Éviter l’enlisement

Afghanistan - une guerre masquée

Une enquête d’opinion menée dans cinq pays a mis en relief le pessimisme des populations quant au succès de la mission engagée en Afghanistan. C’est ce qu’on peut appeler une « non-nouvelle », tellement cet engagement paraît impopulaire et sa réussite, difficile. Mais un élément surprend tout de même dans ces données : c’est au Canada que l’optimisme (ou ce qui en tient lieu) est le plus fort !



Qu’on en juge : l’intervention des militaires déployés sous l’égide de l’ONU et de l’OTAN est perçue comme un échec par 69 % des Allemands, 66 % des Italiens et 63 % des Français et des Britanniques. « Seulement » 49 % des Canadiens et 54 % des Québécois parlent d’échec.
Toutes proportions gardées, les citoyens du Canada et même du Québec sont donc moins nombreux que les Européens à considérer que l’Afghanistan est un bourbier.
Voilà qui relativise ce qu’on entend depuis des mois sur l’opposition à l’intervention. Elle est réelle et forte, mais moins qu’ailleurs.
Comment expliquer ces surprenantes données alors que ce sont les militaires canadiens qui, encore là, toutes proportions gardées, paient de loin le plus lourd et le plus cruel tribut ?
Risquons l’explication suivante : c’est au Canada que cette mission est la plus largement commentée et analysée. C’est ici que les membres du gouvernement et le premier ministre sont appelés à en parler le plus, tant dans des points de presse qu’à la Chambre des communes. C’est certainement ici, aussi, que les gens sont les plus informés. Et c’est probablement ici, plus qu’ailleurs, qu’on sait que cette mission comporte deux volets, l’un militaire et l’autre dit de « reconstruction ».
Cela pour dire deux choses : la première est que ces données plombent la thèse de ses plus farouches partisans selon laquelle elle serait mal « vendue », ce que répètent toujours ceux qui n’ont rien à dire.
La seconde conclusion découle de la première : si on ne peut sérieusement accuser un déficit de communication gouvernementale ou autre pour expliquer le (relatif) mécontentement existant au Québec et au Canada, personne ne doit croire que l’appui à la mission augmentera au cours des prochains mois parce que le ministre Maxime Bernier et ses collègues se mettraient soudainement à « l’expliquer mieux »... Elle est déjà largement expliquée et probablement mieux comprise ici qu’ailleurs. C’est en tout cas ce que l’on peut conclure à la lecture du sondage.
À nos yeux, la légitimité de l’intervention à laquelle participent les soldats de Valcartier ne fait aucun doute. Elle a été décidée par la communauté internationale. En même temps, les perspectives de réussite semblent au mieux lointaines, au pire irréalistes. Dans les circonstances, le vrai piège est celui de l’enlisement.
Il n’y a pas de contradiction à croire, comme nous le faisons, que cette mission est nécessaire et légitime, mais qu’elle doit avoir une durée dans le temps.
Ce que l’on constate, heureusement, depuis quelque temps, c’est qu’un consensus se dessine entre partisans et opposants.
Il s’articule autour du retrait des troupes canadiennes à la date prévue, soit en février 2009, mais du retrait des missions de combat, s’entend. Pas d’un retrait de l’appui que le Canada pourrait continuer d’apporter aux forces afghanes — par exemple sur le plan de la formation.
Dans 16 mois, le Canada aura fait plus que sa part dans la région de Kandahar.
Ce consensus, même s’il est encore plus en gestation que réel, est encourageant. Il se situe entre la position irresponsable d’un retrait total et immédiat qu’on pousse au NPD et le flou trop longtemps entretenu par les conservateurs de Stephen Harper sur la prolongation de la mission.


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