Infirmières: un exode pire qu’en 1997?

À cause des intentions de Québec, 7500 infirmières songeraient à prendre leur retraite d’ici trois ans

Feffac058db83be079c3b907e9937f04

Barrette prépare le départ de 7000 infirmières

La moitié des infirmières de 50 ans et plus songent à raccrocher leur stéthoscope d’ici trois ans si Québec persiste avec son intention de modifier leur régime de retraite. Ce scénario d’« exode » fait craindre le pire aux organisations syndicales et aux gestionnaires du milieu de la santé, qui se remémorent les quelque 4000 infirmières ayant quitté le réseau en 1997, et qui ont laissé derrière elles une pénurie qui se fait encore sentir.

Selon un coup de sonde mené pour le compte de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), 7500 infirmières « menacent » de partir à la retraite d’ici trois ans, soit la période où les changements au fonds de pension entreraient en vigueur. La FIQ a dévoilé ces résultats dimanche, alors que les négociations sont en cours avec le Conseil du trésor pour le renouvellement de la convention collective des 65 000 membres de l’organisme, qui représente plus de 80 % du corps infirmier québécois.

« Ce que nous présentons ce n’est pas de la frime. […] Il y a une réelle volonté des infirmières de quitter. Et si le gouvernement s’obstine, il va rendre le réseau de la santé encore plus malade et mettre en péril la qualité et la sécurité des soins aux patients », a déclaré Régine Laurent, présidente de la FIQ. Chiffres à l’appui, elle fait valoir que la moitié des 600 infirmières sondées veulent partir en retraite d’ici trois ans à cause des concessions exigées par Québec. Trois critères font particulièrement grincer des dents les professionnelles : repousser l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, augmenter la pénalité applicable pour une retraite anticipée et réviser le calcul de prestation en se basant sur la moyenne des huit meilleures années, et non des cinq.

Selon les calculs de la FIQ, les changements souhaités par le gouvernement Couillard se traduiraient par de lourdes pertes de revenus de retraite. Par exemple, dans le cas d’une infirmière de 58 ans détenant 31 années de service, la perte s’élèverait à 9500 $ par année. Les infirmières sondées sont déjà bien conscientes des « risques d’appauvrissement », affirme Mme Laurent, puisque les deux tiers de celles ayant exprimé le désir de partir ont affirmé avoir entrepris des démarches auprès de la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances pour devancer leur départ et éviter les pénalités.

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n’a pas voulu commenter les résultats du sondage.

Une répétition de 1997

Le vice-président de la FIQ, Daniel Gilbert, craint de voir se concrétiser le départ de quelque 7500 infirmières au cours des trois prochaines années. À son avis, la situation serait « pire » qu’en 1997, quand le gouvernement de Lucien Bouchard avait mis sur pied un programme de départs volontaires à la retraite au sein de la fonction publique. « Le réseau sent encore les impacts de cette pénurie [...]», soupire-t-il, ajoutant que depuis ce temps, le recours aux heures supplémentaires est devenu systématique.

Du côté des gestionnaires des réseaux de la santé, les craintes sont grandes. « Ça va devenir un casse-tête infernal pour offrir les soins, la qualité du réseau est plus que mise à mal, elle est menacée », lance Diane Lavallée, directrice de l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), association patronale qui a dû se saborder, faute de financement. L’organisme mettra la clé sous la porte le 31 mai prochain. Mme Lavallée n’est pas seulement inquiète de l’avenir des gestionnaires, mais aussi des infirmières qui resteront en poste. « Déjà, on observe de nombreux congés de maladie pour cause de surmenage et d’excès de stress… Qu’est-ce que ce sera dans trois ans ? »

Il faut prendre les chiffres de la FIQ avec « un grain de sel », croit pour sa part Pierre Blain, directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU). « Ils sont en négociation, c’est de bonne guerre de brandir des chiffres qui font peur », ajoute-t-il, évaluant que la situation est bien différente de celle de 1997, où on offrait des indemnités de départ. M. Blain estime que les deux parties doivent trouver le moyen de s’entendre. Il propose l’inclusion d’une clause de droits acquis, qui permettrait aux infirmières en fin de carrière d’éviter les nouvelles pénalités. « Il faut être prudent, car ce genre de décision pourrait aussi décourager la relève », dit-il.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->