« Je ne ferai pas une Ignatieff de moi-même », a lancé la chef du Parti québécois, Pauline Marois, dimanche, à la suite du colloque de son parti. Elle est prête, dit-elle, à défaire le gouvernement. On pourrait penser qu'il s'agit d'une simple bravade de la part d'un chef de l'opposition qui veut maintenir le moral des troupes à trois ans et demi de l'échéance électorale.
Sauf que la majorité du gouvernement Charest est beaucoup plus précaire qu'il n'y paraît.
Il faut 63 députés pour avoir la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Or, avec la démission de Tony Tomassi, il ne reste plus que 66 députés libéraux, contre 50 péquistes, 4 adéquistes, 1 solidaire, 3 indépendants et 1 siège est vacant (Vachon, une forteresse péquiste). Du caucus libéral, il faut aussi soustraire le président de l'Assemblée, qui ne vote qu'en cas d'égalité des voix.
La majorité du gouvernement ne tient donc qu'à bien peu de choses. Il suffirait du départ d'une poignée de députés libéraux et/ou de défaites lors d'élections partielles pour renverser la majorité libérale. D'autant que, dans le Québec francophone, les sondages indiquent qu'à peu près tous les sièges libéraux sont désormais en jeu.
Or, actuellement, il y a deux dangers majeurs qui guettent le gouvernement Charest et qui pourraient contribuer à quelques départs.
La grogne des anglophones
D'abord, il y a la grogne des anglophones, qui pourrait se cristalliser avec la réponse du gouvernement au jugement de la Cour suprême du Canada invalidant la loi 104. C'est un dossier qui est largement passé sous le radar des médias francophones, mais il reste qu'au cours des dernières semaines, la communauté anglophone s'est mobilisée sur la question de l'accès à l'école anglaise.
Selon les dirigeants des commissions scolaires anglophones, il faut trouver des moyens d'élargir l'accès à l'école anglaise, sans quoi la communauté va « manquer d'oxygène » et ne sera plus viable à long terme.
C'est au point où l'« elder statesman » de la communauté anglophone, l'ex-ministre Victor Goldbloom, a repris du service à 86 ans, pour inciter le gouvernement à respecter le jugement de la Cour suprême.
Il y a bien peu de chances que le gouvernement Charest se range de ce côté. Mais dans la communauté anglophone, on est outré que le premier ministre n'ait même pas envoyé un accusé de réception aux dirigeants des commissions scolaires qui voulaient le rencontrer pour discuter de la situation.
Certains députés anglophones pourraient-ils en venir à quitter le caucus libéral? On n'en est sans doute pas encore là, mais il faut savoir que c'est arrivé deux fois dans l'histoire récente, toujours sur la question linguistique, soit en 1974 lors de l'adoption de la loi 22, et en 1988, lors de l'adoption de la loi 178.
Sept ans au pouvoir
Par ailleurs, le premier ministre Charest a fêté le mois dernier le septième anniversaire de son arrivée au pouvoir. Sans l'intermède du gouvernement minoritaire de 2007-2008, son gouvernement en serait aujourd'hui à la veille d'une échéance électorale qui s'annonce difficile.
Or, après sept ans au pouvoir, il y a souvent des ministres et des députés qui estiment que c'est le temps de passer à autre chose et de mettre fin à leur carrière politique. Tous les gouvernements ont connu des départs dans de telles circonstances. Et c'est encore plus fréquent quand le gouvernement n'est pas au plus haut dans les sondages et que la réélection s'annonce difficile.
En fin de mandat, une belle offre dans le secteur privé, des ennuis de santé ou l'éternel « désir de passer plus de temps avec sa famille » peuvent devenir beaucoup plus intéressants que les appels à rester au poste du premier ministre. Surtout quand personne n'est trop certain que le premier ministre lui-même n'attend pas la première occasion de s'en aller.
Alors, des élections précipitées sont-elles possibles? Comme le dit la chanson, il suffirait de presque rien.
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