Interculturalisme ou multiculturalisme?

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême

Immense reconnaissance : le prix Médicis. Pour son roman L'énigme du retour, Dany Laferrière s'est vu décerné le prix le plus littéraire des quatre ou cinq grands prix littéraires de France. Tous les commentateurs le disent : c'est son œuvre la plus achevée. Il a formidablement intégré sa culture d'immigré à sa culture québécoise. Interculturalisme ou multiculturalisme?
Plus qu'un jeu de mots. Et nous sommes en matière sensible. Les dérapages peuvent survenir. C'est précisément pour les éviter qu'il me semble important de cerner les deux termes et d'en faire un usage approprié.
S'affrontent sur ce territoire deux conceptions et deux approches en matière d'intégration des Québécoises et des Québécois issus de l'immigration : l'approche multiculturelle canadienne, nommément inscrite dans la constitution canadienne (non signée par le Québec), qui juxtapose et valorise les identités culturelles spécifiques et l'approche interculturelle québécoise qui postule l'identité culturelle française de la société d'accueil en invitant les autres identités à s'y intégrer et à l'enrichir.
Découle de l'approche interculturelle québécoise, entre autres, l'affirmation que la langue française est la langue publique commune, normale et habituelle du travail, de l'administration, des communications et des affaires. Découle de l'approche multiculturelle canadienne, entre autres, au nom de la liberté de religion, le droit au kirpan à l'école, à la burqa dans les bureaux de votes et à des femmes de choisir des femmes et à des hommes de choisir des hommes pour être servis à la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ).
Ces deux conceptions et approches de l'intégration ne sont pas neutres politiquement. C'est Trudeau, dans son projet d'éradiquer de la réalité française du Canada la dimension nationale et politique incarnée principalement par l'État du Québec, qui a constitutionnalisé la seule portée individuelle de ces droits faisant en sorte que ces mêmes droits voyagent au gré des individus.
Au Canada anglais, ça peut marcher parce que le poids de la réalité anglo-saxonne sur son territoire, appuyé sur un immense continent de même culture, n'entretient aucune confusion dans les esprits. Pour le nouvel arrivant, il est évident que c'est notamment en anglais et en culture américaine que les choses se passent et se passeront. Au Québec, il en va autrement. Comptant que pour 2% de la population continentale, le français ne s'impose pas de lui-même. Et malgré la charte de la langue française, concrètement, le français n'est pas si obligatoire que cela au travail, dans les institutions publiques et dans les rapports sociaux. Quand en plus, la cour suprême du Canada elle-même ne cesse de charcuter la loi 101 il ne faut pas se surprendre à observer que, pour le nouvel arrivant, les choses ne soient pas claires. Et ce n'est surtout pas à lui qu'il faut s'en prendre.
C'est chez nous que la confusion s'est installée. Et elle le demeurera tant et aussi longtemps que ne sera pas éliminée la concurrence identitaire, langagière et politique que le multiculturalisme fabriqué par les institutions canadiennes (constitution, charte, cour suprême, directives, etc.,) exacerbe sur notre propre territoire. Comment? On en reparlera.
C'est Neil Bissondath, un autre grand écrivain reconnu et primé internationalement, anglophone et de lointaine origine indoue, né à Trinidad et Tobago, canadien devenu québécois, qui affirme avec force que «la politique du multiculturalisme est la plus grande barrière à l'intégration parce qu'elle crée des ghettos et impose des stéréotypes. Elle fait de nous des citoyens provisoires, comme Ben Johnson qui est redevenu un immigrant après sa déchéance.»
Interculturalisme ou multiculturalisme? Deux grand écrivains, tous deux d'îles du Sud, l'un anglais, l'autre français, partagent le même point de vue en matière d'intégration. L'interculturalisme la rend possible. Le multiculturalisme l'empêche.
Au passage Dany, félicitations!


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