Une déclaration de guerre

Harmonisation des taxes TPS-TVQ



(Québec) Après avoir refusé pendant 12 ans de compenser le Québec comme il l'avait fait avec les provinces de l'Atlantique pour l'harmonisation de la taxe de vente, le gouvernement fédéral en remet : il exige la mainmise sur l'administration de la taxe de vente du Québec. Dans sa lettre expédiée jeudi à Monique Jérôme-Forget, le ministre James Flaherty réclame de reprendre la perception d'une TPS et d'une TVQ harmonisées, perception qui avait été consentie au Québec par Brian Mulroney en 1990.
L'harmonisation des deux taxes est une mesure souhaitée par les gouvernements parce qu'elle est favorable à l'économie. Le Québec a été la première province à le faire, suivi de trois provinces de l'Atlantique en 1997. Ottawa avait consenti
1 milliard $ à ces trois provinces en guise de compensation, mais avait refusé le même traitement au Québec. C'est la compensation de 4,3 milliards $ annoncée la semaine dernière à l'Ontario qui a redonné vie aux demandes du Québec.
Il y a quelque chose de profondément insultant dans ce virage du gouvernement fédéral quand on songe qu'il aura fallu que l'Ontario passe à la caisse pour qu'Ottawa consente finalement à discuter d'une compensation pour le Québec. On pourrait malgré tout se réjouir de ce changement, si ce n'était de l'attitude cavalière du ministre Flaherty. En réclamant qu'Ottawa reprenne l'administration de la taxe, il pose des conditions qui forcent le Québec à refuser son offre. Certaines conditions ne posent pas de problèmes. C'est le cas de la demande que l'on cesse d'imposer la TVQ sur le coût de la TPS à l'achat d'un bien ou d'un service. Cette «taxe sur la taxe» avait été fortement critiquée dans le temps. Il suffirait de majorer le taux de la taxe provinciale d'un demi-point pour compenser le manque à gagner. Là où James Flaherty se montre imprudent, c'est quand il réclame qu'Ottawa reprenne la perception de ces taxes. Politiquement, ce serait une concession symbolique difficile à faire passer pour le gouvernement Charest. Mais plus encore, ce serait le transfert possible, à plus ou moins long terme, de 1493 emplois, dont la moitié est dans la Capitale-Nationale. On imagine un peu la levée de boucliers qu'un tel transfert susciterait au Québec. Les ténors péquistes dénonçaient déjà hier une telle possibilité, et les libéraux de Jean Charest ont réagi de la même manière.
Il sera intéressant de voir la position des libéraux fédéraux sur le sujet. Et il sera probablement décevant, encore une fois, de voir l'absence de réaction de nos députés et ministres conservateurs de la région de Québec. Sous Pierre Trudeau, les conservateurs accusaient les députés libéraux du Québec d'être une bande de moutons. On pourrait retourner le compliment au caucus québécois de Stephen Harper.
La lettre de James Flaherty est une gifle à l'endroit de Monique Jérôme-Forget. Si le gouvernement Harper voulait inciter la «Dame de fer» à rester plus longtemps en politique pour régler ses comptes, il ne pouvait trouver de meilleurs moyens. La ministre n'est pas du genre à baisser pavillon facilement...
James Flaherty joue avec le feu : déclarer la guerre à la plus fédéraliste et à la plus libérale des ministres de Jean Charest, ce n'est pas une stratégie très habile pour un gouvernement qui risque de se retrouver en élections l'an prochain. Comme elle l'a dit récemment, Mme Jérôme-Forget est «franchement bête et bêtement franche». On ne gagne rien à s'en faire un ennemi.
P.-S. ? Et en plus Ottawa ne demande pas un sou à l'Ontario pour percevoir les taxes sur son territoire, alors que le Québec assume sa part des frais... Flaherty est Ontarien, et ça paraît!


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