Le passage à Tout le monde en parle de Michael Ignatieff, le présumé meneur de la course au leadership libéral, a illustré deux choses.
La première: le fait que M. Ignatieff connaît bien mal le Québec d'aujourd'hui.
La seconde: la dégénération de l'information politique à la télévision de Radio-Canada. On pense aux interviews que les Louis Martin et les Pierre Nadeau auraient menés à la place des petits comiques de Tout le monde en parle, qui sont politiquement incultes et manifestent une partialité débridée.
Autant ils assassinent ceux qui leur déplaisent (Guy Fournier fut leur dernière victime), autant ils portent aux nues leurs favoris. Michael Ignatieff fait partie de ce dernier groupe, parce qu'en proposant la reconnaissance de la " nation québécoise ", il s'est payé à peu de frais une belle image auprès des nationalistes... sans doute pour faire oublier les pages terribles qu'il a déjà écrites sur le nationalisme québécois.
Les talk-shows légers ont leur place. Le problème, c'est que celui-ci prend toute la place. À la télé de Radio-Canada, il n'y a plus l'ombre d'une émission d'affaires publiques. Ceux qui ont un livre ou un programme politique à promouvoir n'ont qu'une porte où frapper: chez des humoristes recyclés en juges de tribunal populaire.
Revenons donc sur le " test " de connaissances du Québec qu'on a fait passer à M. Ignatieff. Si ce dernier n'avait été le chouchou des animateurs, il aurait été crucifié.
" Nommez cinq premiers ministres du Québec ". M. Ignatieff a l'air un peu embêté, mais l'animateur Jean-Luc Mongrain, dont on aurait dit qu'il avait été invité spécialement pour lui donner un coup de main, lui glisse: " Dites Johnson, ça vous en fera trois! ". En plus d'être très drôle, la remarque sert de bouée de sauvetage au candidat libéral, qui n'a plus qu'à en trouver deux autres (Lesage et Lévesque).
Que pense-t-il de la loi 101? M. Ignatieff dit pieusement toutes les bonnes choses, et personne évidemment ne notera qu'il contredit ici des propos antérieurs.
Nommez cinq rues de Montréal. " Oh là là! ", dit M. Ignatieff. Il se lance héroïquement: " Peel, Sainte-Catherine... ". " Saint-Denis ", lui souffle Guy-A. Bon, ça fait trois. " Guy, Atwater ". Ouf!
Nommez deux banlieues de Montréal. " Outremont et Westmount. "
Où est le rocher Percé? " Là-bas, en Gaspésie... "
Nommez cinq grandes entreprises québécoises. Ici, le test devient vraiment ardu. M. Ignatieff réussit quand même à mentionner Bombardier, Lavalin et Power Corp. avant de tomber à court d'inspiration. Dany Turcotte lui souffle: " Quebecor. " Quebecor, répète M. Ignatieff. Puis on tombe dans la farce avec " Jean-Luc Mongrain inc. "
Quel est le dernier film québécois que vous avez vu?... Réponse: il aime beaucoup les films de Claude Jutra (disparu en 1986) et de Jean-Pierre Lefebvre (dont la période productive s'est échelonnée sur les années 60 et 70).
Précédemment, M. Ignatieff avait tenu sur Air Canada- l'unique grand transporteur canadien- des propos surprenants dans la bouche d'un homme qui veut diriger le pays.
À une question idiote (les aéroports lui font-ils peur?), il a répliqué sur un ton intense, presque fiévreux: " Ce qui me fait peur, c'est Air Canada. Ils ne sont pas assez courtois... Un des liens qui nous unit, dans ce pays, c'est notre mépris pour Air Canada. "
Ces propos ont à bon droit irrité nombre de ses électeurs (la circonscription d'Etobicoke étant proche de l'aéroport de Toronto, elle compte plusieurs employés d'Air Canada) et sont à première vue franchement bizarres. Certes, tout le monde a quelque chose à reprocher à Air Canada, mais accuser les employés de manquer de courtoisie? Parler de " peur " à propos d'une compagnie dont le bilan, au chapitre de la sécurité, est excellent? Parler de " mépris "?
Ces propos ne s'expliquent que par une mentalité de " jet-setter ". Dans ce milieu, on voyage en classe affaires, on lève le nez sur Air Canada, pas assez chic, on préfère Air France et surtout British Airways, on discute des mérites respectifs de Singapour Airlines et Cathay Pacific... Dire que M. Ignatieff a un petit côté snob n'est pas lui faire injure (on peut avoir de bien pires défauts), mais il n'est pas évident que cela lui servira en politique.
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