Gaz de schiste

Histoire d'un vol à grande échelle

Aucun cadre réglementaire, aucun plan de redevances pour le gouvernement, on a juste dit “premier arrivé, premier servi”.

Chronique d'André Savard

Il y a quelques semaines encore, les neuf dixième de la population au Québec ignoraient ce qu’est le gaz de schiste. Puis des chroniques sont arrivées dont celles de Pierre Foglia sur des voisins qui un beau matin découvrent une foreuse sous leur pommier ou un conseiller municipal qui, au sortir des bureaux du Conseil de Ville, demande au maire ce que c’est que la torchère là-bas. Et le maire qui regarde sans savoir.

C’est à se demander si, comme Québécois, on eut jamais cru bon de nous dire quelque chose si les torchères ne s’élevaient pas si haut et si les volumes d’eau prélevés pour la fracturation des roches n’avaient pas obligé de couper le service par endroits. Déjà la tasse était difficile à avaler. On croyait que c’en était assez et qu’on avait déjà le portrait global d’un scandale.

En fait on n'était qu’en surface, et les dessous dépassent en horreur tout ce qu’on eut même osé appréhender, des choses que l’on eut jamais cru possibles du gouvernement Charest, si basse que soit sa cote d’amour. Depuis cinq ans, le gouvernement Charest a octroyé cinq cents permis d’exploration assortis de prérogatives aux compagnies, ce qui équivaut à une cession du territoire pour des décennies, le temps de tarir la ressource.

Tout cela a commencé par des voisins qui entendent des “boum” et des bruits de grande casserole dans leur cuisine. Puis on a appris au cours des semaines que ce fameux droit de prospection accordait en fait une foule de “droits acquis” touchant à l’accès à la ressource. Une compagnie peut faire main basse sur le gaz de schiste si elle paye son 40 cents l’hectare dans six ans, un beau gros quarante mille piastres annuel, soixante mille peut-être.

Et que vient nous dire la ministre Normandeau? Qu’on ne saurait remettre en cause les droits acquis de l’industrie gazière au Québec. Que sont ces “droits acquis”? Des droits exclusifs d’exploitation pendant vingt ans!

Aucun cadre réglementaire, aucun plan de redevances pour le gouvernement, on a juste dit “premier arrivé, premier servi”. Avez-vous des emplois pour nous? ... car au parti Libéral nous connaissons d’excellents planificateurs. Pendant ce temps la Colombie-Britannique vendait aux enchères les droits de prospection et cela lui rapportait plus de deux milliards en 2008, 897 millions l’année suivante. Le Québec, lui, non seulement accordait des droits de prospection qui vise tout le territoire québécois ayant un potentiel d’exploitation, il fixait un loyer à prix modique de 10 cents l’hectare la première année, 40 cents à partir de la sixième année.

Pour contrer la grogne devant ce vol orchestré, les porte-paroles de l’industrie, dont bien des têtes sont issues du parti Libéral, rappelons-le, disent que l’exploitation s’accompagne d’emplois bien payés. On donne une ressource car, en échange, le salaire horaire de ceux qui parviendront à être embauchés enrichira ces individus qui seront en mesure de payer plus d’impôts.

Voilà le programme d’enrichissement collectif qui justifie l’exploitation du gaz de schiste. On n’aurait pu imaginer que le gouvernement québécois fasse autant de mauvais choix. En fait, c’est la litanie des pires choix. Il est clair que nous sommes en face d’une collusion où le gouvernement québécois a fait acte de complicité aveugle. Le gouvernement québécois a totalement démérité de son titre dans cette très sale affaire.

Comme les droits exclusifs d’exploitation riment avec un octroi territorial, la seule façon de remettre le dossier sur la table de manière à reprendre une juridiction québécoise serait de nationaliser la ressource. La ministre Normandeau parle de structurer un secteur pour pallier à l’absence de règles. Or, le mal est fait. Le gouvernement québécois a voulu simplement encourager l’investissement privé en assortissant droit d’exploration et droit d’exploitation. L’anticipation de l’avenir s’est bornée à cela, du profit pour le privé et des bons offices entre riches bien placés.

La population québécoise n’a pas à perdre des milliards et une diminution de sa qualité de vie. Les Québécois ont déjà payé assez cher le règne des Libéraux au pouvoir. Chaque trimestre ouvre sur un nouveau chapitre plus funeste que les autres.

André Savard


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1 commentaire

  • François A. Lachapelle Répondre

    6 septembre 2010

    Le texte d'André Savard intitulé "Histoire d'un vol à grande échelle" est très important. Il est révélateur d'une braderie, une autre, orchestrée par l'équipe de Jean Charest, malheureusement le PM du Québec.
    Nous apprenons, je cite: «Depuis cinq ans, le gouvernement Charest a octroyé cinq cents permis d’exploration assortis de prérogatives aux compagnies, ce qui équivaut à une cession du territoire pour des décennies, le temps de tarir la ressource.»
    Je souhaite obtenir encore plus de détails concernant ces 500 permis d'exploration émis depuis 5 ans. Par exemple: faire un inventaire des titulaires, quels sont ceux dont les intérêts sont majoritairement situés au Québec, estimés en dollars quelles sont les retombées économiques qui resteront au Québec car un ouvrier résidant en Alberta ne paie pas d'impôts au Québec.
    Autres questions: à quelles conditions un permis d'exploration devient un permis d'exploitation? Si les redevances actuelles sont microscopiques, quelles devraient être des redevances plus équitables à la lumière de ce qui se paient ailleurs en Amérique ou en Europe?
    Exploiter le gaz naturel que nous consommons représente-t-il un leurre de logique? Actuellement, nous consommons du gaz qui vient d'Alberta. Pourquoi ne pas continuer comme cela le temps que la population du Québec soit mieux informée et ensuite procéder par référendum.
    Si l'exploitation du gaz de schiste pollue nos eaux douces de surface et de profondeur, le choix est facile à faire: l'eau douce potable est plus essentielle pour la vie que le gaz naturel, C'EST CLAIRE! Notre planète étouffe sous notre pollution de consommation débridée. Personnellement, je composte et je plante de jeunes arbres. Mais, je n'en fais pas assez.
    Québécois, notre pays est riche et le gaspillage et l'exode de nos capitaux nous ruinent, sans oublier le 40 milliards $ de perte en 2008 de la CDPQ et les autres mauvaises décisions de NOS sociétés d'État. Ensemble, nous devons vivre plus honnêtement envers notre planète TERRE et envers nos contitoyens plus nécessiteux que nous.
    Le beau pays du Québec est objet d'espérance et les jeunes qui désespèrent sont l'origine d'un grand mystère pour moi. Un vieux qui voudrait être jeune encore pour sauver le monde.
    Amitiés. Montréal 6 septembre 2010, Bonne rentrée scolaire à toutes et tous.