de programme proposés à la discussion par DDR – La Sociale :

La nation est souveraine dans sa politique intérieure et extérieure, dans ses choix géopolitiques et stratégiques et dans sa politique de défense. La France doit s’affranchir du traité de Lisbonne, de la BCE et quitter le commandement intégré de l’OTAN.

La politique de régionalisation européenne doit être stoppée et la réforme des collectivités territoriales abrogée. Les communes, les cantons et les départements constituent le cœur de notre république.

Les choix monétaires sont du seul ressort de l’Etat, en aucun cas de banques ou d’organismes supranationaux. Un retour coordonné aux monnaies nationales en Europe en conservant l’euro comme monnaie de réserve éviterait une crise incontrôlable et permettrait à chaque pays une relance à son propre rythme.

L'Etat doit entrer au capital des banques afin de s'assurer de leur rôle dans le développement de l'économie.

La fiscalité et les prélèvements sociaux doivent être rééquilibrés en faveur du travail.

Les services publics doivent être 100°/° publics, tant dans leur financement que dans leurs moyens structurels, lesquels ne sauraient être limités par des enveloppes budgétaires fermées.

De la même manière, les industries vitales pour la nation doivent appartenir à la collectivité, les autres étant tenues de respecter des règles défendant l’emploi local,
la justice sociale et les conditions de travail nationales. Un plan de réindustrialisation nationale s’impose.

Le gouvernement doit privilégier les productions agricole et halieutique françaises et les protéger par des mesures douanières visant à l’écoulement de la production nationale et à l’autosuffisance alimentaire. Cela passe par un plan de réaménagement du territoire et de développement d’une agriculture diversifiée et par un plan de protection du littoral et de la pêche.

Le développement de la Culture, de la recherche scientifique, de l’industrie et de l’agriculture/pêche doit faire l’objet d’une ambitieuse planification incluant des coopérations internationales appropriées.

L’ensemble de la production nationale doit s’inscrire dans le développement permanent d’une politique de préservation de l’environnement.


Pierre Delvaux , le 25 mars 2011


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