Quand Ford embête Couillard

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L'alliance entre le Québec et l'Ontario mise à mal

L’arrivée de Doug Ford à la tête du gouvernement ontarien crée de sérieux problèmes à Philippe Couillard, quelques semaines avant le scrutin québécois.


On l’a constaté au Conseil de la fédération cette semaine.


Depuis 2014, grâce à l’axe Couillard-Wynne (nom de la prédécesseure de Ford à la tête du gouvernement de l’Ontario), le Québec avait obtenu une position de leadership au sein des « États membres de notre fédération », selon le vocabulaire utilisé par le premier ministre devant les parlementaires ontariens en mai 2015.


D’ailleurs, dans cette même allocution de 2015 à Queen’s Park, M. Couillard, un tantinet lyrique, avait ressuscité l’idée du « Canada central » formé des anciens Haut- et Bas-Canada : « Nous formons plus de 60 % de la population canadienne [...]. Le Canada central est une force économique. C’est une force politique. C’est une force incontournable. »


Or, depuis l’arrivée de Ford, ce « Canada central » 2.0 tend à éclater ; les positions divergentes du Québec et de l’Ontario se multiplient.


Changements climatiques


Au premier chef, la lutte aux changements climatiques.


D’abord, dès son arrivée au gouvernement, Ford a aboli la bourse du carbone ontarienne mise sur pied en mars 2017. À l’époque, l’Ontario avait emboîté le pas au Québec qui, lui, avait suivi la Californie.


En 2015, à Queen’s Park, Couillard avait d’ailleurs félicité Wynne qui venait d’annoncer sa décision : « Grâce à notre collaboration, sera créé avec la Californie le plus grand marché du carbone en Amérique, et nous continuons à tisser des liens avec d’autres partenaires. »


Mercredi, Ford a fait un pas de plus pour enrayer les efforts environnementaux en annonçant qu’il se joignait à la contestation judiciaire du projet fédéral de tarification du carbone, lancée par la Saskatchewan.


Cela tranche avec la position de Couillard martelée en 2015 à Toronto : « La lutte contre les changements climatiques est un des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée. Le succès dans cette lutte exige des actions coordonnées, rapides et déterminantes de la part de tous, sans exception. »


Demandeurs d’asile


Du reste, avec son choix de confronter le fédéral dans un autre dossier, celui des demandeurs d’asile, le gouvernement Ford fait mal paraître Québec.


Le gouvernement Couillard, dans l’urgence de l’été 2017, avait choisi de dépenser d’abord et de réclamer ensuite au fédéral. Or, il s’est retrouvé contraint en mars d’envoyer une facture de 146 millions $ à Ottawa. Celui-ci a refusé d’assumer la note, a demandé d’obtenir un détail de la facture ; et jusqu’à maintenant, semble prêt à n’en rembourser qu’une fraction.


Le gouvernement Ford, lui, a opté pour la fermeté face à Ottawa : que le fédéral paie tout de suite, sinon, on ne fait rien, point. Cela contraste avec l’attitude du gouvernement Couillard, qui a passé des mois à traiter de raciste quiconque osait poser des questions sur l’accueil des « invités de Justin Trudeau » (selon la formule de Lisée). Pour ensuite, l’année suivante, admettre qu’il y avait de sérieuses carences, ce qui le force maintenant à courir après l’aide du fédéral.


Français méprisé


Enfin, il y a la question du français. Depuis son arrivée, Doug Ford a ignoré la langue de Molière dans le discours du trône, n’a pas mentionné le sort des quelque 600 000 Franco-Ontariens, a aboli le ministère des Affaires francophones (rétrogradé au rang de Bureau).


Jean-Marc Fournier, ministre des « Relations canadiennes » et de la Francophonie, dans une entrevue au Devoir, s’est heureusement permis de grincer des dents. Puis, au Conseil de la fédération, le premier ministre s’est contenté d’aborder la question timidement, dans une rencontre informelle. Et devinez : il a senti de l’« ouverture » chez son homologue. On se serait attendu à plus de fermeté de la part du « chef d’État de la seule société à majorité francophone d’Amérique » (formule de Couillard dans son discours de 2015).



Le carnet de la semaine


L’arrière-pensée de Joly


Mélanie Joly a perdu le portefeuille du Patrimoine et a hérité de ceux du Tourisme et de la Francophonie. D’aucuns y ont vu une rétrogradation, car ce sont là deux dossiers moins prioritaires. Mme Joly n’est pas d’accord. En langue « mélanienne », ça donne ceci : « Je pense que le tourisme, souvent, on peut penser que c’est un ministère qui en a pas la force économique qu’on peut penser, mais il ne faut pas le voir comme une arrière-pensée parce que j’arrive de la Gaspésie, 30 % de toute l’économie régionale est basée sur le tourisme. » (À LCN, mercredi) Vous avez compris ? Et dire qu’elle défendra la Francophonie.


Blais et « certaines positions »


La candidature de l’ancienne ministre libérale Marguerite Blais pour la Coalition avenir Québec dans Prévost en surprend plus d’un. En entrevue à Radio-Canada cette semaine, elle a ajouté à la surprise et à l’étonnement. Car à la question de l’animateur au sujet des positions de la CAQ sur l’immigration, elle a eu cette réponse énigmatique : « Je suis capable de défendre certaines propositions de François Legault. » Sur son changement de parti, elle a eu ces mots : « On s’est quittés il y a trois ans. Trois ans plus tard, est-ce que je peux choisir un autre chum ? » Pourtant, en avril, elle s’était présentée à des assemblées d’investiture libérales.


Lisée désespéré


Le chef péquiste Jean-François Lisée a l’air vraiment désespéré ces temps-ci. Il s’est plaint de ne pas avoir été invité, comme Philippe Couillard, au Zoofest – voyez la citation de la semaine – et pour prouver qu’il a de l’humour, il a publié sur les réseaux un florilège de moments où il a tenté d’amuser la galerie. Mais sa meilleure blague, poussée dans un tweet cette semaine, n’y figurait pas : puisque les Bleus et le PQ l’ont emporté (l’un la Coupe du monde, l’autre les élections) en 1998, il en sera de même en 2018... le PQ va gagner.



La citation de la semaine


« Le chef du PLQ a eu droit à une séance d’humour soft au Zoofest ces derniers jours. J’avoue, je suis jaloux, car je n’ai pas été invité. »


– Jean-François Lisée, chef du Parti québécois