Gare au racisme «raisonnable»

Le prosélytisme et le refus de la modernité ne sont pas uniquement l'affaire d'immigrants provenant du tiers-monde.

Laïcité — débat québécois


Dans le débat sur les accommodements raisonnables, soutient Kevin Henley, il est erroné et même dangereux de mettre l'accent sur le nombre d'individus nés à l'étranger, plutôt que d'admettre que l'adoption de la modernité, c'est l'affaire de tout le monde. (Photo : archives La Presse)


Le débat actuel sur les accommodements raisonnables au Québec a mal commencé, les politiciens ayant décidé de le faire porter surtout sur le nombre «raisonnable» d'immigrants qu'on peut tolérer, sans mettre en péril l'intégrité culturelle de la vieille souche canadienne-française. En réalité, ce débat devrait plutôt se concentrer sur la menace à la modernité et à la laïcité de la société québécoise représentée par la montée mondiale du fondamentalisme au sein de toutes les grandes religions.
On estime à 500 millions de nos jours, le nombre de fondamentalistes partout dans le monde, de toutes origines confondues (chrétienne, musulmane, hindoue, bouddhiste, sikh, etc.). Tous ces «vrais-croyants» sont des évangélistes et des partisans du prosélytisme, qui veulent convertir le monde entier à leur cause. Ce sont ces fanatiques de tout acabit qui sont à l'origine de tous les débordements récents, allant du terrorisme (contre les gens pratiquant l'avortement aussi bien que contre les intérêts occidentaux) jusqu'aux irritants relativement anodins (le port du couteau à l'école, les diverses tentatives visant à cacher le corps féminin, etc.).
Tous ces intégristes veulent soumettre la majorité des gens à leur volonté réactionnaire. Le Québec n'est qu'un de presque 200 pays où ils essaient de tout contrôler, avec leurs idéologies d'extrême droite. Or, il est très important de souligner que parmi les cas d'accommodements récents, souvent excessifs, plusieurs ne proviennent pas d'immigrants du tiers-monde, mais de sectes d'origine occidentale, telles les Témoins de Jéhovah et les Hassidim.
Il est donc raciste de mettre tout l'accent sur les immigrants relativement récents, comme si la proportion des groupes extrémistes était nécessairement plus élevée parmi les gens de provenance non-européenne. En réalité, plusieurs minorités religieuses et idéologiques, d'origine occidentale et même autochtone, n'en déplaise à la rectitude politique, pratiquent le même refus de la modernité, de la séparation entre l'État et la croyance privée, et de l'égalité entre les hommes et les femmes, que des minorités similaires qu'on trouve parmi les populations immigrantes, provenant du tiers-monde.
Il n'y a donc aucune logique pour soutenir la thèse selon laquelle les immigrants non-européens, établis parmi nous à l'heure actuelle, sont moins capables que les gens d'origine occidentale d'adopter toutes les caractéristiques de la modernité. Penser ainsi, c'est adopter le même genre de racisme que les anglophones du Québec ont pratiqué autrefois, quand ils ont claironné sur tous les toits que les Canadiens-français étaient incapables, pour des raisons culturelles, religieuses ou ethniques, de développer eux-mêmes l'économie québécoise ou de réussir en affaires.
Dans le débat sur les accommodements raisonnables, il est donc erroné et même dangereux de mettre l'accent sur le nombre d'individus nés à l'étranger, plutôt que d'admettre que l'adoption de la modernité, c'est l'affaire de tout le monde. Pour faire face aux défis communs, tels que la détérioration de l'environnement naturel, et éviter des divisions sociales inutiles et destructrices, on ne peut plus se permettre d'accepter ce genre de racisme irrationnel, ni au Québec, ni ailleurs.
Kevin Henley
L'auteur est professeur d'histoire au collège de Maisonneuve.

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L'auteur est professeur d'histoire au collège de Maisonneuve.





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