Hydro dans l’arène électorale

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Une autre magouille avant de partir

Peu l’ont remarqué, mais la semaine même où l’on disait que François Legault était devenu favorable à l’éolien, il se déchaînait contre un projet d’électricité produite par le vent.


À propos d’Apuiat, un projet éolien sur la Côte-Nord, il ne semblait pas avoir de mots assez durs : « Philippe Couillard essaie d’enfoncer un projet inutile et ruineux dans la gorge d’Hydro-Québec », écrivait-il le 19 juillet dans un communiqué.


Le chef caquiste accusait le premier ministre de vouloir « passer un sapin de 1,5 milliard de dollars aux Québécois ».


Or, il est tentant de lui donner raison.


« Vraie affaire »


Il s’agit d’une « vraie affaire », selon les critères Couillard.


Si le gouvernement forçait Hydro à acheter l’énergie produite par les turbines d’Apuiat, soit 200 MW, chaque emploi créé aurait reçu l’équivalent d’une subvention de 3 millions $ par année pendant 25 ans ! Et il s’agirait d’un contrat de gré à gré. Les producteurs seraient les entreprises Boralex et RES, associées à des Innus.


En 2013, le gouvernement Marois, pour mettre un terme à la privatisation de la production d’électricité éolienne et pour baisser les coûts, avait confié le 200 MW à Hydro-Québec Production (HQP). Mais en 2015, le gouvernement libéral expulsait HQP et réinvitait le privé.


Aujourd’hui, les libéraux sont extrêmement pressés. Le déclenchement des élections se fera entre le 25 et le 29 août. Les ministres Moreau, Arcand et le premier ministre entendent faire l’annonce le 8 août, confient des sources. On veut présenter l’affaire comme un projet gouvernemental et non une promesse électorale. Y a-t-il vraiment tant de votes à gagner sur la Côte-Nord pour le PLQ ?


Cela implique d’ici là la signature de l’entente de gré à gré dans laquelle il y aurait sans doute une disposition qu’on pourrait appeler « anti-CAQ ». L’annulation par un éventuel gouvernement caquiste impliquerait sans doute des compensations salées.


La VG


Bref, tout cela risque de coûter cher aux Québécois. On a beau aimer les moulins blancs post-modernes qu’on plante un peu partout, il reste que nous avons payé d’énormes sommes pour le développement éolien, dont l’énergie est qualifiée, selon le jargon de la Régie, de « postpatrimoniale ».


Dans son rapport du mois de mai, la VG Guylaine Leclerc conclut que « l’approvisionnement par de l’électricité postpatrimoniale, qui découle principalement de décrets gouvernementaux [...], a eu un effet à la hausse estimé à 2,5 milliards $ sur les coûts d’approvisionnement d’Hydro-Québec entre 2009 et 2016 ».


En plus, ces contrats sont « prioritaires » : Hydro est contrainte d’acheter cette énergie avant d’utiliser celle provenant des grands barrages, beaucoup moins coûteuse.


On plaidera le développement régional. C’est d’ailleurs ce que martèle le ministre Pierre Moreau. Hydro est-elle vraiment devenue cela : une acheteuse d’énergie inutile sous prétexte d’aider les régions ?


Le rôle du CA


Puisque le projet doit être annoncé incessamment, le conseil d’administration d’Hydro devra, dans les prochains jours, se pencher sur le projet.


On s’attendrait à ce que ses membres effectuent une réelle réflexion. C’est là son rôle, non ? Ce sont les fiduciaires de la société d’État.


Mais depuis 2015, ce CA est présidé par l’homme d’affaires Michael Penner, qui avait en 2013 participé activement à la campagne à la direction libérale de Philippe Couillard.


Les membres auront-ils la sérénité, l’indépendance voulue face au gouvernement pour jouer leur rôle dans cette affaire ?


Espérons au moins qu’ils et elles prendront en considération les évaluations de l’impact financier et autres risques que les analystes d’Hydro leur présenteront. Car à force d’acheter de l’énergie inutile, nos tarifs pourraient se mettre à augmenter radicalement.


Surtout à une époque où, comme aime à le répéter Philippe Couillard constamment, une « menace plane » sur l’économie en raison du protectionnisme et du populisme à la Trump.



LE CARNET DE LA SEMAINE


Hydro non « validé »


Jeudi en début d’après-midi, Hydro-Québec a publié en catastrophe un communiqué pour prétendument « corriger des faits » dévoilés la veille par le Bureau d’enquête concernant des apparences de conflit d’intérêts d’un membre du conseil d’administration. Mais quelques minutes plus tard, Hydro a retiré le même communiqué ! Pourtant, le ton était celui du donneur de leçon : « Une simple vérification aurait permis au journaliste de valider » ses informations... pouvait-on lire. Or, après le retrait du communiqué, un porte-parole d’Hydro a dû admettre que la Société d’État devait à son tour... « valider les informations qui étaient dans le communiqué, qui sont des informations reçues », afin de déterminer si un rectificatif était toujours nécessaire. La « correction des faits » n’avait pas été dûment... validée ! Incroyable de la part d’une grande société d’État. On peut imaginer qu’il y a eu un sérieux problème à l’interne.


Lapsus de la semaine



PHOTO D'ARCHIVES


L’ancienne infirmière et femme d’affaires Suzanne Blais a été présentée par François Legault comme candidate caquiste dans Abitibi-Ouest, cette semaine. Lorsqu’elle s’est présentée au micro, elle a lancé un « Merci, M. Gendron », ce qui a provoqué l’hilarité générale. Le péquiste François Gendron a été député de cette circonscription de 1976 à 2018. Il ne sera pas candidat le 1er octobre. À la suite du lapsus, le chef caquiste a été beau joueur, admettant que Gendron laissait de « bien grands souliers » à chausser et que personne ne pourra vraiment prétendre le remplacer. « Les caquistes peuvent travailler avec des péquistes et il y en a plusieurs actuellement qui sont avec nous », a-t-il admis de manière assez candide.


Le pont Stéphanie-Vallée



PHOTO D'ARCHIVES, CHANTAL POIRIER


La ministre de la Justice sortante, Stéphanie Vallée, a été victime d’un cafouillage toponymique cette semaine. Un communiqué a été envoyé au journal Le Droit dans lequel le maire de la municipalité de Denholm, Gaétan Guindon, annonçait qu’un pont sur un chemin de la circonscription, le chemin Paugan, serait baptisé « pont Stéphanie-Vallée ». Or, quelques minutes plus tard, un autre communiqué venait contredire le premier : on devait débaptiser le pont ! L’explication du maire a quelque chose de comique : « On s’est fait rappeler à l’ordre puisque certaines règles doivent être respectées, écrivait le maire Guindon. La personne doit être décédée depuis au moins un an et Mme Vallée est toujours vivante. » L’histoire ne dit pas si le pont aurait eu droit d’être couvert, m’a soufflé un collègue, subtile référence au projet de loi phare de Mme Vallée.



LA CITATION DE LA SEMAINE


« C’est une occasion manquée de découvrir l’œuvre d’un grand créateur québécois et de parler de la culture autochtone. » – Marie Montpetit, ministre de la Culture, au sujet de l’annulation du spectacle Kanata