Je la tire après six années de collaboration au Couac, parce qu’ayant le profond sentiment que mon engagement sociopolitique semble de plus en plus à contre-courant des préoccupations de ceux qui sont actuellement à la barre de notre canard.
Le Couac de juin 2005 m’avait rassuré. «Les membres du collectif de bénévoles du Couac, y était-il écrit, s’entendent sur les grandes orientations de «gauche» du journal, mais ils sont loin de partager dans le détail les mêmes positions politiques. Cela occasionne des débats, parfois houleux, qui permettent à chacun de raffiner sa position au contact de celle des autres.»
Mes plus fidèles lecteurs ont su cerner que je faisais miennes « les grandes orientations de gauche » du Couac. Avec le temps, quelques débats houleux ont donné du coloris à nos rencontres. Il n’en demeure pas moins que les quelques fois que le ton ait monté, ce fut plus souvent qu’autrement parce que la sempiternelle question nationale revenait sur le tapis. Pour certains, il fallait d’abord proposer un projet de société». Pour nos anarchistes-maisons, «l’indépendance du Québec n’est pas un must puisque tout État est en soi ennemi du peuple».
Va que de telles discussions n’aient imprégnés que les murs d’une cuisine rue de Lanaudière. Mais il reste que se doit d’avoir une certaine cohérence un journal qui tente quelque peu de lézarder l’épais mur de l’idéologie dominante. Et que s’il y a des écarts de pensée quant aux moyens à prendre, qu’on s’entende au moins sur les objectifs communs.
Or, c’est justement sur une question fondamentale, la question nationale, que trois des mes textes ont soulevé forte poussière qui, à terme, si elle ne nuit pas à la crédibilité de notre canard, risque fort de nuire à la mienne.
Premier de ces textes, celui de février 2008. Au départ ici, j’admets que le titre choisi - Qui a peur de Bock-Côté? - était un brin provocateur, mais fallait-il pour cela que tout-à-côté avec Remarques sur «jeune prodige», l’ami Simon Tremblay-Pepin ne s’acharne que sur le penchant maurassien de Mathieu Bock-Côté plutôt que sur l’essentiel de mes propos. Et y décrète qu’ils sont trop «nationnaleux».
Dans Le Couac suivant, j’ai tenté de corriger le tir. À propos de propos déplacés soulignait que le qualificatif de «jeune prodige» affublé à MBC ne venait pas de moi, mais bien d’un critique d’essais dont il arrive que le patron au Devoir est un des fondateurs du Couac. Et, ajoutais-je, il arrive que je partage l’avis de MBC et de Jacques Beauchemin, à savoir qu’il était temps que le PQ et le Bloc laissent tomber le nationalisme dit «civique» dans lequel, par fausse culpabilité, les deux partis s’étaient engoncés depuis que Parizeau avait fortement clamé ce que bien des gens pensaient tout bas.
J’étais loin de m’attendre à ce que ma réplique à STP donne l’occasion à quatre étudiantes et quatre étudiants, toutes et tous membres de Québec solidaire, de me rabattre le caquet dans un texte tout-à-côté du mien. Même, si L’audace honteuse des lâches se voulait d’abord une critique du PQ, il était évident que, dans cette virulente critique de la loi 195, j’étais dans la mire des huit QS. Huit QS dont deux font partie de l’équipe du Couac! Et qui se permettent d’écrire: «(…) en optant pour le nationalisme civique suite à la bourde de Parizeau le soir du référendum de 1995, le PQ aurait tué le nationalisme “ethnique” qui le faisait carburer.»
«Bourde de Parizeau»! Ce qui fut en fait une sainte colère contre l’effet pervers du multiculturalisme canadien qui, retour d’ascenseur oblige pour largesses bien sonnantes obtenues de qui l’on sait, avait poussé les chefs des Congrès juif, italien et grec à inviter leurs commettants à voter «très ethniquement» au référendum. Et on ose parler de «nationalisme ethnique» quand le projet de loi 195 n’était qu’une timide volonté d’une plus grande intégration des Néo-Québécois à la société d’accueil! Tout comme la supposée «bourde» d’Yves Michaud d’ailleurs, mais de cela, Québec solidaire n’en a cure. Il faut rester près de la clientèle de ceux que, par astuce et stratégie, The Gazette dénomme « the no-francophones».
Avril 2009, second envol de notre Canard avec texte de CGC recevant cette fois l’ombre d’un pur outsider. Alors que, je félicitais un certain André Juneau d’avoir tout fait pour que les «séparatissses» gagnent la seconde bataille des Plaines - comme s’en désolèrent Pratte et presque tous les scribouilleurs des journaux du ROC -, mes «amis» au Couac donnent une pleine page à un certain Pascal Leclerc. Le sérieux bonhomme - tout probablement membre de QS -, pose la question de six millions de dollars: «Pour être Québécois, il faut donc absolument être conquis? À moins que l’on considère que “Qui prend pays prend histoire.” » Et si c’était cela, cher inconnu, «le nationalisme inclusif». Comme il se pratique ailleurs au Canada. Et dans tous les autres pays du monde ! Ah, j’oubliais. Le Québec n’est pas une nation. Ou si peu !
Mais il a fallu attendre le dernier numéro du Couac pour qu’un dernier et solide coup de Jarnac me soit donné afin que, je comprenne bien qu’il ne me servait à rien de croire qu’au Couac, on puisse penser autrement que Québec solidaire.
«Assez, c’est assez» semble vouloir dire cet «encore le voile» qui coiffe la page 6 du Couac de juillet-août 2009. Et c’est encore Simon Tremblay-Pepin qui, avec Voile : ennui et dégoût, rappelle à l’ordre deux de ses confrères. «Encore deux textes sur ce sujet dans Le Couac ce mois-ci, se lamente-il, et combien d’autres écrits dans les gros médias dans les derniers temps»
«Mes mains se meuvent-elles sur le clavier par ennui ou par dégoût? » s’interroge un STP en colère. Il ne le prend pas. Pour le numéro de juin, certains membres influents de l’équipe avaient manifesté leur réprobation quand ils ont appris que René Girard préparait une recension du livre de Djemila Benhabib (1). On avait accepté, mais… Mais ne voilà-t-il pas que les Girard et Charron rappliquent sur le voile! Peu importe que dans leur texte, il soit d’abord question sur le comment aménager le principe de laïcité de l’État, il y a scandale en la demeure.
Scandale de discourir sur le voile depuis que le couple Bouchard-Taylor a parlé. Et a dit que les Québécois «ont trop de préjugés face aux nouveaux venus». Vive l’interculturalisme, version adaptée au Québec du multiculturalisme canadian! Peu importe que, en fait de tenue vestimentaire des fonctionnaires, le PQ, le Bloc et le Parti indépendantiste souhaitent que l’on adopte une formule proche de celle qui, après moult débats, a été établie en France, il ne faut plus parler de ça!
J’ai compris. Je me tais. Pour les lecteurs qui, avec les années, auraient pris plaisir à me lire et qui tenteraient de savoir où je tempe maintenant ma plume, ne me cherchez ni dans La Presse ni dans Le Journal de Montréal.
(1) Djemilla Benhabib, Ma vie à contre-Coran – Une femme témoigne sur les islamistes, VLB éditeur, Montréal, 2009
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