Constituante et référendum

Chronique d'André Savard

Beaucoup d’événements se pressent dans l’actualité. Jean Charest se fait avertir par le juge Bastarache car il se conduit avec cette commission comme quelqu’un qui a obtenu la passe chouchou à l’émission Tout le Monde en Parle. Il revoit et corrige séance tenante les déclarations du principal témoin qu’il poursuit au civil.
Et on a appris par ailleurs que le gouvernement avait émis cinq cents permis pour l’exploration visant le gaz de schiste sans même avoir cru bon d’ébaucher un cadre réglementaire pendant plus de quatre ans. C’est assez pour conclure que l’on a un très mauvais gouvernement et cette chronique ne répétera pas une conclusion que n’importe qui peut tirer.
Puisqu’on parle beaucoup de stratégie, cette chronique prendra à nouveau congé de l’actualité pour considérer la position de la nation québécoise, la signification générale de son existence et les droits inaliénables qui en découlent. Comme le lecteur de Vigile le sait probablement, il existe un plan de référendums sectoriels. Les implications de ces référendums ne sont pas simplement professionnelles ou sectorielles. Ces référendums avaient le mérite de relancer un processus de décision qui appartient aux Québécois. Plusieurs disaient que la démarche avait une vertu pédagogique car elle affirme que les aspects moteurs de la vie nationale québécoise doivent être examinés de façon autonome.
L’auteur de cette chronique avait une autre approche. Je voyais une Constituante qui ne soit pas une démarche populaire ou largement participative. Ceci pour la bonne raison qu’une Constitution Nationale a une fonction globale et que son but n’est pas de se mettre au service des groupes, des politisations transversales. Le premier objectif d’une Constitution Nationale est d’affirmer le principe de légitimité suffisante, point essentiel sans lequel la nation québécoise n’est ni un sujet de droit, ni rien de plus qu’une opinion qui n’engage à rien.
Ce que le Fédéral a voulu attaquer jusque dans ses fondements, c’est le principe de légitimité suffisante. Le Fédéral a soutenu deux choses essentielles dans deux lois concernant le Québec. D’abord que le Québec n’a pas de légitimité intrinsèque qui fasse contrepoids à la légitimité par association des provinces. C’est qui justifie l’annexion de 1982. Et puis la loi dite de la clarté, confuse et incertaine, qui n’allègue même pas la nation québécoise à titre d’hypothèse et qui ébauche un ensemble de procédures tout aussi incertaines voulant régler les demandes sécessionnistes de groupements interprovinciaux.
L’existence de la nation québécoise n’a pas agi sur l’ensemble des règles selon lesquelles on partage le vrai du faux au Canada. On ne sait absolument pas comment l’existence de la nation québécoise peut agir comme contrainte sur les institutions que le Canada produit et conforte. En fait, la nation québécoise n’est pas une vérité au Canada, tout juste l’enjeu d’un affrontement social entre citoyens canadiens qui aboutissent aux mêmes conclusions sur son défaut de préséance sur toute réalité jugée canadienne et donc plus universelle.
Cette vérité canadienne unitaire touchant le Québec vise le Québec tout entier et le met en danger à titre de nation. Le Québec se confronte à de très graves dangers. Le premier danger est de se confiner dans des luttes de conjoncture et des revendications sectorielles. Le système politique canadien est le système parmi les plus patentés pour conduire le Québec à être manipulé par des partis politiques pancanadiens et des cartels d’intérêts en tous genres.
Il est quand même incroyable de voir que Steven Blaney et Christian Paradis et Justin Trudeau parlent tous au nom du Québec autant que le gouvernement québécois lui-même. Aussi bien dire que le Québec est un département du Canada et une affaire d’opinions entre figures de proue de la politique canadienne.
On dit que dans la démocratie participative, le responsable politique tire sa légitimité de son élection. Toutefois, tous ses élus ne peuvent pas déterminer la nation québécoise comme catégorie fondamentale du droit ni même donner jour à une période axiale qui la favoriserait comme sujet de droit. Le Québec s’englue dans des luttes locales parce qu’on ne laisse pas développer des luttes en fonction de son être propre, faute d’un appareil national pour développer globalement et d’appuis institutionnels suffisants.
Si le Québec veut aller de l’avant, il devra commencer par faire de la nation québécoise un niveau de référence. Pour ceux qui craignent l’illégitimité d’une Constitution Nationale, ce n’est pas le Québec qui a décidé de ne parler que des intérêts de la population canadienne. Ce n’est pas le Québec qui a fomenté le vide juridique entourant son existence.
Le Québec n’est pas une pièce d’un édifice plus vaste. C’est une entité première qui a une responsabilité envers sa population. Le Québec n’est pas une collection de petits centres externes appartenant au Canada et destiné à l’enfermement ethnique. La population du Québec devrait appuyer par référendum une Constitution qui affirme l’irréductibilité de la nation québécoise dans tous les sens du terme.
Il est inexcusable que le Québec ait négligé d’affirmer que le Québec possède son territoire et la plénitude de ses droits. Les conditions positives du système actuel canadiens sont mal localisées, mal analysées. On les voit au Canada comme des raisons d’être qui priment sur la volonté démocratique de la nation québécoise.
On peut considérer que, pour fermer la système à la réalité nationale québécoise, le Canada aurait pu difficilement faire pire. La riposte constitutionnelle québécoise aurait dû être faite par n’importe quel premier ministre québécois. Les premiers ministres souverainistes ont peur de se faire accuser de faire de la diversion par rapport à leur option de base. Les premiers ministres fédéralistes au Québec, pour leur part, dirigent un gouvernement national sans avoir le courage d’inférer que la nation québécoise ait des droits nationaux inaliénables.
Les politiciens québécois fédéralistes disent que le statut provincial du Québec est favorable au rôle économico-politique que la nation québécoise joue. Aussi n’est-il pas important pour eux de penser dans les termes de l’existence de la nation québécoise ni même d’en faire mention autrement que comme une clause poétique,
Les compétences sont vues aujourd’hui comme des portions de pouvoir canadien prêtées et développées. Les partis politiques pancanadiens voient le défaut d’intégration du Québec dans les stratégies canadiennes comme issu d’un rapport spécifique à une réalité locale. On le voit avec la création de la Commission des Valeurs mobilières. Pire encore, le Québec n’étant qu’une structure d’accueil alternative face au Canada, son futur se limite aujourd’hui à sa faculté d’intégrer des groupes d’arrivants.
Loin d’élargir le principe de légitimité suffisante, le système canadien l’a séparé de la nation québécoise. Celle-ci ne peut pas sanctionner ni dire ce qui fonctionne comme vrai ou faux à son égard. Une Constitution nationale est un régime de vérité. Elle statue qu’une nation spécifique a des instances, des mécanismes qui lui permettent de distinguer pour elle-même les énoncés vrais des énoncés faux.
Une constituante ne peut donc aller à gauche et à droite. La Constitution nationale québécoise doit affirmer le principe de réalité qui fait que la nation québécoise se reconnaît elle-même. La nation québécoise n’est pas qu’un simple groupe, un « échangeur » avec un lieu à déterminer qui s’imbrique par voie d’échange et d’appui aux d’autres communautés culturelles canadiennes.
Le Québec est une nation en rapport avec elle-même, libre de déterminer son rapport avec les autres. Si étrange que cela puisse paraître, on laisse planer une foule d’artifices qui disent le contraire.
André Savard


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