Grotesque

la proposition fédérale est tout simplement grotesque. Non seulement elle confirme la totale insignifiance de la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes, mais elle remet en question des prérogatives qui remontent à près de 70 ans.

Harmonisation des taxes TPS-TVQ

Quand Robert Bourassa avait mis en doute la constitutionnalité de la TPS, au printemps 1989, Ottawa avait trouvé un allié inattendu dans la personne de Jacques Parizeau. La Constitution conférait à Ottawa le droit de taxer dans tous les champs, avait-il soutenu.
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Historiquement, le Québec avait toujours défendu bec et ongles l'exclusivité de son pouvoir de taxer la consommation. À tort ou à raison, M. Parizeau voyait cependant dans l'indignation de M. Bourassa un simple prétexte pour déclencher des élections et appâter les nationalistes.
Les tribunaux ont finalement donné raison au chef du PQ. Bien entendu, cela ne l'a pas empêché, une fois devenu premier ministre, de réclamer qu'Ottawa abandonne au Québec la totalité du champ de la taxation à la consommation et réduise plutôt ses transferts d'un montant équivalent.
On connaît la suite. Jean Chrétien, qui avait promis de «scraper» la TPS durant la campagne électorale de 1993, l'a finalement maintenue, tout en réduisant substantiellement les transferts aux provinces.
Pendant ses dix années de règne, M. Chrétien a fait enrager bien des gens au Québec, y compris d'authentiques fédéralistes, qui ne partageaient pas sa vision centralisatrice du Canada, héritée de Pierre Elliott Trudeau. Encore aujourd'hui, la Loi sur la clarté est largement perçue comme une entrave inacceptable à l'expression de la démocratie québécoise.
Malgré tout, jamais le gouvernement Chrétien n'a tenté de pénaliser financièrement le Québec simplement parce qu'il prétendait exercer son droit à la différence, comme le gouvernement menace aujourd'hui de le faire, en refusant de le compenser pour l'harmonisation de la TVQ à la TPS au même titre que l'Ontario. À moins qu'il n'en cède la perception à Ottawa, il sera privé de 2,6 milliards.
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Quand le ministre des Finances, Jim Flaherty, a évoqué cette possibilité pour la première fois, on a pu croire à une réaction improvisée, qu'un peu de réflexion permettrait rapidement de corriger.
La clarification est venue mercredi dernier sous la forme d'une lettre ouverte publiée dans les journaux. «Pour les citoyens et les entreprises du Québec, l'adoption du même modèle que celui de l'Ontario signifierait que la taxe harmonisée serait imposée en vertu de la législation fédérale et administrée par le gouvernement fédéral.»
M. Flaherty ajoutait: «Les entreprises percevant la taxe de vente harmonisée (TVH) traiteraient avec une seule administration fiscale, peu importe où elles exercent leurs activités, sans paliers administratifs inutiles. Cela réduirait les coûts pour les contribuables et les gouvernements.»
C'est précisément la raison pour laquelle Québec et Ottawa s'étaient entendus en 1990 pour que la TVQ et la TPS soient perçues par un seul ordre de gouvernement, en l'occurrence par Québec. En quoi serait-il plus simple qu'Ottawa s'en charge?
Le ministre des Finances va cependant plus loin que la simple question de la perception. «La taxe harmonisée serait imposée en vertu de la législation fédérale», dit-il. Si les mots ont un sens, cela signifie que le Québec confierait à Ottawa le soin d'exercer son pouvoir de taxation à sa place.
Gilles Duceppe a accusé M. Flaherty d'être de «mauvaise foi». Le chef du Bloc est bien indulgent: la proposition fédérale est tout simplement grotesque. Non seulement elle confirme la totale insignifiance de la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes, mais elle remet en question des prérogatives qui remontent à près de 70 ans.
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Depuis le début, l'argumentation fédérale sonne faux. Un document intitulé La taxe sur les produits et services: 10 ans plus tard, produit en juin 2000 par la division de l'économie de la Bibliothèque du Parlement du Canada, ne laissait aucun doute sur la conformité de la TVQ aux dispositions de la TPS: «Depuis 1995, les deux taxes sont complètement harmonisées, c'est-à-dire qu'elles utilisent la même assiette fiscale.» Les deux signataires du document, Richard Domingue et Jean Soucy, auraient-ils eu la berlue?
Stephen Harper a parfaitement le droit de faire une fleur à l'Ontario, mais le Québec n'a pas à en faire les frais. Déjà, les modifications apportées de façon arbitraire à la formule de péréquation avaient de quoi faire enrager. La dernière manoeuvre de M. Flaherty est encore plus choquante, surtout venant d'un parti qui s'est toujours érigé en défenseur d'un fédéralisme décentralisé, respectueux des compétences des provinces.
Même si l'Assemblée nationale a fait relâche en cette semaine de Pâques, il est assez étonnant que sa dernière lettre n'ait fait sursauter personne à Québec. Il est vrai qu'à en juger par les récents sondages, les jours des conservateurs semblent comptés.
On peut comprendre que Jean Charest n'espère plus grand-chose de son ancien ami, mais il serait grand temps de savoir à quoi s'en tenir en ce qui concerne celui qui a toutes les chances de lui succéder. Le flou artistique que Michael Ignatieff se plaît à entretenir dès que les choses deviennent un peu concrètes est plutôt inquiétant. Avant de tendre la main aux souverainistes, il devrait peut-être rassurer les fédéralistes.
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mdavid@ledevoir.com


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