Dès la rentrée parlementaire, mardi, les républicains seront les nouveaux maîtres du Congrès américain, d’où ils opposeront une forte résistance au président Barack Obama. Ce dernier ne donne pourtant aucun signe qu’il veut baisser les bras. Tout porte à croire qu’il imposera son veto présidentiel, une action qui bloquera définitivement la construction de l’oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis, véritable cheval de bataille du camp républicain.
« Obama est prêt à jouer très fermement le combat politique. Il essaie de semer un héritage, et la question écologique, tout comme l’immigration et les relations avec Cuba, en fait partie », déclare Julien Tourreille, directeur adjoint de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. En entrevue avec Le Devoir, le chercheur se dit confiant de voir le président démocrate imposer pour une rare fois son veto, afin de s’opposer à la priorité absolue des républicains : une loi autorisant la construction d’un oléoduc pour acheminer du pétrole brut depuis l’Alberta jusqu’au Nebraska, en plein centre des États-Unis.
L’immense projet de la société canadienne TransCanada, soutenu avec force par Ottawa, prévoit un tracé de 1900 km, dont 1400 km aux États-Unis.
Pour les républicains, l’exploitation des hydrocarbures est synonyme d’emplois et d’indépendance énergétique. Le démocrate estime que le projet de 5,3 milliards de dollars ne générera pas une pléthore d’emplois et il craint pour ses conséquences écologiques.
Un vote très rapide
« Les républicains sont déterminés à confronter rapidement le président avec un vote. Ce n’est pas impossible qu’il se tienne dès cette semaine », affirme Pierre Martin, directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines à l’Université de Montréal. Le nouveau chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a d’ailleurs promis un vote très rapide, après la tenue d’une audition qui aura lieu mercredi, dès le lendemain de la rentrée parlementaire.
Après la déroute des démocrates en novembre dernier, lors des élections de mi-mandat, les républicains sont dorénavant majoritaires dans les deux chambres qui composent le Congrès : le Sénat et la Chambre des représentants.
Confronté à un Congrès entièrement contrôlé par ses adversaires, le président américain aura plus souvent recours à l’arme du veto, estime M. Martin. « Pour surmonter le veto présidentiel, chaque chambre du Congrès doit revoter et récolter les deux tiers des voix de ses membres. Ce qui impliquerait, pour les républicains, de convaincre des dizaines de démocrates de les appuyer… Ce n’est pas gagné ! », lance le chercheur. À son avis, les démocrates seront peu nombreux à prendre le risque de voter contre le président. « Stratégiquement, ils ont intérêt à cultiver une discipline de parti. Peut-être que quelques démocrates, situés dans le centre des États-Unis, où l’électorat est plus favorable, pourraient être tiraillés », ajoute-t-il.
Pour le professeur Julien Tourreille, il ne fait aucun doute que les républicains n’arriveront pas à surmonter le veto du président. « Obama n’aura peut-être même pas besoin du veto, poursuit-il, puisqu’il existe une règle au Sénat selon laquelle il faut 60 voix pour mettre fin à un débat et passer au vote. Actuellement, il y a 54 républicains… Je doute qu’ils réussissent même à convaincre six démocrates de les suivre », analyse-t-il.
Les outils d’Obama
Dans un scénario hypothétique où les républicains supplantent un veto présidentiel, l’exécutif américain, dirigé par Barack Obama, a le droit de ne pas mettre en application la loi autorisant la construction de l’oléoduc, explique M. Tourreille. « Le gouvernement a en quelque sorte un pouvoir d’inertie et peut ainsi bloquer des projets auxquels il s’oppose », dit-il.
Autrement dit, le président démocrate a de nombreux moyens de faire la sourde oreille aux menaces de la plus forte majorité républicaine au Sénat depuis la présidence de George W. Bush.
Barack Obama a, jusqu’à présent, très peu utilisé l’arme du veto : deux fois seulement en six ans, contre 12 fois par George W. Bush (en huit ans), 37 par Bill Clinton (huit ans) et 365 par Franklin Roosevelt (12 ans), selon les statistiques du Sénat.
Un projet qui divise
La société TransCanada a déposé sa première demande de construction de l’oléoduc Keystone XL en septembre 2008. Le chantier a ensuite été soumis à une autorisation de l’exécutif américain, mais Barack Obama tergiverse depuis ce temps en raison de l’opposition des écologistes. Ces derniers évoquent les risques de fuites et le caractère énergivore de l’extraction des sables bitumineux. « Keystone XL représente l’antipode du désir d’Obama de diminuer la production de gaz à effet de serre », avance l’expert Pierre Martin. À l’inverse, le projet d’oléoduc permettrait aux républicains de concrétiser leur promesse de voter rapidement des lois créatrices d’emplois, bien que les emplois, dans ce cas, ne seront, pour la majorité, que temporaires, le temps de la construction. « Beaucoup d’acteurs de l’industrie pétrolière sont de grands contributeurs des candidats républicains, il y a une forte pression », ajoute M. Martin.
Les républicains sont aussi favorables à une augmentation des forages pétroliers, notamment en Alaska, et à une levée des restrictions sur l’exportation de gaz naturel liquéfié et de pétrole brut (l’essence et les produits raffinés sont librement exportables).
Dans les années 1970, en réaction au choc pétrolier, le Congrès avait interdit les exportations de brut américain, mais l’explosion récente de la production américaine rend l’interdiction obsolète, selon les partisans d’une libéralisation.
OLÉODUC KEYSTONE XL
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