Les électeurs votent en fonction du programme des partis, de la qualité des équipes et de l'image des chefs. Cette image est le produit d'une synthèse de leurs forces et de leurs faiblesses et mesure, aux yeux des citoyens, leur aptitude à gouverner.
Un sondage de Léger Marketing montre que Jean Charest et Mario Dumont ont réussi à créer une impression favorable dans la population en ce qui a trait aux principales qualités attendues d'un chef politique. L'image d'André Boisclair paraît à cet égard moins positive et encore largement indéfinie. Mais les choses peuvent encore changer dans la mesure où le chef péquiste est moins connu que ses adversaires. L'avenir dira s'il parviendra au cours des prochaines semaines à dissiper les doutes à son sujet.
Quatre critères
Les électeurs évaluent les chefs en fonction de quatre grands critères, soit la compétence, la fermeté, l'honnêteté et l'empathie ou la proximité perçue entre le chef et la population. Ils dégagent de ces critères une synthèse qui s'exprime à travers leur évaluation de l'aptitude d'un chef à gouverner.
Comment les Québécois évaluent-ils les chefs des principaux partis politiques du Québec au moment où s'amorce la campagne électorale? Les données présentées dans le tableau sont révélatrices. Elles montrent d'abord que les chefs des plus petites formations politiques, soit Québec solidaire et le Parti vert, souffrent d'un problème de visibilité et de notoriété. Cela étant, l'image de Françoise David, porte-parole principale de Québec solidaire, a pris un certain relief. On lui reconnaît son honnêteté et son empathie, mais les doutes à propos de sa compétence restent très ancrés.
Qu'en est-il des chefs des trois principaux partis? Les résultats sont assez nets là également. Jean Charest domine pour ce qui est des critères de la compétence et de la fermeté de son leadership. Mario Dumont, quant à lui, est perçu comme étant plus honnête et, surtout, plus proche des gens que ne le sont ses adversaires. Ces qualités, combinées à un score assez élevé (31 %) s'agissant du critère de la fermeté, reflètent le profil assez net de l'image du chef adéquiste chez les électeurs.
L'inconnue Boisclair
Alors que Jean Charest et Mario Dumont sont parvenus à imposer les lignes de force de leur image, celle d'André Boisclair paraît encore floue pour bon nombre de répondants. Environ un électeur sur cinq attribue au chef péquiste les qualités attendues d'un chef. Ces résultats montrent une insatisfaction certaine des électeurs envers la performance du chef du Parti québécois depuis son arrivée à la tête de son parti, y compris parmi ses propres partisans. Mais ils reflètent aussi l'incertitude qui entoure habituellement les chefs moins connus.
Les premières impressions laissées par un nouveau politicien sont généralement plus mouvantes que celles à propos de leaders mieux connus. Dans ce contexte, André Boisclair pourra peut-être améliorer son image à la faveur d'une campagne réussie et d'une victoire nette lors d'un éventuel débat télévisé. Jean Charest est parvenu à le faire en 2003. Le défi reste toutefois de taille pour le chef péquiste, et le temps pourrait bien lui manquer pour renverser la vapeur.
L'aptitude à gouverner
Les électeurs désignent souvent l'honnêteté comme étant la vertu qu'ils recherchent en premier lieu chez un politicien. Or les études sur les choix électoraux montrent que ce sont plutôt les critères de la fermeté et de la compétence qui pèsent le plus sur les choix des électeurs et leur évaluation des chefs.
Les données du tableau confirment cette attente. Les résultats portant sur une question demandant aux répondants de désigner le leader qui possède davantage que les autres «l'étoffe et l'envergure d'un chef d'État» montrent que Jean Charest distance nettement ses adversaires. Plus de deux électeurs sur cinq (43 %) optent pour l'actuel premier ministre en réponse à cette question, contre 24 % pour Mario Dumont et à peine 18 % pour André Boisclair.
Fait important, les résultats à cette question se rapprochent beaucoup plus des réponses fournies aux questions sur la fermeté et la compétence que sur celles à propos de l'honnêteté et de l'empathie des leaders. Les critères de la fermeté et de la compétence joueront donc un rôle crucial dans l'évaluation des chefs et le choix des électeurs au moment du vote.
Tout est-il joué?
Bien que les résultats sur l'image des chefs soient assez nets, le résultat du scrutin du 26 mars reste encore incertain. Trois facteurs doivent inciter à la prudence dans l'interprétation des résultats de ce sondage.
Premier élément, et de taille, les élections ne sont pas un concours de popularité entre les chefs. Ce sont surtout les programmes et le bilan du gouvernement qui pèsent sur les choix électoraux. Les frères Johnson, Pierre Marc en 1985 et Daniel en 1994, l'ont appris à leurs dépens. Plus populaires que leurs adversaires mais dirigeant des gouvernements impopulaires, ils ont tous deux mordu la poussière.
La relative «nouveauté» du chef péquiste est une autre donnée importante. Moins connu que ses adversaires, il peut encore surprendre.
Finalement, des failles dans les armures des chefs dominants, Jean Charest et Mario Dumont, sont visibles. À peine un électeur sur six (16 %) estime que le chef libéral est le plus honnête et les doutes à propos de la compétence de Mario Dumont pourraient s'amplifier si ses adversaires mettent en relief la relative faiblesse de son équipe de candidats.
Cela étant, dans la bataille de l'image des chefs, le premier round de la campagne va incontestablement à Jean Charest et à Mario Dumont. Mais rien n'est encore joué. Et Jean Charest et Mario Dumont, gardant en mémoire la campagne de 2003, fructueuse pour l'un, difficile pour l'autre, le savent sans doute mieux que quiconque.
Christian Bourque, Vice-président à la recherche chez Léger Marketing
Richard Nadeau, Professeur au département de science politique de l'Université de Montréal
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