Ignatieff et souveraineté: malaise à Ottawa

Pour ajouter à la confusion, voilà qu'un ancien chef du Parti libéral du Canada affirme que l'indépendance du Québec est inéluctable, ajoutant ainsi sa voix à celles d'autres fédéralistes. Le monde à l'envers.

Écosse et indépendance


(Québec) Volatile et dure à cerner, l'opinion des électeurs? Et comment! Ils vont de droite à gauche. Sur la question nationale, ils se montrent aussi hésitants. Fédéralistes ou souverainistes à géométrie variable. Pour ajouter à la confusion, voilà qu'un ancien chef du Parti libéral du Canada affirme que l'indépendance du Québec est inéluctable, ajoutant ainsi sa voix à celles d'autres fédéralistes. Le monde à l'envers.
Nous sommes habitués aux changements d'humeur de l'électorat, à ses convictions fragiles, à ses coups de coeur éphémères. On s'attend toutefois à ce qu'un ex-chef de parti manifeste plus de constance, de cohérence, de fidélité à ses idées et veille à ne pas s'inscrire dans la liste des mal cités.
L'an dernier, en campagne électorale, Michael Ignatieff, alors à la tête du Parti libéral du Canada, soutenait que les Québécois pouvaient rester différents dans un Canada uni. Aujourd'hui, extrapolant sur la situation de l'Écosse, il affirme que l'indépendance du Québec est inévitable. Redevenu professeur d'université, il constate que le Québec et le reste du Canada n'ont plus rien à se dire, que le Québec fait déjà comme s'il était indépendant. Il parle d'un pacte d'indifférence mutuelle.
La personne débarquée au Canada depuis peu éprouvera du mal à décoder ce qui se passe sur la scène politique, tant les informations sont contradictoires, selon qu'elles proviennent de Québec ou d'Ottawa. Même les vieux électeurs perdent leurs repères.
Ainsi, un sondage CROP-Le Soleil-La Presse indiquait mardi que la souveraineté avait reculé de sept points depuis mars dernier, passant de 43 à 36 %. Le parti Option nationale, dont la souveraineté est la raison d'être, ne récolte par ailleurs qu'un maigre 1 % dans les intentions de vote. Estimant que le débat constitutionnel n'intéresse plus personne, la Coalition avenir Québec a pour sa part décidé de le mettre au rancart pour 10 ans.
À Ottawa, il y aura un an le 2 mai, les Québécois ont chassé les députés bloquistes souverainistes pour les remplacer par une majorité de députés néo-démocrates fédéralistes. Depuis que les conservateurs de Stephen Harper forment un gouvernement majoritaire, des voix s'élèvent toutefois pour prédire un engouement pour la cause souverainiste. Des voix fédéralistes. Curieux paradoxe.
Les propos étonnants de M. Ignatieff s'ajoutent à ceux de Justin Trudeau, qui a lancé en février songer à faire du Québec un pays si le gouvernement Harper continue d'adopter des mesures de droite, et de Peter White, militant conservateur de longue date, qui observe une lente séparation de facto du Québec du reste du pays, émotivement, spirituellement et intellectuellement. Il y a bel et bien un problème avec Ottawa et ce ne sont pas que des «vilains séparatistes» qui le disent.
Devant la controverse soulevée, M. Ignatieff a fait mardi une profession de foi en faveur d'un Canada uni. Malgré tout, un malaise subsiste. Le Canada que façonne le gouvernement Harper crée de l'insatisfaction, de l'inconfort. Des Canadiens ne s'y reconnaissent plus. Son approche en matière environnementale et criminelle n'est pas désapprouvée uniquement au Québec.
On peut voir aussi dans le résultat des élections en Alberta le désir des citoyens de ne pas glisser davantage vers la droite. En confiant la province à Alison Redford plutôt qu'à Danielle Smith du Wildrose, ils ont opté pour une femme plus progressiste que conservatrice pure et dure.
Au lieu de tenter de tirer bêtement profit de la déclaration d'Ignatieff, M. Harper ferait mieux d'analyser plus finement la situation et revoir son attitude s'il veut garder le Canada uni. Lorsque les souverainistes trouvent des alliés à Ottawa, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.


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