Guerre de chiffres au sujet de la Rupert

La Fondation Rivières prétend que le coût de revient sera supérieur de 75 % à ce qu'a annoncé Hydro-Québec

Hydroélectricité - développement et exportation



L'émission des permis par Québec et Ottawa pour le projet de dérivation des eaux de la Rupert n'a pas mis fin au débat sur le sort de cette rivière vierge de nos régions nordiques. Après le mercure, c'est la question des coûts qui refait surface.
Les coûts du projet de la Rupert auraient bondi de 75 %, passant de 4,4 ¢ le kWh, selon l'évaluation d'Hydro-Québec dans son étude d'impacts environnementaux, à 7,8 ¢ le kWh, selon les calculs de la Fondation Rivières.
La Fondation Rivières réclame donc un moratoire de quelques mois sur le projet parce qu'il pourrait s'avérer plus cher que l'énergie éolienne et devenir «inutile» devant une éventuelle baisse de la demande en électricité en raison des changements climatiques.
Cette analyse a été réalisée par un analyste connu des projets énergétiques, Jean-François Blain, qui est intervenu pour divers groupes écologistes dans plusieurs dossiers devant la Régie de l'énergie.
Selon M. Blain et la Fondation Rivières, Hydro-Québec a omis d'inclure plusieurs coûts inhérents à ce projet et l'a même confirmé dans son étude d'impacts.
C'est ainsi qu'en plus des 3,9 milliards de dollars apparaissant dans l'unique page consacrée aux coûts du projet, Hydro-Québec révèle dans d'autres chapitres qu'elle n'a pas tenu compte dans son prix de revient des 310 millions qu'elle versera en compensations à la municipalité de la Baie-James, pas plus que du coût de construction de 179 millions de la ligne à haute tension entre la centrale Sarcelles et la centrale d'Eastmain ni des 43 millions qu'elle prévoit consacrer aux travaux visant à atténuer les impacts environnementaux du projet.
La Fondation Rivières et son analyste ajoutent aussi aux coûts du projet les 85 millions qu'Hydro-Québec reconnaît qu'il lui en coûtera chaque année en transport haute tension pour acheminer les nouveaux électrons vers le sud du Québec. Et la Fondation Rivières complète cette liste par les pertes d'électricité, qu'Hydro-Québec évalue à 28,9 millions par année.
La Fondation Rivières ajoute ces dépenses reconnues officiellement non pas au coût du projet initial, soit 3,9 milliards, mais au nouveau coût de cinq milliards, confirmé lors du lancement du projet, le 11 janvier, par le p.-d.g. d'Hydro, Thierry Vandal.
Avec ces ajouts, le coût du projet passe ainsi à 5,6 milliards, ce qui donne un coût de 7,8 ¢ le kWh si on divise l'ensemble des dépenses par les 8,5 TWh (ou milliards de kilowatts) qu'Hydro-Québec tirera du projet.
Le prix de revient des kilowatts de la Rupert pourrait donc rejoindre, voire dépasser le coût des kilowatts éoliens du dernier appel d'offres, soutient la Fondation, qui réclame un moratoire de plusieurs mois jusqu'à ce qu'Hydro dévoile le dernier appel d'offres pour 2000 MW d'éolien ainsi que l'analyse en cours des impacts des changements climatiques sur la demande en électricité, qui pourraient la faire diminuer, accroître les surplus actuels et rendre le projet de la Rupert «inutile», selon la porte-parole de la fondation, Anne-Marie Saint-Cerny.
Invité à réagir à cette intégration des coûts à partir des chiffres de son étude d'impacts, la porte-parole d'Hydro-Québec, Marie Archambault, a affirmé que «le prix de revient d'un projet ne se calcule pas en divisant le coût de construction par le nombre de kilowattheures produits. C'est malheureusement un peu plus compliqué que cela. Hydro-Québec utilise un modèle économique qui intègre un ensemble de variables, dont les coûts de financement, de construction et d'exploitation. Les principales hypothèses qui ont servi à établir le coût unitaire de production sont énumérées [...] dans l'étude d'impacts sur l'environnement. Ces hypothèses ont évolué au fil du temps, certaines à la hausse, comme les coûts de construction, et d'autres à la baisse, comme les taux d'intérêt. Lorsqu'on repasse tous les chiffres dans le modèle, il en ressort un coût de revient de 5,1 ¢ du kWh».
Mais à la Fondation Rivières, on estime que cette réponse officielle contourne la question principale, à savoir pourquoi Hydro-Québec a évité d'intégrer dans son calcul des coûts considérables dont elle a pourtant chiffré l'ampleur. A-t-on voulu diminuer artificiellement le prix de revient du kilowatt?
Pour Anne-Marie Saint-Cerny, cette question est fondamentale car plus le prix de revient du kilowatt de la Rupert est élevé, plus Hydro-Québec et les commissaires avaient l'obligation de comparer ce projet à des solutions de rechange dont les coûts sont semblables.
À la Fondation Rivières, on voudrait aussi savoir à quelle date le p.-d.g. Vandal a su que les coûts avaient bondi de 25 %. Cette question est capitale, a expliqué Mme Saint-Cerny, car si Hydro-Québec a caché des chiffres disponibles aux commissaires, la justification du projet Rupert a peut-être été soustraite aux obligations faites par les lois de l'environnement et la Convention de la Baie-James.
Invitée à préciser quand le p.-d.g. Vandal a été mis au courant de la hausse des coûts annoncée le 11 janvier, la directrice des communications d'Hydro n'a pas répondu à la question. De son côté, la Fondation Rivières devra aller défendre devant la Commission d'accès à l'information ses demandes répétées pour obtenir les coûts détaillés du projet Rupert.


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