Accès à l'école anglaise

Le CSLF prône la ligne dure

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême


Le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) a présenté jeudi son avis sur l'accès à l'école anglaise à la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre.
Le Conseil y recommande d'assujettir toutes les écoles du Québec, même privées non subventionnées, aux exigences de la Charte de la langue française, la loi 101. Il veut ainsi mettre fin au phénomène des écoles « passerelles » qui permettaient de contourner la loi.
Cet avis fait suite au jugement de la Cour suprême du 22 octobre 2009 qui invalidait la loi 104, un ensemble de dispositions législatives visant à restreindre l'accès à l'école anglaise, adoptée en 2002 et modifiant la Charte de la langue française. La loi 104 visait surtout à empêcher des parents de se servir du bref passage de leur enfant dans une école anglaise privée non subventionnée pour revendiquer par la suite le droit constitutionnel de l'inscrire dans une école anglaise publique ou privée subventionnée.
Le président du CSLF, Conrad Ouellon, estime que la solution proposée par le Conseil est la seule qui soit viable et qui permette de fermer définitivement la porte aux contestations judiciaires.
À son avis, si le gouvernement se contente de modifier les règles d'accessibilité aux écoles, il s'expose à d'autres poursuites. Et s'il décide de juger de l'authenticité du parcours des élèves au cas par cas, il laisse place à l'arbitraire.
On ne doit pas être en mesure d'acheter des droits. Il ne doit pas y avoir deux classes d'immigrants, ceux qui ont la capacité de passer à côté de la loi et ceux qui la suivent. Il ne doit pas y avoir les Québécois qui sont obligés d'aller à l'école française et les autres.

« Si on veut que cette société fonctionne en français, les enfants ont tout avantage à fréquenter les mêmes institutions où le français est la langue », a-t-il soutenu.
Questionné sur les raisons qui expliquent que cette solution n'ait pas été envisagée en 1977 lors de l'adoption de la loi 101 ou en 2002, M. Ouellon répond que les juristes consultés n'ont trouvé aucune explication valable. « Notre proposition a le mérite de soulever la question : est-ce qu'il y a un véritable empêchement? »
La balle est dans le camp du gouvernement Charest

Québec, qui dit prendre acte de l'avis du Conseil, a jusqu'au 22 octobre pour agir, date à laquelle la décision de la Cour suprême entrera en vigueur.
La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, a cependant refusé d'indiquer si elle appliquera la recommandation. Elle s'est contentée de dire qu'il y avait plusieurs hypothèses sur la table.
On ne peut pas vivre perpétuellement sur des crises linguistiques. C'est important la cohésion sociale, et c'est important que les immigrants qui arrivent ici comprennent qu'ils viennent épouser une société où la langue officielle est le français.

« Je pense qu'il faut que le message soit très clair », a conclu la ministre.
Lorsque la décision de la Cour suprême est tombée, suscitant de vives réactions, la ministre St-Pierre s'était elle-même dite « déçue » et « choquée ».
Le gouvernement de Jean Charest avait promis de bien analyser le jugement avant d'y répondre, et l'avis du Conseil supérieur de la langue française, quoique non sollicité, s'inscrit dans cette démarche.
En 2002, 1379 enfants qui avaient fréquenté des écoles anglaises privées non subventionnées ont réussi à accéder à des écoles anglaises subventionnées. Le Conseil supérieur de la langue française estime qu'en tout, 11 000 enfants ont profité de cette brèche dans la loi.
Un jugement important
Dans son jugement invalidant la loi 104, la Cour suprême estimait que les moyens choisis par Québec n'étaient pas « proportionnels aux objectifs recherchés ». Le plus haut tribunal du Canada ajoutait que « le refus de prendre en compte le parcours d'un enfant » dans une école privée non subventionnée lui paraissait « excessif ».
Cas particulier
L'un des cas soulevés par la Cour suprême concernait deux enfants nés à Montréal et ayant fréquenté pendant plusieurs années une école anglaise privée non subventionnée. L'un des enfants a ensuite obtenu une autorisation spéciale du ministère de l'Éducation du Québec de s'inscrire dans le réseau public anglais, en vertu d'une exception pour « situation grave d'ordre familial ou humanitaire » (article 85.1 de la Charte de la langue française).
Le père a par la suite demandé une permission semblable pour son autre enfant, invoquant le fait que sa soeur recevait son instruction en anglais dans le réseau public et s'appuyant par le fait même sur l'article 23 (2) de la Charte canadienne des droits et libertés. La demande a été rejetée par Québec en vertu de la loi 104.
Le PQ et la SSJB sont satisfaits
Le Parti québécois est très satisfait de l'avis du Conseil supérieur de la langue française. Le parti estime que la position du CSLF constitue un appui important à sa position. « Nous nous réjouissons de cet avis qui confirme ce que nous disons depuis quelques mois. Le gouvernement ne doit pas limiter l'accès à l'école anglaise par un subterfuge, il doit plutôt l'empêcher », a déclaré le député péquiste Pierre Curzi.
Le PQ demande au gouvernement Charest de répondre rapidement à l'avis en présentant un projet de loi qui serait adopté avant la fin de la session parlementaire, en juin.
La Société Saint-Jean Baptiste presse aussi le gouvernement Charest d'agir rapidement en appliquant la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. « Le français est en déclin rapide à Montréal, là où se retrouve la grande majorité des nouveaux arrivants. La solution du CSLF ne permet de colmater qu'une partie des échappatoires aux mesures scolaires de la loi 101 », affirme le président de la SSJB, Mario Beaulieu.


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